A quelques kilomètres du bourg de Maripasoula, l’abattis d’Emile Sacapou est florissant. Ici un verger avec des agrumes et des ramboutans, là quelques sillons en maraîchage avec plantation de bananes et de piments. Un peu plus loin, l’inévitable parcelle au sol brûlé où s’étend le manioc à couac à perte de vue. Au milieu des plants, la famille d’Emile sème des arachides. « Ca va permettre de garder de l’azote dans le sol », explique Emile, pépiniériste à Maripasoula.
Si les cultures ont toujours été associées sur les abattis traditionnels afin d’optimiser les rendements, une diversification aussi poussée reste encore rare chez les agriculteurs du Haut-Maroni. Dans le modèle traditionnel sur brulis, qui fonctionne par cycle, les parcelles strictement dédiées au maraîchage et surtout les vergers, n’ont pas leur place. « Ici, nous avons des parcelles sédentaires où on fait juste une rotation de culture », explique Emile Sacapou en montrant ses piments.
Une petite révolution agricole
Ces dernières années, de plus en plus d’agriculteurs se sont lancés dans un tel processus de diversification tout en gardant l’essentiel de leurs parcelles en culture traditionnelle sur brulis. « Les familles bien installées ici peuvent facilement avoir accès à 20, 30 hectares. La diversification n’a pas besoin d’intervenir sur toute la surface. Trois ou quatre hectares de vergers ou un demi-hectare de maraîchage, c‘est déjà très bien », témoigne Nathan Astar, technicien de la chambre d’agriculture à Maripasoula qui accompagne une quarantaine d’agriculteurs dans cette démarche.
Cette petite révolution agricole s’explique par plusieurs facteurs. En premier lieu, les évolutions alimentaires et l’intérêt croissant de la population pour les productions comme les agrumes ou les ramboutans qui apportent un complément de revenu non négligeable à Emile Sacapou.
« Il y a un marché qui s’est développé. Les gens mangent de plus en plus de citrons, d’oranges ou d’avocats. Certains agriculteurs ont vu qu’il y avait une opportunité économique », confirme Nathan Astar. Le besoin est d’autant plus grand qu’à ce jour, l’essentiel des légumes consommés dans la région de Maripasoula sont importés du Suriname, avec tout l’inconnu sanitaire que cela engendre.
Adaptation au déréglement climatique
Remettre des arbres dans les parcelles permet aussi de s’adapter au dérèglement climatique qui vient renforcer l’intensité et la fréquence des aléas naturels. Ces dernières années ont par exemple été marquées par des précipitations extrêmes puis par une saison sèche particulièrement intense. Autant de phénomènes ayant amoindri les rendements.
Ainsi, planter un verger ou associer des bananiers à du maraîchage devient un moyen d’apporter un couvert végétal et donc, par exemple, de rafraichir les sols en période de fortes chaleurs prolongées.
Enfin, l’année 2023 a été marquée par une maladie du manioc qui a entrainé des pertes de 60 à 90 % dans certaines zones du Haut-Maroni. « Tous les plans ont été touchés, on n’a presque rien eu », témoigne Emile Sacapou. Une raison supplémentaire d’assurer ses arrières en mettant en valeur d’autres cultures.
Si les agriculteurs rompus aux méthodes traditionnelles ne sont pas encore totalement au fait de toutes les subtilités liées à l’entretien des vergers ou à l’amendement des sols, ce qui peut ralentir la dynamique, selon les observations de Nathan Astar, l’envie de diversification est bien là. Et, sur les abattis, la mutation est de plus en plus visible.