Le Vendredi Saint qui précède le dimanche de Pâques, les files d’attente sont toujours importantes devant les transformateurs de jus de palmiers. Les drapeaux, rouge pour le wassaÏ, blanc pour le comou et jaune pour le patawa sont bien relevés indiquant ainsi que le ravitaillement est possible.
Les clients les plus prévoyants réservent ou achètent à l’avance ces jus. Auparavant ces nectars étaient consommés prioritairement durant la saison de fructification, maintenant le développement de l’activité de transformation permet de déguster ces délicieux jus à tout moment de l’année. Ce fameux jour, le dernier avant les viandes et les plats riches sont évités et sur les tables guyanaises, ces jus de palmiers font florès. Ils s’accompagnent de couac, légumes, de parépous au goût de châtaigne, de poisson salé, boucané ou frit.
Une tradition culinaire encore vivace et respectée
La célèbre influenceuse culinaire guyanaise, Sabrina François-Vincent surnommée Ti Molokoy a toujours déjeuné ainsi à la table familiale avec en plus les accras de légumes avec du giraumon ou de la tayove (malanga).
Retrouvez ICI sa recette d’accras du Vendredi Saint.
Aujourd’hui, elle concocte ses propres recettes et continue de suivre cette tradition avec plaisir : « Chez nous, ce jour-là, il y a toujours eu du wassaï, souvent avec du couac et pour accompagner le tout du poisson frit ou salé, des crevettes et surtout les fameux accras. Maintenant, moi je préfère déguster mon jus de wassaï, le matin à jeun et sans sucre. »
Rosange Lhuerre, responsable de la communication de l’association « Gastronomie guyanaise » se rappelle qu’à son époque, pendant tout le mois du carême, on mangeait maigre le vendredi et surtout pas de viande mais du poisson.
« On ne mange pas de porc ce jour-là et je me souviens que le matin on ne nous donnait même pas de lait. Tout ce qui provenait d’un animal comme le bœuf ou le porc était à éliminer au petit déjeuner … Chez moi on ne donnait à manger le midi qu’aux enfants. Les adultes ne mangeaient pas pour respecter les consignes de jeûne et d’abstinence. On se nourrissait après le chemin de croix… »
Parmi les aliments, Rosange cite le couac, le wassaï, le poisson salé ou la morue rôtie et le soir, il y avait les accras de légumes ou des parépous. Le samedi gloria, se souvient Rosange Luherre après que les cloches aient sonné, le matin on pouvait manger légèrement mais toujours sans porc et faire dans les journée les trois repas et même les bananes frites étaient autorisées. Elle se rappelle aussi, que l’on buvait davantage le comou à Cayenne que le wassaï ou pinot plutôt consommé par les habitants de Saint-Georges ou de Ouanary. Il y avait aussi le riz gras confectionné sans lard avec du giraumon.
Ti Molokoy et Rosange Luherre nous ont donné la marche à suivre ce Vendredi Saint avant la dégustation, ce dimanche de Pâques, du riche « bouyon wara » dont on vante tant les mérites.