FIFAC #-5 : selon Greg Germain, président du festival « il faut sédimenter pour la jeunesse… »

Greg Germain
Président de cette 3e édition du FIFAC, le fameux réalisateur guadeloupéen, Greg Germain, porte un regard enthousiaste et optimiste sur la production documentaire amazonienne-caribéenne complémentaire des œuvres fictionnelles, un véritable sédiment pour la reconnaissance de la culture ultramarine.

Je n’ai pas eu de grandes difficultés, j’ai eu de la chance !Mais au cours de cette carrière, je me suis aperçu des difficultés qu’avaient mes compatriotes de Guyane, de Guadeloupe, de Martinique, de la Réunion, des difficultés qu’avaient tous ceux qui me ressemblaient dans un pays où l’on a persisté pendant très longtemps, et cela continue, à ne pas voir que la France était un pays aux identités à la fois singulières et multiples...
déclare Greg Germain, comédien et metteur en scène engagé, président de la 3e édition du FIFAC.  Un artiste noir qui s'est battu pour une meilleure reconnaissance du cinéma des Outre-mer.
A quarante ans, alors acteur reconnu en France, il se remet en question et décide de s'engager pour une reconnaissance et une meilleure diffusion de la production caribéenne : car cela signifie quoi être seul reconnu dans un pays où il y a une longue histoire avec le monde noir, la traite, l’esclavage, la colonisation, les départements d'Outre-mer. Il faut apprendre aux compatriotes blancs ce qu’ils ont de commun avec moi puisque, à cause de l’histoire nous sommes français. Non, je ne suis pas seul, j’ai une autre culture avec moi et je tiens à la revendiquer!

L’aventure CINEDOM +

Un incident le marque. Après le succès du film Mamito de Christian Lara, Greg Germain se rend au CNC, Centre National du Cinéma et découvre que les DOM n’étaient pas inscrits au rôle du cinéma français. Les films tournés dans ces régions, au contraire de ceux réalisés dans l’hexagone n’étaient pas éligibles aux aides de l’institution. Une véritable injustice. Une réglementation qui datait de 1946, du temps de la colonie, une anomalie que le législateur n’avait jamais  réparée.

En 1994, il parvient à faire changer cette loi à travers l’action de son association CINEDOM+ créée en 1992. Mais le décret d'application pour l'attribution des aides du CNC ne sera effectif qu'en 2014. L’acteur n'est pas tendre avec les distributeurs, le groupe à qui appartient tous les cinémas de la Caraïbe, car, selon lui, ils auraient même freiné des quatre fers pour que cela ne se fasse pas.

Si les mêmes moyens, comme pour leurs homologues de l’hexagone, celui de pouvoir, notamment, actionner le CNC, avaient existé depuis le début pour les réalisateurs des Outre-mer, la production aurait pu être plus importante. Le réalisateur considère que la faute est partagée sur ce point.

La présidence du FIFAC 2021

Si Greg Germain n’est pas un spécialiste du documentaire, il revendique d’être un spécialiste du cinéma tout court :
Il n’y a pas de cloison étanche entre le spectacle vivant que je pratique beaucoup. Je dirige un théâtre à Avignon pour recevoir les compagnies d’Outre-mer. Parce que c’est anormal que des compagnies de chez nous ne puissent pas s’exprimer dans leur pays qui est aussi l’hexagone. Je considère que le France est un archipel où tous les français doivent pouvoir s’exprimer culturellement là où ils le veulent notamment dans la France continentale, par exemple.

Et qu’est-ce qu’un documentaire sinon un document filmé avec des intentions audiovisuelles, une histoire qui se raconte…

Le FIFAC est une source d’apprentissage. Dans le programme, il y a de vraies histoires, de vrais imaginaires, de vraies identités, singulières, multiples qui se développent ... que le metteur en scène a beaucoup de joie à découvrir. L’essentiel est que cela soit servi par un propos.

Un festival qui doit servir la jeunesse

Je trouve formidable pour les jeunes guyanais d’avoir, adossé au puissant Maroni, un festival qui va leur permettre un jour de faire leurs propres images. Face au tsunami d’images mondialisées qui arrivent maintenant, il n’est pas normal que les jeunes des outre-mer connaissent mieux l’histoire des documentaires tournés aux Etats-Unis, en Angleterre ou en France plutôt que des documentaires où ils verront leur pays, leur forêt avec des imaginaires extraordinaires.

Cela peut constituer un premier pas avant de continuer sur la fiction insiste le président du jury.

Le soutien qu’apporte France télévisions avec l’organisation du FIFAC est à saluer car cela ne peut être qu’un plus pour la découverte de la Guyane.

Il faut « sédimenter » ajoute Greg Germain. Il y a eu le festival Cinamazonia en son temps, il faut qu’il y ait d’autres festivals pour continuer à faire du cinéma en Amazonie, Caraïbes et sous toutes les formes, documentaires, web doc, films. Il faut montrer comment la culture est essentielle à notre vie car c’est une façon, pour nous gens d’outre-mer de résister.

Greg Germain un acteur réalisateur engagé

Il s'est fait connaître dès les années 70 dans l'hexagone avec son rôle culte dans la série télévisée "Médecins de nuit", le guadeloupéen Greg Germain est une figure du cinéma français et un étendard pour le cinéma des Outre-mer. L'acteur est la voix française de Will Smith, icone du cinéma américain.
Il mène une action volontariste pour la reconnaissance de la culture de la grande région amazonie-caraïbe et accueille dans son théâtre à Avignon, les troupes des Outre-mer.