Une marche blanche est organisée ce jeudi 4 juin à Cayenne
Depuis le 26 mai, date à laquelle la famille de Karina a été informée de la découverte du corps de Karina enceinte de 3 mois, sa mère, sa tante, ses cousines, une fois l'horreur des conditions de cette disparition admise, se démènent pour que justice soit faite.Ce 4 juin, elles rendront hommage à Karina à travers une marche blanche dans les rues de Cayenne. Une marche qui se fera, exceptionnellement en voiture, en raison des prescriptions Covid.
Le cortège partira à 9h de la caserne des pompiers, avenue de la République, empruntera le boulevard Mandela, puis l'avenue de Gaulle et se terminera devant l'Hôtel de Ville, rue de Rémire. Il n'y aura pas de discours. Juste un silence recueilli pour accompagner la mémoire d'une jeune femme, Karina, dont les rêves de réussite et d'accomplissement ont été stoppés de la plus horrible des manières qui soit.
L'association l'Arbre du Fromager, la direction aux Droits de la femme, la municipalité de Cayenne soutiennent cette action. Cette affaire qui pourrait être un féminicide ne laisse personne indifférent et alimente les échanges sur les réseaux sociaux.
Une enquête pour homicide est en cours
Il n'y a pas encore eu d'information officielle sur l'enquête pour homicide qui est menée. Ce que déplore l'avocat de la famille Gama de Souza, maître Jérôme Gay :... Il y a suspicion de féminicide. Elle avait pour compagnon quelqu'un qui avait été mis en cause judiciairement pour le même type d'affaire et même incarcéré et renvoyé en cour d'assise. Une décision infirmée par la cour d'appel qui lui a permis de bénéficier d'un non lieu, il y a quelques années... Dans ce type d'affaire complexe, je considère que la médiatisation n'est pas une mauvaise chose. Il y a des responsabilités qu'ont les uns et les autres, les enquêteurs et les magistrats du parquet, de mener à bien des enquêtes et aussi les exigences basiques en terme d'information que peut avoir la famille...
Et ce désir qu'exprime la famille est celui d'être rassurée sur la volonté des enquêteurs, qui ne communiquent pas, d'élucider cet assassinat. Un silence qui alimente toutes les théories développées sur les réseaux sociaux, dont celle de l'impunité d'un compagnon déjà mis en cause dans une affaire similaire où la justice, rappelle maître Gay, " a été mise en échec".
Un juge d'instruction a été saisi, l'enquête est bien en cours. Et la famille poursuit son combat pour connaître la vérité.
Qui était Karina?
Elles sont trois femmes, aidées d'autres membres de la famille et d'amis à Macapa et à Cayenne, à se mobiliser pour que la vérité éclate et que justice soit rendue à leur fille, nièce, cousine et amie, tuée tragiquement à 23 ans.Née à Macapa au Brésil en 1996, Karina est arrivée en Guyane, où vit sa mère Neuza Gama de Souza, à l'âge de 4 ans. Scolarisée en maternelle à l'école Jean Macé à Cayenne, puis au primaire à l'école Pasteur, la petite fille s'intègre sans difficulté. Elle retourne ensuite à Macapa, confiée à sa grand-mère maternelle. La jeune fille y effectue sa scolarité jusqu'à l'équivalent du bac brésilien qu'elle obtient. Elle veut faire des études universitaires et revient en Guyane en 2018.
Ses proches la décrivent comme une jeune femme sans histoire, saine, affable, serviable, aimant lire et très soignée de sa personne. Une jolie femme désireuse de se construire un avenir professionnel. Elle a fait le choix de devenir comptable.
Au mois de juin 2018, durant la coupe du monde de football, elle rencontre celui qui deviendra son compagnon.
18 mois sous emprise
Une rencontre funeste et le début d'une relation toxique qui va l'éloigner rapidement de ses proches.Neuza, sa mère, l'affirme : dès que Karina a rencontré cet homme, elle a quitté le domicile familial soudainement, contre son avis, pour aller vivre avec lui :
... il montait la tête de ma fille en disant j'ai un appartement ... deux semaines après, elle est partie de chez moi. Tout a changé, elle ne téléphonait plus, je ne savais pas où elle habitait... il n'y en avait que pour sa famille à lui...
En janvier 2019, Karina appelle sa tante Telma Gama de Souza au secours :
... Elle pleurait. Je suis partie la chercher à l'appartement de son ami et l'ai ramenée chez moi. Elle était triste, angoissée... Dans la voiture, elle m'a dit qu'il l'avait tapée. Je lui ai dit qu'il fallait absolument porter plainte. Elle n'a jamais voulu...
Karina reste chez sa tante jusqu'au mois d'avril. Durant cette période, elle commence ses démarches pour intégrer l'université. Testée au CIO, Centre d'information et d'orientation, elle doit passer deux examens en français et en mathématiques pour obtenir l'équivalent du bac, pouvoir s'inscrire à sa formation en comptabilité et concrétiser ses rêves d'avenir.
Sa tante le rappelle, Karina était très différente de son compagnon, plus âgé, sans orientation précise. Il n'affiche selon elle, aucun projet de vie. Il parle beaucoup d'argent, de voitures, de bateaux, lui fait des promesses de voyages en France, de mariage...
La jeune fille passe encore un mois (mai-juin 2019) chez sa cousine, Talita Campos Ribeiro, à qui elle se confie. Elle avoue qu'elle n'est pas heureuse avec cet homme qui lui fait subir des sévices, la frappe, la gifle et même la séquestre dans la chambre sans lui donner à manger. Il lui a pris son téléphone, elle n'a plus accès aux réseaux sociaux. Elle révèle ainsi son désarroi, sa peur, mais n'ose pas réagir malgré les injonctions familiales de porter plainte et d'arrêter cette relation.
Karina retourne vivre avec lui et c'est de nouveau le silence.
Au mois de février 2020, sa mère Neuza est alertée par une voisine lui annonçant que sa fille est devant chez elle, ramenée par son compagnon. Neuza ouvre sa porte pour constater :
... il l'a battue ... il m'a dit à moi elle a fait des bêtises... je ne savais pas qu'elle était ici, il était allé la chercher à Macapa. Elle était en Guyane depuis un mois et demi... je ne savais pas...
A nouveau, sa tante enjoint sa nièce de porter plainte. Elle ne veut pas. Après quelques jours au domicile familial, Karina retourne auprès de cet homme.
Plus personne de sa famille n'aura de ses nouvelles et ne la reverra vivante.