Maire en confinement - Mana: Albéric Benth « le service social en première ligne »

Régler les problèmes de la commune, entendre les besoins des citoyens et trouver le maximum de solutions en période de confinement, c’est le lot quotidien du maire de Mana, Albéric Benth.
Le premier magistrat mananais nous a fait part de ses contraintes. Entretien.

M. le maire, comment avez-vous organisé les services municipaux ?

Albéric Benth : En fait, j’ai revu le fonctionnent de la mairie en diminuant le nombre de personnes dans les services pour essayer de faire en sorte qu’il n’y ait pas plus d’une personne par  bureau fermé. C’est le cas notamment

à l’Etat-civil puisque nous nous devons d’accueillir les gens pour leurs démarches urgentes.

Pour les services généraux, comme la comptabilité, cela ne pose pas de problème. Dans les services qui reçoivent du public, nous avons mis à disposition des masques et du gel hydro-alcoolique ainsi que savon et eau disponibles dans les vestiaires pour permettre que les agents soient en sécurité. Pour la partie Espaces verts et les services techniques, là aussi réorganisation, on maintient toujours la propreté du bourg avec nos agents. L’idée est de faire en sorte qu’il y ait un maximum de 3 agents par groupe et en recommandant le respect des gestes-barrières avec une mise à disposition de masques, gels et des gants.

Pour l’heure, en matière d’administration communale, quel a été votre choix pour assurer le suivi des dossiers et la continuité du service public ?

Albéric Benth : Pour l’heure, je travaille avec les directeurs et ces derniers travaillent à leur tour avec les agents en fonction des services à mobiliser.
 
Effectif limité dans un bureau pour cause de coronavirus (image d'illustration)


Aujourd’hui, quelles sont les priorités pour votre collectivité ?

Albéric Benth :

Nous sommes en train de faire des travaux dans les écoles, ce que nous n’avions pu faire pendant les périodes de classe. L’autre grand axe est mis en œuvre avec le service social.

Nous avons pas mal de personnes âgées qui ont des difficultés pour se déplacer et qui ont des soucis financiers pour assurer leurs besoins du quotidien en matière alimentaire par exemple. Donc nous sommes là au soutien de ces personnes. A côté, il y a également des personnes dites vulnérables et d’autres qui ont des difficultés financières. Chez nous, ce sont des personnes qui sont connues, qui vivaient de job. Pour certains d’entre eux, ils sont en situation irrégulière et leur situation ne leur permet pas de bénéficier d’allocation et continuer à avoir une activité économique. Nous sommes par conséquent en train de voir comment les accompagner pour leur permettre de se nourrir et de nourrir leurs familles.

Est-ce que le volet de l’accompagnement social avec les précaires dont vous parlez justement occupe en priorité vos équipes depuis le début du confinement ?

Albéric Benth : Tout à fait,

c’est surtout le service social qui est sollicité actuellement, il est en première ligne. Un exemple, j’ai envoyé mes équipes sur le terrain pour identifier des cas de personnes inconnues de nos services.

Au cours de leur tournée, ils ont pu détecter des personnes qui vivaient de job et sont aujourd’hui sans le sou. Ces personnes n’ont plus la possibilité de ramener 20 ou 30€ à la maison. Pour ceux-là, nous nous devons de trouver des solutions pour leur offrir à minima des paniers alimentaires pour leur permettre de survivre.
 
Le soutien aux personnes dans le besoin, une démarche essentielle pour la collectivité

 

« Ces personnes ne réalisent pas la dangerosité de la situation »



Comment est vécu le confinement à Mana, êtes-vous satisfait du respect des consignes par vos concitoyens ?

Albéric Benth : Pas trop satisfait, je dois le dire.

Si dans certaines zones, on peut parler de respect du confinement mais dans d’autres, ce n’est pas le cas. C’est notamment la situation devant les magasins, les libres services  où il y a encore des rassemblements. Ils sont devant, se réunissent pour consommer. C’est un vrai problème.

La police et la gendarmerie effectuent des patrouilles, quand ils passent les gens s’en vont mais retournent sur place ensuite. C’est de la pédagogie et pour ça on a eu des échanges avec la Croix-Rouge qui va missionner des maraudes pour tenter de résoudre ce problème. Nous avons également contracté avec un prestataire privé pour un véhicule sonorisé qui va diffuser des messages à travers la commune, au niveau des rues ça semble fonctionner mais on a toujours ces personnes devant les supérettes en fait.

Selon vous, c’est quoi, une forme d’inconscience ?

Albéric Benth : Clairement, je crois que

ces personnes ne réalisent pas la dangerosité de la situation et de cette épidémie. Ils n’arrivent pas à respecter les consignes tout simplement parce qu’ils ne croient pas à ce qu’on leur dit.

Selon le maire, Albéric Benth, l'aide aux personnes en difficulté est fondamental "nous devons de trouver des solutions pour leur offrir à minima des paniers alimentaires pour leur permettre de survivre"
 

« L’habitat ne correspond pas au mode local de vie »


Le président de la république annonce une possible réouverture des écoles le 11 mai est-ce que au niveau de Mana vous pourriez être prêt ?

