Mars-avril 2017 : aux origines d'un mouvement social sans précédent

Déjà un an. Un an et l’heure du bilan. Le 17 Juin 2017, les 500 frères faisaient irruption à la CTG, provoquant une onde de choc. La source d’un mouvement social sans précédent, qui a marqué l’histoire de la Guyane à jamais.

500 frères contre la délinquance


Le 11 Février, un homme était tué à cité Eau Lisette. Un meurtre gratuit. Trop c’est trop ! Les grands frères des cités s’organisent et créent la surprise : les 500 frères contre la délinquance sont nés. A la surprise générale, ils défilent dans les rues, habillés de noir et masqués.

Mickael Mancé porte-parole des 500 frères explique :

"Ce n'est pas d'aujourd'hui, qu'il existe des problèmes d'insécurité en Guyane. Rien ne change malgré nos alertes. Nous voulons marquer les esprits." 


Reçus par le Préfet de l’époque Martin Jaeger, ils montrent leur détermination. La peur doit changer de camp. Un mouvement que beaucoup sous estimeront … Ils auront tort.

Ségolène Royal en première ligne



Le 16 Mars Ségolène Royal, arrive en Guyane après être passée par les Antilles. Elle doit participer à un segment de  la Convention de Carthagène et inaugurer le Pont de l’Oyapock qui unit la France au Brésil. La ministre de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, est accueillie par les socioprofessionnels en colère. Plusieurs sites sur lesquels elle était attendue sont bloqués : le Parc Amazonien, la Collectivité Territoriale et la Préfecture.

Valérie Vanoukian porte parole des socioprofessionnels se justifie :

"Il nous fallait saisir une opportunité pour nous faire entendre. C'est fait. La venue de la Ministre nous permet d'interpeller sur nos revendications."


Coup de force des 500 frères


La ministre Ségolène Royal face aux 500 frères cagoulés à la CTG

Le lendemain, à la Convention de Carthagène, les 500 frères déboulent à la Collectivité Territoriale en plein débat sur l’avenir de la planète. Une invasion musclée, très spectaculaire, qui suscite la peur chez certains. Les 500 frères emmenés par Mickael Mancé, José Achille et Olivier Goudet de Trop Violens, ne désarment pas. Ils  demandent la signature d’accords d’extraditions avec les pays limitrophes ainsi que des mesures concrètes contre l’insécurité en Guyane. Ils veulent déjà, la venue chez nous des Ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères, de la Santé et de l’Education. Un véritable choc pour les participants étrangers dont certains décident de repartir. 

Rodolphe Alexandre, président de la CTG alarmé : 

"Au delà de la violence, on a des participants étrangers complètement traumatisés.Trois délégations quittent la Guyane ce soir. Nous frôlons l'incident diplomatique."


Le calme avant la tempête 


Les blocages sont levés en partie après la signature du plan de Programmation pluri-annuelle de l’énergie et surtout d’un protocole d’accord actant de nouvelles dispositions pour le Pacte d’avenir initié par la Collectivité territoriale. Un pacte qui a du mal à se mettre en place, à cause de désaccords avec le gouvernement de François Hollande. En résumé : un moratoire sur le revenu de solidarité active est acté ainsi que la rétrocession de 200 000 hectares accordés sur le domaine de l’Etat.

Ségolène Royal  affirme :

"Il y a des choses possibles et d'autres qui ne le sont pas. Je vais veiller auprès de François Hollande, que les décisions prises soient réellement appliquées."


La Guyane s’enflamme



Puis, les événements s’accélèrent. A Kourou, la Croix Rouge annonce qu’elle souhaite vendre le CMCK, le centre médico chirurgical de Kourou au groupe Rainbow Santé déclenchant la colère de la population kouroucienne et du Collectif les TouKans. Mécontent de l’adoption du  plan de programmation pluri-annuelle de l’énergie, le syndicat UTG-CGT éclairage dépose un préavis de grève sur 7 points de revendications.
Le 20  mars, les Toukans et l’UTG éclairage décident de fermer le rond point du Centre spatial guyanais afin de se faire entendre. 
Le tir Ariane, prévu initialement, est reporté. Un mouvement qui fait boule de neige : les transporteurs bloquent le Port de Dégrad des Cannes, les agriculteurs font le siège de l’Agence de service et de paiement de Baduel, Saint Laurent le chef lieu de l’ouest et Mana sont paralysés à leur tour.
A Kourou, une manifestation emmenée par quelques élus se produit sur la route menant au Centre Spatial, les forces de l’ordre font usage de gaz lacrymogène. Les élus et les manifestants sont gazés. Un geste unanimement condamné, la population est en émoi.

Le mouvement s’étend


Deux jours après, les principales portes de la ville sont bloquées par les collectifs constitués par la population. La circulation est interdite de fait, en dehors de l'île de Cayenne. Les revendications restent les mêmes : la venue  en Guyane des différents Ministres du Gouvernement.
La Guyane s’enflamme et exprime ses doléances : santé, insécurité, social, économie …Un malaise persistant, général qui le temps des mois de mars et avril aura enfin trouvé un exutoire.

Bilan amer 


Un an après, le bilan est mitigé. Le Kolektif Pou Lagwiyann Dékolé s’est divisé. Les 500 frères se sont sclérosés. Deux associations sont nées de cette scission : les 500 frères emmenés par Olivier Goudet  et les Grands frères par Mickaël Mancé et José Achille.
Le gouvernement d’Emmanuel Macron soutient aujourd’hui que les principales revendications recensées à l’époque, seront satisfaites.
Cependant ce mouvement laisse un goût amer. La belle unité, s’est transformée au fur et à mesure, en divisions et querelles jetant l’opprobre sur un mouvement dont les revendications restent légitimes. La Guyane, terre de contrastes et d'inégalités n’aura jamais aussi bien porté son nom.
Le reportage de Guyane la1ère :