C'est une histoire qu'elle raconte avec la voix tremblante. Nathalie* est infirmière depuis 2005, elle a décidé d'exercer en libéral depuis 2022. Tout se passait bien jusqu’à son agression en décembre 2023. Le 6 mai dernier, l'une de ses consœurs s'est retrouvée au cœur d'un conflit armé dans un quartier informel de Stoupan.
Pour dénoncer le climat d'insécurité qui entoure les professionnels de la santé, Nathalie nous raconte son histoire. Les faits se sont déroulés en décembre 2023, chez une patiente qu'elle suivait depuis un an, l'auteur présumé est le fils de la patiente.
En me dirigeant vers la sortie (de la maison, ndlr), il m'a empoigné par la gorge et m'a plaqué contre le réfrigérateur en me hurlant dessus, je me suis débattue et lorsque je me suis défaite de son emprise, j'ai tout de suite appelé les gendarmes.
Interpellé par les forces de l'ordre et placé en garde à vue, l'homme - qui serait toxicomane et atteint de troubles psychiatriques - a finalement été relâché faute de place en institution médicale. La plainte déposée par Nathalie a été classée sans suite.
L'infirmière, qui prend toujours en charge sa patiente, continue de croiser son agresseur présumé, une situation angoissante qu'elle déplore. Elle souhaite que des solutions pérennes soient mises en place, comme l'utilisation d'un bouton d'urgence pour les infirmiers libéraux.
De nombreuses agressions, mais peu de plaintes
En 2022, 110 infirmiers libéraux de Guyane ont répondu à un questionnaire sur les agressions. Il avait été soumis par la Fédération nationale des infirmiers (FNI), dont Awatef Argoubi est la présidente en Guyane. Elle est aussi secrétaire générale de l'URPS (Union régional des professionnels de santé) infirmier et vice-présidente de la CPTS (Communauté professionnel territorial de santé) Centre Littoral.
Sur les 110 réponses, on a eu 56% de collègues qui disaient avoir été victimes d'agressions, ça peut être des agressions physiques ou verbales. Aujourd'hui, quand je suis contactée par des collègues, je leur dit d'arrêter immédiatement la prise en charge et d'aller déposer plainte. Ce qui est remonté d'une discussion avec les forces de l'ordre, c'est le manque de remontée en terme de chiffre, ça aussi ça pose problème.
Si les infirmiers sont prioritaires pour les dépôts de plainte, d'après les explications d'Awatef Argoubi, beaucoup de victimes refusent d'aller au bout de la démarche. Certaines prennent sur elles, d'autres craignent que leurs coordonnées ne soient divulguées à leur agresseur via le processus de plainte.
À la fin du mois de mai, les professionnels de santé s'entretiendront avec l'Agence Régionale de Santé en Guyane et les forces de l'ordre. Ils espèrent que des solutions leur seront proposées pour apaiser la situation.
*Son prénom a été modifié pour préserver son anonymat.