Présidentielle au Brésil : les électeurs brésiliens de Guyane mobilisés

Jair Bolsonaro et Inàcio Lula Da Silva les candidats en tête de course pour la présidentielle 2022
Ce 2 octobre les brésiliens résidant en Guyane voteront à Cayenne pour élire leur président. Les opérations de vote vont se dérouler dans un hôtel toute la journée de 8h à 17h. Le vote est obligatoire au Brésil, toutes les personnes en situation régulière en Guyane et en âge de voter doivent normalement accomplir ce devoir citoyen.

S’ils ne votent pas à Cayenne, les brésiliens de Guyane se rendent à Oiapoque la ville frontière amapaense où depuis des semaines, l’ambiance est montée d’un cran. De nombreuses manifestations de soutien aux candidats sont organisées. Il faut dire que les citoyens brésiliens votent à la fois pour élire leur président et également leurs députés fédéraux, leurs sénateurs et leurs gouverneurs. De quoi alimenter les débats.

La rue principale d'Oiapoque avec des militants d'un candidat au poste de gouverneur de l'Amapa le jeudi 22 septembre

Il y a 11 candidats à la présidentielle mais les débats tournent autour des deux personnalités qui catalysent toutes les opinions nationales et internationales, le président sortant Jair Bolsonaro membre du Parti de la République fondé en 2006 de tendance libérale et conservatrice et l’ancien président Inàcio Lula da Silva du Parti des travailleurs de centre gauche fondé en 1980.

En 2018, à Oiapoque la ville frontière avec la Guyane, c’est Fernando Haddad qui avait été choisi par 67,15% des électeurs, 32,85% avaient voté Jair Bolsonaro. Un vote inverse du résultat définitif global pour l’état de l’Amapa où Jair Bolsonaro était finalement sorti vainqueur des urnes en obtenant 50,20% des suffrages contre 49,80% à son adversaire Fernando Haddad.

Ambiance hier soir à Saint-Georges où les candidats pour les élections font aussi campagne des 2 côtes de la rive

Bolsonaro ou Lula pour les Brésiliens de Guyane ?

En Guyane aux dernières élections en 2018 au deuxième tour, les ressortissants brésiliens avaient choisi à 63,29% Jair Bolsonaro, 36,71% des électeurs avaient opté pour Fernando Haddad, le candidat de gauche.
Qu’en sera-t-il pour ce 2 octobre après une campagne âpre et très suivie sur les réseaux sociaux par des électeurs hyper connectés.

Les quelques témoignages recueillis montrent un tableau finalement contrasté.

Mariangela est agent de service dans une collectivité, âgée de 41 ans, cette mère de deux enfants venue de l’état du Goiàs au centre ouest du Brésil, vit en Guyane depuis l’âge de 13 ans, elle est en attente du résultat de sa demande de naturalisation. Elle ira bien sûr remplir son devoir civique ce dimanche à Cayenne, mais ne sait pas encore à qui elle attribuera son suffrage :

« J’ai voté en 2018 au consulat, j’avais voté pour Fernando Addad, je n’aime pas la tête de Bolsonaro. Cette année je ne sais pas encore qui je vais choisir, j’ai vu les photos de tous les candidats sur Facebook. Je ne les connais pas tous mais je ne voterai ni Lula, ni Bolsonaro. Il y a deux femmes candidates, je vais en choisir une… »
Elle ira d’autant plus voter que c’est obligatoire pour les citoyens brésiliens âgées entre 18 et 70 ans et qu’elle ne souhaite pas payer d’amende et se voir couper tous ses droits au Brésil. Mais elle ne se fait aucune illusion : « Ils ne font rien du tout, c’est toujours pareil, les choses n’avancent pas ! ».

« J’ai voté pour Lula, Dilma et Bolsonaro ce dimanche je voterai blanc »

Rebecca est arrivée à Cayenne en provenance du Para à l’âge de 7 ans. Aujourd’hui à 33 ans, elle est professeur, possède la double nationalité et vote pour les élections brésiliennes et françaises. Dimanche, elle sera parmi les électeurs :

« En 2018, j’ai voté Bolsonaro mais auparavant j’avais voté Lula et Dilma. Avant l’arrivée d’internet les brésiliens ne s’intéressaient pas à la politique et c’était voulu par le gouvernement. Il n’y a pas forcément chez nous l’accès à l’instruction, aux livres, cela coûte très cher, la culture n’est pas développée. Internet a ouvert l’esprit des gens, maintenant ils s’intéressent davantage à ce qu’il se passe dans le pays. »
Dimanche, Rebecca pense s’orienter vers un vote blanc :
« Il a fait des choses Bolsonaro qui ne se voient pas de l’extérieur et qui ne sont pas relayées par la presse de gauche. Il a aménagé des routes, fait arriver l’eau dans certaines villes du nord…  mais ce qui me déplait chez Bolsonaro c’est le fait qu’il ne mesure pas ses mots et c’est un frein. Il aurait pu s’exprimer autrement on ne peut pas tolérer cela. Il m’a fait changer d’avis … »

