Cinq mois après son adoption, la contestée réforme des retraites, qui a provoqué un mouvement social d'ampleur dans le pays, entre en vigueur. Recul de l'âge légal de départ, fin des régimes spéciaux, revalorisation de certaines petites pensions... A partir du vendredi 1er septembre, une série de mesures du texte de loi sont applicables. "Nous sommes prêts", a assuré le ministre du Travail, Olivier Dussopt, le 24 août sur CNews. "Nous avons publié l'intégralité des décrets nécessaires" et les quelques textes manquants ne doivent s'appliquer qu'en "2024, 2025", a-t-il dit. Franceinfo fait le tour de ce qui change dès à présent.
L'âge légal de départ passe à 62 ans et trois mois, une étape très temporaire
Le fameux article 7 du projet de loi, qui constitue le cœur de la réforme, prévoit notamment de relever l'âge légal de départ à la retraite progressivement au rythme de trois mois chaque année, pour passer de 62 à 64 ans d'ici à 2030. La première salve de rallonge intervient vendredi. L'âge de départ va donc passer de 62 ans à 62 ans et trois mois pour toute personne née à partir du 1er septembre 1961, et ce, jusqu'à la prochaine rallonge, qui interviendra l'année prochaine.
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Ce recul de l'âge légal est couplé à une accélération de l'allongement de la durée de cotisation requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Celle-ci sera progressivement portée à 43 annuités (soit 172 trimestres) d'ici à 2027. Concrètement, pour toucher une pension complète, les travailleurs nés à partir du 1er septembre 1961 devront désormais avoir cotisé 169 trimestres (42 ans et trois mois) durant leur carrière, contre 168 trimestres actuellement (42 ans). Les travailleurs nés en 1965 seront les premiers à devoir cotiser durant 43 ans.
L'âge d'annulation de la décote reste fixé à 67 ans. Un actif qui n'aura pas suffisamment cotisé au cours de sa carrière pourra toujours partir en retraite à cet âge, sans subir de décote sur sa pension. Toutefois, cela ne signifie pas que sa pension sera complète, puisqu'elle sera calculée au prorata de ses trimestres acquis, comme l'explique l'Assurance-retraite.
De nouvelles bornes d'âge pour les carrières longues
Autre mesure phare, l'aménagement du dispositif "carrières longues", qui permet aux salariés et aux fonctionnaires qui ont commencé à travailler tôt de prendre leur retraite en avance. De nouvelles bornes d'âge sont créées. Concrètement, ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir un an plus tôt, à 63 ans ; ceux qui ont débuté avant 20 ans auront la possibilité de prendre leur retraite deux ans plus tôt, soit 62 ans. Ceux qui ont commencé avant 18 ans pourront faire valoir leurs droits quatre ans plus tôt, soit 60 ans ; ceux qui ont démarré avant 16 ans pourront terminer leur carrière six ans plus tôt, soit 58 ans. La durée minimale de cotisation est fixée à 43 annuités pour toutes les carrières longues.
Jusqu'ici, les personnes entrées sur le marché de l'emploi avant l'âge de 20 ans pouvaient partir à 60 ans et celles ayant commencé à travailler avant 16 ans pouvaient partir à 58 ans, en ayant cotisé entre 42 et 45 annuités.
Un dispositif de surcote pour certaines mères de famille
Une surcote de pension allant jusqu'à 5% sera accordée aux femmes qui, sous l'effet des trimestres validés au titre de la maternité et de l'éducation des enfants, dépasseront les 43 annuités requises pour une pension à taux plein, un an avant l'âge légal de départ.
Pour les enfants nés à partir de 2010, les trimestres d'adoption et d'éducation pouvaient déjà être répartis entre les deux parents, mais la réforme garantit dorénavant qu'au moins la moitié de ces trimestres reviennent à la mère. En outre, la loi étend aux professions libérales et aux avocats la majoration de pension de 10% à partir du troisième enfant.
