Violences conjugales : Myrella témoigne

En 2020, le tribunal judiciaire de Cayenne a jugé 720 dossiers de violences conjugales. Peu de victimes acceptent pourtant de témoigner à visage découvert. Myrella n’a pas peur de le faire et cette jeune Guyanaise raconte la terrible histoire d'une violence quotidienne.

Myrella revient en Guyane en 2019 pour se rapprocher de son père. Elle rencontre un homme qui se dit prêt à la soutenir mais rapidement, la brutalité s’immisce dans leur relation. 

Un moment de vulnérabilité 

C’est une jeune femme dynamique et indépendante qui livre ce récit. Hôtesse de l’air, Myrella vit entre les continents lorsqu’elle apprend la maladie de son père. Elle décide de s’installer au pays pour quelques temps. Attristée par cette épreuve familiale, Myrella trouve un peu de réconfort auprès d’un nouveau compagnon. Il lui assure qu’il sera là pour elle. 

Les sorties du couple deviennent rapidement sources de conflits. Il lui reproche ses discussions, danses et tenues, la culpabilise pour justifier ses colères. Les gestes sont de plus en plus violents. Elle s’accroche à la relation pour ne pas se retrouver seule dans un moment difficile de sa vie. Il l'isole progressivement de ses amis. 

Le 15 mars 2020, le confinement est décrété en Guyane. Myrella se rend compte que son compagnon utilise tous les prétextes pour continuer à la brutaliser malgré l’absence de sortie. Un jour, il la bat jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. Elle reste. Elle a honte de parler de ce qu’elle subit à son entourage. 

“ Avant le confiment, il y avait toujours des prétextes… Après, il n’y en avait plus…” 


La violence continue jusqu’au soir où la jeune femme rentre chez ses parents après avoir été frappée. Cette fois, elle ne maquille pas la réalité. Effondrés en voyant le visage tuméfié de leur fille, ils la convainquent de porter plainte. Elle entame le chemin de sa reconstruction. 

"On se dit toujours qu’on va partir, mais on n’y arrive pas" 

Peu de temps avant la soirée où elle met fin au cycle des violences, Myrella confie son calvaire à sa sœur. Il lui aura fallu près de neuf mois pour parler de sa situation à cette confidente de toujours. Sa sœur lui dit qu’il suffit d’un coup mal placé pour que tout s’arrête. En 2020, 102 femmes sont mortes sous les coups de leurs compagnons en France, dont une en Guyane, d’après le parquet. 

Myrella reconnaît que sa famille l’a beaucoup aidée à sortir de cette relation violente. Ses proches lui ont rappelé l’importance de l’estime de soi et elle pouvait compter sur la leur. C’est pour passer un message à toutes les femmes qu’elle témoigne aujourd’hui : 

“Je veux dire aux femmes qui entendront mon témoignage qu’il faut s’aimer plus, vous méritez mieux que ça…”. 


À la suite de son dépôt de plainte, la jeune femme est orientée vers l’Arbre Fromager où elle entame un suivi psychologique. Il lui faudra du temps pour oser regarder cet avant bras où demeure une cicatrice. La psychologue l’aide à retrouver un rapport apaisé à son corps. Les séquelles sont aussi psychiques. Il faut lutter contre l’angoisse que génère chaque cri ou situation violente. Réapprendre à faire confiance et à ne plus craindre les hommes. 

Myrella est bien décidée à ce que cette première expérience d’une relation violente soit la dernière. Mais elle souligne combien il est difficile de sortir du piège, surtout pour des femmes qui manqueraient de soutien familial et affectif. 

Tourner la page prend du temps 

L’art pour transformer cette épreuve douloureuse en nouveau départ. La jeune femme veut porter son histoire à l’écran pour se détacher définitivement de la “Myrella d’avant”. Les projets sont aussi des moyens d’avancer en attendant le procès de son agresseur. Le temps de la justice lui a d’abord paru interminable. 

Avant la condamnation, il est difficile de tirer un trait sur le passé. Myrella espère une sanction sévère pour empêcher son ex-compagnon de nuire à d’autres femmes. Elle sait que certains souvenirs l’accompagneront toute sa vie, même si elle apprend jour après jour à en faire une force. 

Elle témoigne aujourd’hui à visage découvert pour que d’autres aient le courage de dire stop avant qu’il ne soit trop tard.