Dans son analyse, la jeune femme souligne que le Brésil est un pays jeune, 522 ans d’existence. Selon elle, il faudra encore plus de temps pour consolider la démocratie. Tous ceux qui ont été élus jusqu’à présent n’ont pas visé l’intérêt du peuple et ont plutôt gouverné pour eux. Evoquant la corruption, la jeune femme situe ce phénomène à tous les niveaux de la société brésilienne et le déplore.

« Nous en avions assez de l’insécurité… je voterai encore Bolsonaro »

Carlos, 38 ans, soudeur de profession vient de Salinas dans le Para, il se rendra à Oiapoque et son choix comme en 2018 c’est Bolsonaro :

« Je ne connais pas les autres, je suis satisfait de la politique que Bolsonaro a mené au Brésil. Il a aidé beaucoup de gens et a amené l’eau dans les petites villes du nord-est qui étaient ravitaillées par des camions citernes auparavant. Selon moi il y des progrès et il a mené une bonne politique pour combattre le covid. Je ne voterai pas pour Lula qui a discrédité le Brésil, il y a des vidéos qui le prouvent… De toutes les façons tous les politiques volent…»

Autre point de vue, celui d'Adrelina originaire de l’état du Para, employée de banque, mère de deux enfants. Elle votera pour Bolsonaro comme en 2018 :
« Nous en avions assez de l’insécurité, Bolsonaro promettait de durcir les lois contre les malfaiteurs, il l’a fait. Il a mis en place la police pénitentiaire. Dans le nord-est, en trois ans, il a permis aux habitants d’avoir de l’eau, ce que les autres n’ont pas fait en 20 ans… il a fini ou réhabilité plusieurs routes… Je ne suis pas une fanatique de Bolsonaro mais il tient ses paroles… »

Selon cette jeune femme, beaucoup de personnes pourraient voter blanc. Elle ne croit pas à la sincérité des sondages qui annoncent Lula gagnant dès le premier tour.

A Belém, le vif espoir des intellectuels pour un retour de Lula au pouvoir

Belém, capitale de l'état du Para

 

A 1h30 d’avion de Cayenne, Belém, la capitale du Para était aussi un bastion de Jair Bolsonaro mais selon les sondages cela pourrait bien changer ce 2 octobre.
Camila, artiste plasticienne, francophile, originaire de Porto Alègre dans le sud du Brésil votera PT :
« mon vote sera pour Lula pour croire en l'éducation et la culture comme moyens de transformation sociale. Tout ce qui a été nié par l'actuel président, sans parler de sa position négative sur l'environnement et la santé pendant la pandémie… »

 Rosistela enseignante en nouvelles technologies, abhorre littéralement l’actuel président :
 « … Qui est Bolsonaro? C'est un être répugnant! Le représentant de ce qu’il y a de pire au Brésil. Une marionnette de l'élite la plus réactionnaire. Un "miliciano" travesti de ce qu'il y a de plus horrible en matière d'expression religieuse dans les diverses églises protestantes pentecôtistes au Brésil. Je pense, d'ailleurs, qu'il se sert de la religion seulement comme moyen de conquête du pouvoir. C'est un personnage tartuffesque!... ».
Cette intellectuelle de gauche parfaitement bilingue qui a vécu en France et en Algérie a toujours voté pour les candidats du Parti des Travailleurs. Son premier vote, a été pour Lula en 1989. Elle a continué toutes les fois où il a été candidat et quand ce n’est pas le cas, elle a voté pour ceux que Lula soutenait : Dilma Roussef et Fernando Haddad.

Toutefois Rosistela n’a pas d’illusions sur l’importance et le rôle que les élites intellectuelles ont à jouer au Brésil : 

« Il est importante que nous, intellos, réfléchissions sur notre réelle position et notre responsabilité dans le jeu et  l'action politique. Et cela a une portée directe dans notre travail intellectuel, nos choix d'action dans notre domaine  particulier. Notre spécialité est de regarder (souvent de haut) ce qui se passe. Jusqu'à quel point cela nous paralyse et nous porte à des choix qui ne font pas les choses avancer pour plus de démocratie? ».

Le résultat de cette élection sous haute tension sera rapidement connu dimanche soir environ 2h après la fin du scrutin car au Brésil le vote est électronique. 

A Cayenne, 3480 électeurs brésiliens sont attendus ce 2 octobre à l’hôtel Royal Amazonia entre 8h et 17h.