Une conférence sur « La vie carcérale des esclaves » présentée à la Maison des Mémoires et des Cultures de Guyane

L''historien conférencier en séance de signatures à la Maison de la Réunion à Paris
Nous n’avons peut-être pas fini de découvrir toutes les arcanes du système esclavagiste de la colonisation française. L’historien Bruno Maillard restitue un pan pas très connu du système esclavagiste celui de l’incarcération des esclaves raconté dans son livre « La vie des esclaves en prison, 1767-1848, la Réunion ». L’auteur sera en conférence sur ce thème, ce soir à 18h30 à la Maison des Cultures et Mémoires de Guyane.

Docteur en histoire Bruno Maillard est chargé d’enseignement et de recherche à l’Université de Paris-Est Créteil, membre également du conseil scientifique de la fondation pour la mémoire de l’esclavage. Cet historien fait aussi parti des membres fondateurs du film documentaire Les révoltés du Monde.

Faut-il se rappeler que la loi du 21 mai 2001 portée par l’ancienne députée puis ex-garde des Sceaux, Christiane Taubira a reconnu la traite et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Le propos que va développer le conférencier Bruno Maillard à la MCMG « La vie carcérale des esclaves » est clairement une illustration très marquante des horreurs de la traite négrière dans les colonies françaises. 

Ce livre, inédit, nous apprend l’auteur, a été publié au mois de février 2024 :
« Il traite de la répression carcérale des esclaves à l’île de la Réunion entre 1767 et 1848. Il s’agit de montrer qu’en dehors des esclaves pris en charge par leurs maîtres soit 95% des esclaves, il y avait des esclaves qui, en certaines circonstances pouvaient être pris en charge par la puissance publique dans les hôpitaux, dans les lazarets et dans les prisons. Par-delà, cette répression singulière qui s’abat sur les hommes et femmes généralement pour des délits de grand marronnage et des vols de produits de première nécessité c’est la mise en place d’un système pénal d’exécution des peines qui vise d’abord à l’intimidation sur la population. En Europe, entre le milieu du 18e et du 19e on décide de métamorphoser la peine corporelle, extrêmement violente, en peine de privation de liberté en ayant pour ambition l’amendement et l’intégration de la personne. Dans une colonie esclavagiste comme celle de la Réunion, la peine est d’intimider l’esclave pour qu’à son retour sur le domaine de son maître il n’ait plus aucune velléité de fugue. Là où la maître a échoué dans le processus d’aliénation, la puissance publique prend le relais.»

Un système carcéral basé sur le Code noir des Mascareignes

Le conférencier précise qu’il y a toujours eu à la Réunion entre 5 à 6% d’esclaves qui marronnaient. Un taux qui pourrait être similaire dans les autres colonies notamment en Guyane.
Cela pouvait être un marronnage solitaire ou collectif, un marronnage de proximité des habitations ou sur les hauts à la Réunion sur les sites intérieurs des hauts plateaux comme la plaine des Palmistes, la plaine des Cafres, le site de Cilaos, ou encore le cirque de Mafate. Au 18e il y a donc eu plusieurs villages de marrons mais ils n’existent plus actuellement.

Jusqu’au milieu du 18e siècle, à la Réunion, le système répressif des esclaves est fondé sur la peine corporelle. Il s’appuyait sur le code noir des Mascareignes de 1723, presque le même que celui des Antilles et de la Guyane de 1725 qui régissait ces peines. Ainsi il préconisait les mutilations (tendons d’Achilles coupés, oreilles et nez ou mains coupés) des peines de 30 coups de fouet (utilisation des nerfs de bœufs) qui parfois aboutissaient à la mort de l’esclave ou encore l’enchaînement avec des colliers munis de broches qui fracturaient les cous.

Au bout d’un certain temps les magistrats se sont rendu compte que ces peines inhumaines ne servaient à rien mais il se posait toujours la question : quelle peine fallait-il appliquer aux esclaves alors qu’il n’y avait rien à leur soustraire puis qu’ils ne possédaient rien.
On aboutit à la peine des chaînes dans les geôles. On rivait des colliers de chaînes de trois kilos à l’esclave fugitif qui était ensuite enchaîné à un autre esclave. On appliquait aussi le carcan le soir, plus le fouet autant de d’horreurs déjà expérimentées sur les habitations par les maîtres. Mais il fallait que l’esclave emprisonné ait un régime quotidien plus dur que sur l’habitation.

Actuellement il n’y a pas de descendants des marrons des hauts plateaux à la Réunion. Les traces du passé esclavagiste existent par contre dans la toponymie des sites. Cilaos par exemple est un terme issu du Malgache qui signifie celui qui ne revient pas. Cafre est le nom donné à l’esclave venu d’Afrique…

Mais ce pan de l’histoire est à découvrir dès 18h30 à la MCMG.