"Nous voulons être actrices" : les Amérindiennes de Guyane comptent se faire entendre lors des élections législatives

Les membres du projets "Nous voulons être actrices".
Orpaillage illégal, culture, suicides, sécurité, chômage... Les Amérindiennes s'interrogent sur de nombreuses problématiques rencontrées dans leurs villages. A l'occasion des élections législatives de 2022, un groupe de femmes, soutenues par le Secours Catholique, compte interpeller les candidats. La rédaction est partie à leur rencontre.

Elles viennent des villages de Taluen, de Boussoussa ou encore des Trois Palétuviers et elles veulent se faire entendre. Pour ce faire, Alicia, Mirzette, Alexandra, Mylène et Pamela ont intégré le projet "Nous volons être actrices", porté par le Secours Catholique de Guyane et coordonné par Vaneza Ferreira. A travers ce programme, l’association souhaite accompagner les femmes de communautés amérindiennes - souvent marginalisées et isolées – pour mieux s’affirmer en tant que citoyennes.

Faire entendre les voix invisibles

"L’objectif aujourd’hui, c’est de faire entendre ces voix invisibles pendant les législatives ", indique le Secours Catholique. Pour se faire entendre, elles interpelleront les candidats aux prochaines élections législatives en les interrogeant sur des thématiques liées à l’environnement, à la santé, à l’éducation ainsi qu’à la vie chère et à la jeunesse. Ces questions seront dévoilées dans nos prochaines éditions du Guyane Soir. En attendant, elles nous expliquent leur démarche.

Être actrice, c’est pouvoir parler et montrer les difficultés qu’on a dans nos communes. C’est aussi se faire entendre à l’extérieur.

Pamela, 38 ans.

Pamela, 38 ans, de Camopi.

« Maintenant, on veut des réponses »

Issue de la communauté Wayãpi de Camopi, Pamela a été invitée par le Secours Catholique. "Ça m’intéressait d’échanger avec d’autres femmes de Maripasoula ou de Taluen pour savoir ce qu’il se passait là-bas, en dehors de ce que j’entends à la télé ou à la radio", explique-t-elle.

"J’espère qu’il y aura au moins une réponse à nos questions", rajoute Alicia, 23 ans, venue depuis le village Boussoussa. Elle poursuit : "cela fait plusieurs années qu’on se pose ces questions malheureusement... et on est là, sans réponse. Maintenant, on veut des réponses".

Alicia, 23 ans, de Boussoussa.

Orpaillage illégal, chômage, violences…

Parmi les problématiques évoquées dans leurs questions, celle, inévitable, de l’orpaillage illégal. "Les dispositifs mis en place ne suffisent pas. J’aimerai qu’ils soient renforcés pour mieux lutter contre les orpailleurs. J’espère que je serai entendue", déclare Mylène, 21 ans, de Taluen.

Mylène, 21 ans, de Taluen

L'autre sujet fort pour les Amérindiennes : les suicides. En effet, les jeunes de ces communautés sont nombreux à se donner la mort. Le dernier drame en date s'est produit le 13 mai 2022, un adolescent de Camopi a mis fin à ses jours. La question a bien été abordée plusieurs fois à l'Assemblée Nationale, au Sénat et au Gouvernement. Des dispositifs pour comprendre ces vagues de suicides ont également été mis en place. Toutefois, ils n'ont pas suffi, à ce jour, à mettre fin au phénomène.

Alexandra, âgée de 21 ans, vient des Trois Palétuviers. Elle s’inquiète du taux de chômage. En effet, selon l’INSEE, dans l’Est, "seuls 26 % des 15-64 ans déclarent occuper un emploi. Le taux de chômage déclaré au recensement de la population est de 52 %, contre 34 % dans le reste de la Guyane".

Alexandra, 21 ans, des Trois Palétuviers.

La montée de la violence aussi fait partie des inquiétudes de Pamela. D’ailleurs, le phénomène est intimement lié au chômage. Au mois d’avril 2022, l’Agence Régionale de Santé dévoilait les résultats d’une étude menée dans l’Est guyanais sur la banalisation des violences faites aux femmes. On y apprenait que la consommation d’alcool, la précarité, l’oisiveté et le chômage favorisent le passage à l’acte des agresseurs.

A lire ici : Une étude révèle la banalisation des violences faites aux femmes dans l’Est de la Guyane

Des voix qui comptent

Mirzette, 45 ans, est cheffe du village des Trois Palétuviers. Elle rappelle que les voix des femmes ont du poids et de la valeur. Un rappel qui se fait souvent dans la société. Pour ces descendantes des peuples premiers de Guyane, il est encore plus difficile de se faire entendre. "C’est comme si on était un petit grain de maïs que l’on jette dans un bol de lentilles", compare l’une d’entre elles. 

Mirzette, 45 ans, des Trois Palétuviers.

On n'est pas seulement là pour le décor, on vote aussi ! On espère que les prochains députés seront capables d'interroger le Gouvernement.

Pamela, 38 ans