Henriette Saïd, à l’ombre d’un grand Homme

Henriette Saïd ici auprès de son époux, Younoussa Bamana

Il y a des femmes de …connues du public, et puis il y a celles de l’ombre. A l’instar d’Henriette Saïd. Son nom ne vous dit peut-être pas grand-chose, surtout à la nouvelle génération, mais elle a été d’un grand soutien pour son mari...Younoussa Bamana.

Elle a vingt-et-un an quand elle épouse Younoussa Bamana ; dès le départ elle épouse l’homme et ses idées, et restera à ses côtés durant toute la carrière et la vie de celui-ci.

« J’étais obligée de le suivre. Je n’avais pas le choix, il fallait que je sois à ses côtés », explique Henriette Saïd.

Une femme de l’ombre qui assumait et assume toujours ce statut de femme de, sans chercher à l'époque à imposer ses propres idées. D’ailleurs Henriette Saïd nous explique qu’elle n’influençait en rien son mari (illustre) ;

« Nous autres, femmes, n’avions pas notre mot à dire. Et je l’acceptais sans problème. Ce sont les grands hommes de cette île qui décidaient, Marcel Henry, Zéna mdéré, Zoubert Adinani, les députés et les conseillers ».

Contrairement à son frère, Henriette Said n’a pas été scolarisée. Pour autant, cela n’a pas été un frein pour elle et les autres dans leurs actions : « certes nous n’étions pas instruites mais quand nous voulions agir, nous y allions, peu importe qui était en face », souligne Henriette Saïd, les yeux pétillants. Allez droit au but plutôt que de tergiverser. La politique a donc fait partie de sa vie dès lors qu’elle a épousé Younoussa Bamana. Il fallait s’adapter et accepter de vivre avec des absences plus ou moins longues.

« Quand il partait pour ses meetings et autres congrès, je restais à la maison, je m’occupais de mes enfants. Je n’avais pas peur. A l’époque il n’y avait pas toute cette insécurité ; c’était très calme. Les gens étaient respectueux. Ce n’était pas comme aujourd’hui ».

Et de partir dans un grand éclat de rire quand on lui parle des femmes qui l’enviaient, elle, l’épouse de monsieur Bamana. « Même toi, tu aurais succombé (rires). Il était beau mon mari ; très beau. Quand il rentrait à la maison, c’était mon mari. Il allait faire sa politique mais rentrait toujours auprès de moi et des enfants ». De cette vie menée aux côtés de Younoussa Bamana, Henriette Saïd dit n'avoir aucun regret.

Les (courtes) confidences sur sa vie de famille s’arrêteront là ; mais si Henriette Saïd ne se montre pas très bavarde sur l’intimité familiale, en revanche, parlez-lui de politique, de cette époque où Mayotte se battait pour rester dans le giron français et les souvenirs refont surface ; « à l’époque où tout se décidait à Moroni, il n’y avait pas de nourriture, pas d’argent ; on se débrouillait pour subvenir à nos besoins et à ceux de nos enfants ». Et elle devient intarissable sur cette époque.

« Il se passait beaucoup de choses ; par exemple, nos enfants passaient le concours d’entrée pour la 6ème à Dzaoudzi, ils étaient discriminés, volés ».

La politique a occupé (indirectement) une grande partie de sa vie; et Henriette Saïd l’explique simplement. « Vous voyez, la politique ne date pas d’aujourd’hui. Elle était déjà en œuvre bien avant le transfert de la capitale à la Grande-Comores ». Aussi les congrès, elle en a assisté notamment à Acoua :

« nous allions à pieds la nuit de Sada jusqu’à Acoua pour un congrès. Les gens venaient de tout Mayotte et convergeaient vers Acoua. Ce n’était pas compliqué parce qu’on avait un but : défendre Mayotte pour vous nos enfants et nos petits-enfants. Nous ne voulions pas que vous subissiez ce que nous avons subi », explique Henriette Saïd, et de rajouter « tous ces hommes se sont battus pour un meilleur avenir pour vous, la nouvelle génération. Faites attention ».

Une mise en garde comme si finalement rien était gagné et qu’au contraire, tout est à faire.

Et dans cette perspective où la vigilance reste de mise selon elle, Henriette Saïd prône l’égalité dans un premier temps avant de lancer un cri du cœur aux femmes mahoraises :

« prenez vos responsabilités. Il faut que vous les femmes preniez les commandes. Vous en êtes capables. Vous êtes capables de diriger le conseil départemental. Vous êtes nombreuses à être instruites aujourd’hui ; dans les 4 coins de l’île, on trouve des femmes instruites, à Sada, Pamandzi, Mamoudzou. Vous trouverez des femmes capables de prendre en main les choses au Conseil départemental ».

 

Un cri du cœur de celle qui reconnait volontiers qu’elle pensait qu’une femme ne devait pas se mettre en avant, prendre des responsabilités, mais dit-elle

« les temps ont changé ; à mon âge, 80 ans, et l’évolution de la société, non, prenez vos responsabilités et allez de l’avant. Il faut changer les choses ».

Et à l’approche des départementales, Henriette Saïd, se fait un brin féministe « s’il y a une femme candidate quelque part, il faut que tout le monde vote pour elle. Il le faut ».