Albéric Benth : Je vous le disais plus tôt dans cet entretien, nous effectuons actuellement des travaux dans les écoles. S’il faut que l’on ouvre les établissements scolaires le 11 mai, nous serons opérationnels. Les agents qui travaillent dans les écoles habituellement n’y sont pas actuellement puisque des travaux sont en cours. Mais dès que le signal sera donné, nous ferons tout pour rendre les écoles opérationnelles et nos agents auront le temps de désinfecter complètement les établissements pour accueillir les communautés scolaires. Ceci dit,

le 11 mai est une date annoncée mais il y aura certainement une évaluation de la situation avant de donner l’autorisation et la forme du retour en classe pour les élèves et les enseignants. On verra si cette date sera maintenue mais à Mana, on fera en sorte que tout soit prêt pour la date du 11 mai.


Quelles sont vos inquiétudes quant aux prochaines semaines de confinement pour votre territoire ?

Albéric Benth : Je dois vous dire que ma plus grosse inquiétude est le relâchement de la population que je ressens déjà. Nos concitoyens sont gênés par rapport au fonctionnement habituel et qui ne peuvent pas rester confinés à la maison…je n’apporte pas une excuse mais la réalité aujourd’hui me permet de dire que j’ai raison quand je soutiens que

l’habitat ne correspond pas au mode local de vie. Il faut repenser nos constructions, les rendre plus ouvertes et les adapter au mode de vie réelle des gens. On ne peut pas demander à une famille de 5 ou 6 personnes de rester dans une habitation de 30 ou 40 m2,

j’entends par là des logements de type HLM où il est impossible de rester à l’intérieur 3 semaines ou 1 mois. C’est impossible. Et là on parle des personnes vivant dans des habitations réglementaires. Imaginez, à Mana nous avons des gens qui vivent dans des carbets et dans des situations pas réglementaires. Maison en tôle sous 35 degrés, c’est impossible.

Comment faire alors ?

Albéric Benth : Il faut absolument

repenser l’habitat à Mana. Pour l’avenir, il faut revoir les constructions et cette refondation de l’habitat à Mana et pour la Guyane, je crois que ça devrait intéresser les bailleurs sociaux comme l’Etat qui finance le logement collectif pour vraiment coller au mode de vie guyanais.


Quelles sont les relations intercommunales aujourd’hui ?

Albéric Benth : J’ai une réunion avec la Croix-Rouge et les associations caritatives de Mana. Et bien figurez-vous que l’on s’appuie sur le vécu de St-Laurent-du-Maroni, j’ai échangé avec ma collègue Sophie Charles qui m’a donné des indications et le mode opératoire choisis dans sa ville, à Mana nous nous appuierons sur cette expérience. Nous avons les mêmes problèmes, l’échelle n’est pas la même mais nous travaillons de concert. Il y a à la fois une belle entraide et une forte solidarité Ouest entre maires de la région.
 

"Porter un masque, c’est du bon sens"

 
Les agriculteurs et les coopératives se sont organisés pour proposer leur production à travers de commandes et la population s'est appropriée le nouveau concept de livraison.

M. le maire, concernant les marchés, qu’avez-vous retenu ?

Albéric Benth : Habituellement, nous avons deux marchés à Mana. Celui du jeudi soir et l’autre, le dimanche à Javouhey. J’ai pris la décision d’interdire ces deux marchés pour des raisons de sécurité de la population et éviter que l’on soit un foyer porteur du Covid-19. Par contre, j’ai vu avec les agriculteurs et coopératives de Mana pour voir comment on pouvait mettre en place une vente sous forme de paniers après commandes. Cela se passe le mardi avec deux lieux de récupération des paniers. La chose entre petit à petit dans les habitudes.

C’est un changement d’habitude et de comportement que nous demandons la population d’adopter. L’objectif est de penser à préserver la population et c’est ce qui guide notre démarche. Il faut éviter d’avoir des lieux de regroupement pour que les gens ne soient pas contaminés.


Quel est votre message à l’attention de la population ?

Albéric Benth : Et bien les gens qui ne croient pas à cette maladie, je leur demande tout simplement de

regarder ce qui passe à travers le monde, d’écouter la radio et regarder la télévision. Il faut vraiment que ces gens comprennent. Il faut qu’ils aient une prise de conscience, rester confiné peut sauver des vies.

A titre perso, je limite mes déplacements, je ne viens par exemple en mairie que quand c’est indispensable.

Que pensez-vous du port généralisé du masque ?

Albéric Benth : Je fais partie des maires signataires du courrier adressé au préfet de région par l’association des maires demandant à l’Etat de rendre obligatoire le port du masque. Alors c’est vrai qu’il y a la difficulté de disponibilité des masques mais je pense que même au-delà du 11 mai, il faudra porter un masque.

Je ne crois pas qu’en 1 mois tout sera revenu à la normale. Je pense que porter un masque, c’est du bon sens.

Dans d’autres pays, cela s’est fait et nous ne pouvons rester à côté de ce qui a été fait dans des pays impactés par la pandémie donc pour moi, oui sans réserve il faut porter un masque quand on quitte son domicile.