Depuis ce mercredi, le tribunal pour enfants juge à huis clos quatre mineurs âgés entre 15 et 16 ans, accusés d'avoir été les auteurs de jets de galets depuis le pont de l'échangeur du Sacré Coeur au Port le 30 septembre 2023.
L'un des projectiles avait malheureusement atteint Kenya, 25 ans, qui circulait avec son compagnon dans leur voiture, sur la quatre voies. La jeune mère de famille avait succombé à ses blessures plusieurs jours plus tard.
Après une première journée d'audience mercredi, les plaidoiries de la partie civile ont eu lieu cette matinée de jeudi. Les réquisitions ont suivi dans l'après-midi, et enfin le délibéré en début de soirée.
Le reportage de Réunion La 1ère :
Neuf ans de prison pour deux d'entre eux
Les deux principaux protagonistes ont été reconnus coupables et condamnés à 9 ans de prison, avec maintien en détention.
Plus tôt, la procureure de la République avait requis dix ans de réclusion avec maintien en détention à l'encontre de l'un d'eux, soit le maximum pour un mineur accusé de ces faits ; et neuf ans de réclusion avec maintien en détention pour l'autre.
Les deux autres adolescents eux, ont écopé de la peine requise quelques heures plus tôt, à savoir 18 mois d'emprisonnement avec sursis probatoire de trois ans, obligation de soins, et obligation de suivi.
Déjà un appel du côté de la défense
Me Georges-André Hoarau, avocat d'un des mineurs condamnés à 9 ans de prison, a indiqué qu'il allait faire appel dès ce vendredi matin. A la connaissance des réquisitions du parquet déjà, il s'était dit scandalisé de telles peines. "On ne peut pas mettre à des gens, primo-délinquants, jeunes de surcroît, le maximum d'emblée", justifie-t-il.
Me Aaeza Cadjee, conseil de l'autre adolescent de 15 ans condamné à 9 ans de prison, ne se prononce pas encore sur un éventuel appel de la décision. Son client, à l'encontre de qui le parquet avait requis 10 ans de réclusion, "accuse le coup" dit-elle.
"Je pense qu'il a eu une prise de conscience soudaine lorsqu'on lui a expliqué la peine de neuf ans et surtout lorsqu'il a pu avoir sa mère dans les bras. Je pense qu'il a réalisé difficilement à la barre"
Me Aaeza Cadjee, avocate d'un des mineurs condamnés
Malgré tout, l'avocate dit comprendre la lourde sanction prononcée. "Le contexte et le caractère choquant de cette affaire justifient que cette peine soit portée quasiment à son maximum", achève Me Cadjee.
Les précisions de Me Farid Issa, avocat, sur le suivi dont peuvent bénéficier les jeunes mineurs en prison :
Les proches de Kenya satisfaits
"On est très contents que justice soit faite presque à la hauteur de ce qu'on a perdu. Mais ça ne pourra jamais faire revenir Kenya", réagissait Damiano Parisi, le mari de Kenya, satisfait que les deux mineurs les plus impliqués n'aient qu'un an de moins que la peine maximum autorisée par la loi. "Neuf ans, c'est une punition pas très chère", nuance-t-il toutefois.
"C'est mieux que rien. Ils n'ont que neuf ans en prison, après ils vont ressortir. Mais Kenya, elle ne reviendra plus jamais", s'est exprimée Chenilla, la soeur de la victime.
Le maximum avait été requis à l'encontre d'un des accusés
Les réquisitions avaient été connues en milieu d'après-midi de ce jeudi. La procureure a estimé que les quatre jeunes ne semblaient pas prendre conscience de la gravité de leurs gestes, a donc requis les peines les plus lourdes autorisées. L'un d'eux notamment, avait fait preuve de turbulence durant son année de détention, tout en se montrant hermétique la situation.
"C'est lourd pour nous"
Cette deuxième journée a été toute aussi éprouvante que la première pour les proches de Kenya. La soeur de la victime elle, est en colère face à des accusés qui se rejettent la faute.
"C'est vraiment lourd pour nous la famille. Je n'ai pas l'impression que ces enfants-là aient vraiment conscience de ce qu'ils ont fait, je pense que ce sont des dangers publics. Ils disent qu'ils sont désolés, mais ma soeur ne reviendra plus jamais"
Soeur de la victime
Elle questionne également la responsabilité des parents qui ont laissé leurs enfants sortir sans surveillance la nuit.
Pour Chenilla, la soeur de Kenya, il s'agit bien d'un assassinat. Pour rappel, les quatre mineurs étaient poursuivis pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
"L'arme change, mais c'est toujours un assassinat"
Le compagnon de Kenya, Damiano Parisi, considère lui aussi les faits comme un assassinat. "Prendre un fusil ou des pierres qui font quatre kilos, l'arme change, mais c'est toujours un assassinat", fait-il valoir.
Il souhaite confronter les quatre jeunes pour tenter de provoquer chez lui une prise de conscience. Mercredi, il exprimait déjà son incompréhension face au positionnement des accusés.
Ce jeudi matin, il mettait lui aussi en avant la responsabilité des parents. "Je vois qu'aujourd'hui ils sont à fond avec leurs enfants, je comprends pourquoi ils ne l'ont pas été avant la tragédie", commente Damiano Parisi.
"On n'est pas dans un jeu vidéo"
En outre, mutisme et manque d'empathie ont été reprochés aux accusés. "Il n'y a pas eu une larme versée. Jamais la moindre émotion", fait remarquer l'avocat de la partie civile, Me Jean-Jacques Morel. Pour lui, il y a manifestement une question de déficience d'éducation, mais aussi "un problème de déresponsabilisation" de ces mineurs.
"On n'est pas dans un jeu vidéo. On a l'impression qu'ils considéraient que c'était un jeu. Mais c'était un jeu mortel, une roulette russe, mais moi je dis qu'ils ne pouvaient pas ne pas savoir qu'ils pouvaient tuer".
Me Jean-Jacques Morel, avocat de la partie civile
"Les écrans éteignent notre ressenti"
Ce à quoi répondait Me Georges-André Hoarau, avocat de l'un des prévenus : "Les écrans éteignent notre ressenti. Ce sont des gens qui vivent devant les écrans, ils n'ont plus l'habitude d'exprimer leur sensibilité, ils sont froids, connectés dans un autre monde. A partir de là, on ne peut pas attendre d'eux les réactions qu'on aurait eues, nous".
Les quatre prévenus risquaient jusqu'à 10 ans de réclusion criminelle, car la peine de 20 ans est divisée par deux en raison de l'excuse de minorité. "Il n'empêche qu'on est dans l'échelle haute en termes de gravité, de ce qu'un mineur peut commettre", observait malgré tout Me Morel ce jeudi matin.