Des signaux d'amélioration, mais une situation toujours préoccupante et la perspective d'une élimination en 2025 qui semble désormais de l'ordre de l'illusion. C'est, en somme, ce que nous apprend le dernier bulletin de Santé publique France relatif à la propagation du paludisme, paru le 2 mai.
Au cours du premier trimestre, 228 cas ont été diagnostiqués et la tendance est à la baisse. 125 accès palustres en janvier, contre 136 en décembre 2023, 65 en février puis 38 en mars. Mais, si la situation s'est stabilisée à un niveau "modéré", la transmission demeure active sur les communes du littoral et le "risque d'extension des zones de transmissions vers des zones d'habitat plus dense ne peut être écarté", note l'agence de santé.
La cartographie du risque paludique, habituellement restreint aux zones d'orpaillage localisées sur les communes de Saul, Maripasoula, Saint Elie et Camopi et aux zones urbaines de Régina a en effet largement évolué en 2023. "Le risque de transmission est désormais présent sur des communes du Littoral dont certaines jusque-là exemptes ou à très faible risque de transmission", explique SPF, en citant les exemples de Montsinéry-Tonnegrande, Kourou, Matoury ou encore Roura.
Il faut tout de même préciser que la grande majorité des cas est liée au parasite Plasmodium Vivax dont les conséquences sont moins graves que pour le Plasmodium Falsiparum, espèce qui circule à la marge en Guyane. C'est ce qui explique l'absence de décès en 2023 et sur le premier trimestre 2024.
340 cas en 2023
La publication revient d'ailleurs longuement sur la recrudescence du paludisme qu'a connu la Guyane en 2023, avec 340 cas recensés, soit une incidence supérieure à 1 ‰ de la population, une première depuis 2018. La situation reste tout de même bien moins grave que dix ans plus tôt, en 2013, où 871 cas avaient été recensés ou même que dans les années 2008 - 2009 où l'on déplorait plus de 3000 cas par an.
Difficile encore, d'avoir suffisamment de recul pour expliquer la cause de ce rebond surprise. À ce stade, la cause vectorielle écartée, les études entomologistes ne concluant à aucune évolution notable. En revanche, l'arrêt de distribution de la chloroquine, fin décembre 2022, et son remplacement par le riamet pourrait avoir joué un rôle. Ce dernier médicament, moins efficace, "pourrait induire des reviviscences précoces en comparaison à la chloroquine", détaille Santé publique France.
Quoi qu'il en soit, cette recrudescence du paludisme vient mettre en péril l'objectif d'élimination du paludisme sur le territoire guyanais à l'horizon 2025, engagement pris par la France devant l'Organisation mondiale de la Santé en 2022.
Le projet Malakit pérennisé
Afin de renforcer la lutte contre le paludisme, le projet de recherche Malakit, porté par le Centre d'investigation clinique (CIC) Antilles Guyane, a été pérennisé en ce début d'année. Ce programme qui intervient sur le terrain auprès de patients aux frontières est et ouest de la Guyane - essentiellement des orpailleurs - annonce avoir distribué 151 traitements et 429 kits d'autodépistage et d'information en 2023.
Enfin, l'autorisation très attendue de mise sur le marché (AMM) de la primaquine, un autre antipaludéen, devrait enfin voir le jour selon l'ARS. Ce médicament, ayant déjà fait ses preuves depuis des années, mais jusque-là non commercialisé en France faute de marché suffisamment important, devrait permettre de remplacer efficacement la chloroquine et d'éclaircir à nouveau l'horizon de l'élimination.