Présidentielle 2022 : l’abstention serait-elle maîtresse des horloges des élections ?

La carte électorale avec la devise : Liberté Egalité Fraternité
En France, le vote n’est pas obligatoire. Institué en 1848, pour les hommes exclusivement, ce n’est que près d’un siècle plus tard, en 1944 que les femmes accèdent au droit de vote. C’est l’outil de démocratie majeur dont dispose les citoyens pour composer leur classe politique. Ils l’utilisent au gré des élections, le vote présidentiel étant traditionnellement le plus suivi. Mais, depuis quelques années on observe une mise en retrait marquée des électeurs qui s’abstiennent de voter. L’abstention devrait encore jouer un rôle essentiel dans l’élection présidentielle 2022.

L’abstention est au cœur de la campagne et des programmes des différents candidats quelque soit leur appartenance politique : comment convaincre les électeurs de se rendre aux urnes ? L’observation des différents scrutins de cette cinquième République marque bien une érosion certaine de l’intérêt des citoyens pour la chose politique.

L’abstention dans l’élection présidentielle de 1969 à 2017

En 2017, le 7 mai, là l’issue du scrutin présidentiel 25,44% des français inscrits sur une liste électorale n’étaient pas allés voter. Plus d’un français sur quatre donc. De quoi remonter dans le temps pour vérifier la progression de l'abstention.

En 2012, le scrutin final au second tour affichait un taux d’abstention de 19,65%. 5 ans auparavant en 2007, il était de 16,03%. Mais en 2002, ce taux était monté à 20,25%. Un taux, finalement, pratiquement équivalent au scrutin final de 1995 où il était déjà monté à 20,03%. En 1998, les français s’étaient davantage mobilisés, le taux d’abstention retenu n'était que de 15,09%. En 1981, seulement 14,01% des citoyens ne se sont pas rendus aux urnes. En 1974, le taux d’abstention est au plus bas 12,07%.
C’est en 1969, que l’abstention est la plus grande et atteint le chiffre record de 31,01%. Ce vote a lieu dans un contexte particulier après la démission du président Charles de Gaulle permettant ainsi l’accession à la plus haute fonction de Georges Pompidou.

Un phénomène encore plus marqué en Guyane

La Guyane n’échappe pas à ce phénomène d’abstention. Il atteint même une ampleur inquiétante. A l’élection de de 2007, le taux était de 36,53%, en 2012, 42,79% des électeurs guyanais se sont abstenus et le taux culmine à 58, 22% en 2017.
Des chiffres qui confirment le désamour complet des électeurs pour un scrutin pourtant essentiel dans la vie d’un citoyen : la mise en place du président de la République.

Selon une observatrice de la société guyanaise, Tania Berland-Sandot, il existe un vrai problème de représentation :

« Nous avons de plus en plus une population jeune qui a une propension à ne pas voter. Ce sont les personnes de plus de 50 ans qui votent. Le ratio de la population en Guyane est de plus de 50% de jeunes et si cela peut sembler dur à dire, leur maturité politique ne semble pas suffisante. Ils se désintéressent de la politique, des débats, cela leur parait très éloigné d’eux car les candidats ne leur ressemblent pas. Ils ne se retrouvent pas. »

Le système de vote est-il à bout de souffle ?

« La manière dont on vote, il faut se déplacer, ne correspond pas dans notre région à la jeunesse. Une bonne partie est habituée à la dématérialisation. Cela peut-être, aussi, une réponse à la désertification des bureaux de vote. »

L’affirmation d’un mouvement anti système

Au-delà d’un simple désintérêt ou méconnaissance des devoirs citoyens, une forme de désespérance s’est aussi installée dans la société. Nombre de nos concitoyens ne croient plus en rien relève Tania Berland-Sandot :

« Actuellement nous avons toute une partie de la population qui se désintéresse de la politique parce que, de toutes les façons, les campagnes nationales ont toujours moins mobilisé que les élections locales. Mais surtout, une partie de la population ne croit plus en rien. Nous sommes dans une véritable crise de la démocratie. Certaines personnes contestent tout et sont devenues anti système. Avec la pandémie ce sentiment d’être en dehors de la société s’est renforcé, de n’être pas considéré et même d’être des moins que rien pour certains. Ils remettent tout en question y compris voter à une élection présidentielle car c’est adhérer au système… Ces gens veulent une rupture. Parmi eux des révolutionnaires, des intellectuels qui revendiquent un nouvel ordre économique mondial et voudraient balayer tout ce qui existe. Nous sommes dans une période charnière où se posent beaucoup d’interrogations sur ce que peut représenter une démocratie. Je considère que le socle républicain doit être préservé. La démocratie est extrêmement importante, dans les pays où elle est balbutiante, c’est la rue qui fait la loi. »

Ce phénomène abstentionniste, quel qu’en soient les causes, inquiète et mobilise les instances gouvernementales. Depuis le début du mois, une plateforme a été mise en place: « Tous inscrits ». Elle doit permettre aux jeunes de s’inscrire sur les listes électorales de manière simple et didactique.

Les 10 et 24 avril, dates du scrutin présidentiel, nous verrons si ce plan anti –abstention aura été utile.