La fin de la plupart des régimes spéciaux
Avec l'entrée en vigueur de la réforme, exit les principaux régimes spéciaux, qui permettaient notamment de partir à la retraite avant l'âge légal de départ. Les nouveaux embauchés de la RATP, de la Banque de France, des entreprises des industries électriques et gazières (comme EDF), ainsi que les clercs de notaire et nouveaux membres du Conseil économique, social et environnemental seront affiliés au régime général pour la retraite.
Pour ceux recrutés avant le 31 août 2023, le régime spécial est maintenu en application de "la clause du grand-père". Ils pourront toujours bénéficier d'un départ anticipé par rapport aux actifs du régime général, mais seront tout de même concernés par le décalage de l'âge légal et de départ et l'allongement de la durée de cotisation, après 2024.
Les régimes autonomes (professions libérales et avocats) et très spécifiques (marins, Opéra de Paris, Comédie-Française) continueront, eux, d'exister. Quant à la SNCF, la disparition de son régime spécial a déjà été actée dans une précédente réforme. Depuis 2020, les nouveaux entrants de la compagnie ferroviaire sont affiliés au régime général.
La revalorisation de certaines petites pensions
La retraite ne peut pas être inférieure à un montant minimum pour une carrière complète. A compter du 1er septembre, ce montant est porté à 848 euros brut.
Le minimum de pension est ainsi revalorisé à hauteur de 100 euros par mois pour une carrière complète au smic, un montant proratisé pour les carrières incomplètes. La revalorisation concernera "200 000 retraités chaque année, soit environ un départ sur quatre, et 1,7 million de retraités actuels", selon le ministère du Travail.
La révision du cumul emploi-retraite et du dispositif de retraite progressive
Egalement à partir du 1er septembre, une personne qui reprend une activité alors qu'elle a déjà pris sa retraite pourra acquérir de nouveaux droits, ce qui n'était pas possible jusqu'à présent. Aujourd'hui, "plus de 500 000 retraités" sont concernés par ce cumul emploi-retraite, d'après les chiffres du ministère du Travail. Ce dernier précise qu'à "l'issue d'une période de cumul emploi-retraite, il sera possible, sous certaines conditions, de demander une 'seconde pension' calculée sur la base des mêmes règles que la première pension".
De nouvelles règles pour la retraite progressive sont aussi fixées. Ce dispositif permet à un salarié de réduire son activité professionnelle et de toucher une partie de sa retraite "à compter de deux ans avant l'âge légal". Jusqu'ici réservé aux salariés, artisans et commerçants, il sera étendu dès le 1er septembre aux "fonctionnaires, aux professionnels libéraux et aux avocats".
L'amélioration de la prévention de l'usure professionnelle
Le compte professionnel de prévention (C2P) est amélioré par deux décrets. L'acquisition de droits en cas de poly-exposition à des risques professionnels est renforcée. Concrètement, un salarié qui est exposé "simultanément à trois facteurs de risques" pourra acquérir "12 points par an", explique le ministère du Travail. Le seuil d'acquisition de points baisse et passe de 120 à 100 nuits pour le travail de nuit, et de 50 à 30 nuits pour le travail en équipes successives alternantes. Selon le barème de conversion de ces points, un point ouvre droit à un abondement du compte professionnel de formation de 500 euros, contre 375 euros actuellement. Le C2P pourra par ailleurs, dès le 1er septembre, être utilisé pour financer un projet de reconversion.
Un autre décret acte la création d'un Fonds d'investissement de 1 milliard d'euros sur le quinquennat dans la prévention de l'usure professionnelle. Il vise notamment à améliorer la prévention des expositions "aux facteurs de risques ergonomiques", comme le port de charges lourdes, les vibrations mécaniques ou les postures pénibles.
La création d'une assurance vieillesse des aidants
Le gouvernement renforce les droits des proches aidants en créant une assurance vieillesse spécifique, qui couvrira davantage de personnes. Celle-ci devrait profiter à 40 000 nouveaux aidants, en plus des 60 000 actuels. Le ministère du Travail explique que cela concernera "les parents d'enfants handicapés dont le taux d'incapacité est inférieur à 80% mais qui sont éligibles au complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé" ainsi que "les aidants d'adultes handicapés non cohabitants ou ne présentant pas de lien familial mais uniquement un lien stable et étroit avec la personne aidée".