"Guyane terre promise"aux éditions Rimanay de Aline Belfort est une incursion dans le monde du réel. Certes il y a une intrigue, des personnages, une trame mais le cadre de l’histoire est résolument contemporain et décrit une réalité dérangeante. La Guyane est une terre promise pour beaucoup, "beaucoup d'appelés mais peu d'élus".
53 rue des zombis
Le livre s’ouvre sur la vie d’un squat situé au 53 rue des zombis à Cayenne. Trafics, vols, insultes sont le lot quotidien des riverains. Malgré les multiples plaintes déposées, rien ne bouge. Les squatteurs semblent bénéficier de l’impunité la plus totale. Difficile de ne pas se souvenir de l’évacuation forcée du squat de la rue Madame Payée.
Cayenne est devenue une ville presque morte, désertée. Mais il y a des résistants, de toutes origines, de tous les milieux. Ils se constituent en comité et luttent contre l’insécurité ambiante. Les squatteurs seront chassés mais porteront plainte et gagneront.
Une fiction du réel, prétexte à une galerie de portraits : il y a Célestin. Il vient d’Haïti et vit dans ce squat. Il ne veut qu’une chose : avoir un permis de travail pour construire sa vie. Gilbert, lui est bien implanté, d’origine brésilienne, naturalisé. Il se bat contre l’insécurité. Il y a aussi Kristina sa nièce, devenue orpheline alors qu’elle tentait avec sa mère de rentrer illégalement en Guyane. Et il y a tous les autres, des trafiquants, des orpailleurs clandestins qui se croisent et s’entrecroisent. Des portraits saisissants qui rappellent que l’immigration a un visage - des hommes, des femmes, des enfants en quête d’une vie meilleure - mais aussi ses revers.
Guyane : l'Eldorado ?
"Guyane terre promise" est un roman dense aux multiples ramifications, personnages, intrigues. Le fil conducteur est cette Guyane tant rêvée, cet eldorado fictif, idolâtré. L’auteur a mené une véritable enquête de terrain pour décrire les conditions de vie de ces personnages. L'ouvrage, redoutablement efficace, met en lumière une réalité occultée qui nous submerge : la vie dans les squats, dans les bidonvilles, le quotidien sur une exploitation d’or illégale, les filières des passeurs.
Elle décrit avec une plume affûtée, le fonctionnement de toutes ces passerelles nourries par la misère humaine. Aline Belfort évoque également cette nouvelle immigration venue du Moyen Orient, qui ne se cache pas, investissant les places publiques, sans se soucier de l’existant, et des habitants dépassés par leurs conditions de vie, indignes.
Cet ouvrage est pour Aline Belfort, le prétexte de poser les bases d’une vraie réflexion sur l’immigration sans stigmatisation ou racisme. Le roman est une invitation à une prise de conscience globale avant qu’il ne soit trop tard.