Cela a commencé par un cliché. Au lancement de cette édition d’octobre rose, nous avions rencontré Katia, 56 ans, membre de l’association Amazones Guyane. Elle avait tenu à nous présenter, en photo donc, son fils Jean-Claude. La maman ne tarissait pas d’éloges sur son unique enfant, âgé de 34 ans, devenu son meilleur allié face au cancer contre lequel elle se bat depuis quatre ans. Alors, nous sommes allés à sa rencontre.
Lorsque l’annonce de la maladie leur est faite, Jean-Claude est animé par plusieurs sentiments : frustration, colère, incompréhension. « Je me suis dit, indique le fils, que c’était injuste. C’est moi qui néglige ma santé. Elle, elle fait toujours attention, elle s’alimente bien, elle n’a jamais touché une cigarette de sa vie. Pourquoi c’est à elle que ça arrivait ? »
À l’époque, Katia devait faire des analyses suite à un malaise et une « petite infection pulmonaire ». Quand, à l’hôpital, on lui demande de rester en observation, mère et fils se doutent que les choses sont un peu plus graves que ce qu’ils imaginaient au début. Le diagnostic tombe et les premières émotions laissent place à la tristesse. « Je crois que j’étais aussi à la limite du déni. » Mais la raison reprend le dessus. « Je sais comment les choses se passent. Si les médecins lui ont fait cette annonce, c’est parce qu’ils avaient tout vérifié avant. »
Katia est, elle aussi prise dans ce tourbillon sentiments. « Elle a craqué et pleuré… Après, nous avons repris nos esprits. On s’est dit : « nous avons un problème, quelles sont les solutions ? » Les médecins nous ont alors expliqué les traitements. »
J’ai cherché comment soulager ses douleurs avec la pharmacopée locale
Jean-Claude
Katia sera toujours traitée en Guyane. Les premières chimiothérapies sont difficiles à supporter. Mais Jean-Claude est déterminé à accompagner sa mère au mieux. « Elle n’avait plus aucune envie. Son corps la brûlait de l’intérieur…J’ai cherché comment soulager ses douleurs avec la pharmacopée locale. Je lui donnais beaucoup de fruits et de légumes… Je me suis aussi beaucoup informé sur la psychologie parce que je sais que c’est un aspect fondamental. »
Jean-Claude est présent à presque tous les rendez-vous médicaux. « Ma mère est originaire de Macapá. Elle est arrivée en Guyane à l’âge de 20 ans. Le français n’est pas sa langue maternelle. Même si elle comprend très bien, parfois, ça la rassure que je puisse lui réexpliquer ce qu’on lui dit. » Mais pas questions de materner sa propre maman ! Jean-Claude est catégorique : « ma mère est une femme très indépendante. Je ne suis pas là pour la chaperonner ou devenir son père ! » Je crois que m’avoir à ses côtés la réconforte. C’est rassurant d’avoir un visage familier dans tout ce processus. »
Avec Jean-Claude, Katia peut aussi compter sur le soutien des enfants de celui-ci. « Mon fils de 15 ans et ma fille de 8 ans, sont au courant de la maladie de leur mamie. Ils passent du temps avec elle, ils savent voir s’il y a quelque chose qui ne va pas. »
Si le traitement se passe bien, Jean-Claude et sa mère se parent à toute éventualité. « La mort fait partie de la vie, alors j’ai voulu parler avec elle de cette éventualité, pour enlever cette charge mentale en cas de décès. À ma grande surprise, elle avait déjà pris les devants. »
Aujourd’hui, Katia est en phase de rémission. « Depuis qu’elle fait partie de l’association Amazones Guyane, qui aide les femmes malades, elle est plus joyeuse. Sa joie de vivre est revenue plus vite que ce que j’imaginais. Ma mère n’a pas eu une vie facile. Aujourd’hui, j’ai envie de lui apporter un peu de bonheur, la faire voyager hors de Guyane, rencontrer de nouvelles personnes. La maladie ne l’a pas changée : elle a toujours été bienveillante. Nous avons toujours cette même complicité : elle me conseille, on s’entraide. C’est ma mère, mais c’est aussi une sœur, une amie. »