Vers une relance de la filière manioc en Guyane, la CTG débloque des fonds et missionne le CIRAD pour accompagner les agriculteurs

Signature de la convention CTG-CIRAD
Ce 23 janvier la Collectivité Territoriale de Guyane a officiellement contracté avec le CIRAD (Centre de Coopération Internationale en recherche Agronomique pour le Développement) un accompagnement technique des producteurs guyanais notamment du manioc chiffré à 200 000 euros. Un premier pas important vers une structuration de la filière.

Le manioc est l’aliment de base des populations autochtones, la pénurie due à la maladie qui a décimé les plantations a mis au grand jour la problématique de la fragilité de la ressource et la nécessité d’organiser une véritable filière de production de manioc.
Au Brésil, dans l’état d’Amapa où les plantations de manioc ont fortement été touchées par la maladie, le gouvernement fédéral après avoir déclaré l’état d’urgence phytosanitaire a mis en place un dispositif d’aide technique et humanitaire. Des semences saines améliorées et résistantes achetées dans le Para, ont été fournies à la municipalité d’Oiapoque afin de permettre la replantation d’au moins 33 hectares de manioc. Plus de 500 familles sont accompagnées dans ce processus de régénération de la filière de l’autre côté de l’Oyapock. L’opération va durer un an. Conjointement, l’état de l’Amapa a fourni de l’aide alimentaire à ces habitants privés de leur aliment de base et des ressources économiques qu’il procure en temps normal.

7 700 hectares sont principalement consacrés à la culture du manioc en Guyane

En Guyane selon les données du service statistique de la DEAAF, 7 700 hectares sont consacrés à la culture de tubercules (principalement le manioc). La production annuelle est estimée à 35 000 tonnes. Le vice-président délégué à l’agriculture, la pêche, la souveraineté alimentaire, Roger Aron nous précise :

« La Collectivité Territoriale de Guyane s’est emparée du dossier manioc et vient de signer avec le CIRAD une convention qui porte sur un accompagnement de la filière pendant une durée d’un an et demi. Il s’agit de diffuser aux agriculteurs des pratiques facilement reproductibles de multiplication par microboutures et d’assainissement thermique La filière ajoute-t-il pourra ainsi produire suffisamment de boutures pour reconstituer son capital productif et engager ses projets de développement (Maison du Manioc de l’Association des agriculteurs des Savanes - ADADS, farine panifiable de BEL’NATI). »


Mais la CTG s’est aussi engagée dans un projet de coopération qui est en cours de construction. Des discussions ont déjà été menées en 2023 avec les autorités de l’Etat d’Amapa. Elles doivent encore être poursuivies et enrichies des concertations locales qui seront conduites avec le CIRAD et les opérateurs guyanais. Une ouverture sur le Suriname où se trouvent de nombreuses variétés de manioc est également envisagée nous indique Roger Aron.

Les agriculteurs de l’Est guyanais toujours en grande difficulté

Dans l’est de la Guyane, dans la commune de Saint-Georges, la communauté Palikur du village Espérance, toutes cultures confondues, exploiterait 350 hectares de terre en pratiquant la jachère, donc la rotation des abattis. Selon Jacob Jutte de l’association Pankuh – Savoirs de la forêt, la communauté Palikur est en attente d’une augmentation de son foncier. Certaines zones ne sont pas cultivables actuellement car mises en jachère.
Aux villages Espérance 1 et 2, les familles cultivent le manioc pour leur propre consommation en transformant les racines en couac lequel est également vendu.
Chaque famille dispose donc de parcelles plus ou moins grandes. Un collectif d'agriculteurs, par exemple, exploite une parcelle de 250 hectares mais elle n’est pas cultivée entièrement puisqu’il faut tenir compte des sols mis en jachère.

Pour l'heure la maladie du manioc a produit des effets catastrophiques :
 « Localement les agriculteurs des villages n’ont pas de couac, les producteurs n’ont pas de couac, il n’y a pas de couac produit en Guyane en ce moment. Certains agriculteurs ont pu récolter un peu de manioc en coupant et en traitant les arbustes cela a donné de tout petits tubercules qui suffisent à peine à la fabrication du couac pour se nourrir ».
Et de souligner qu’actuellement se vend à Saint-Georges, du couac amené du Brésil mais qui n'a ni l’aspect ni la qualité habituelle de ce qui est produit dans la région.

" En attendant une amélioration de la situation, notre association effectue un travail de recensement auprès des producteurs pour voir comment les nouvelles plantations de manioc de ces derniers mois évoluent. »

La filière manioc semble enfin prendre une orientation durable avec une volonté affichée de la collectivité territoriale d’aller vers la souveraineté alimentaire. Pour cela elle s’appuie sur le cadre stratégique travaillé avec ses partenaires que sont la Chambre d’agriculture, les interprofessions et les services de l’Etat, en l’occurrence, les plans des filières animale et végétale et le plan de souveraineté alimentaire. L’enjeu étant de préserver et accompagner les filières de diversification, seules contributrices à cet objectif de souveraineté alimentaire.