Quand on s’appelle Mornet comme l’enfant qui voit le jour le 12 mai 1949 au Vauclin, on porte déjà en soi dès le départ les deux facettes d'une même existence que sont la vie et la mort. Le père de Simonne est décédé accidentellement, peu de temps avant sa naissance.
La fillette grandit avec sa mère et son petit frère. Après avoir fait l’école primaire au Vauclin puis le lycée de jeunes filles à Fort-de-France, Simonne Mornet gagne Paris pour des études de droit. Elle travaille ensuite dans un cabinet de notaire avant de mettre sa plume au service de la Gazette du Palais, l'hebdo des avocats et du monde judiciaire.
Titre historique de la presse française, la Gazette du Palais témoigne depuis 1881 des principaux événements de la vie judiciaire ainsi que des débats qui agitent le monde de la justice. Par la richesse des décisions publiées, elle accompagne dans leur quotidien des générations d’avocats et de magistrats.
Juriste de profession, discrète et consciencieuse, Simonne Mornet s’épanouit au 12, place Dauphine, siège de la Gazette du Palais dans le premier arrondissement. Elle officie comme rédactrice au sein de l’hebdomadaire et garde dans le même temps un contact permanent avec la Martinique.
En 1997, Simonne Mornet s’engage pour la reconnaissance de la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité. Membre fondatrice du Comité Devoir de Mémoire, elle s’investit dans ce combat et s’interroge parallèlement sur la nécessaire transmission de cette page d’histoire aux nouvelles générations.
Je ne suis pas historienne, mais j’aime l’histoire, surtout celle de l’Égypte et des grandes civilisations noires. C’est d’ailleurs par ce biais que j’ai commencé à raconter des histoires à mes petits-enfants.
Simonne Mornet
Pour Simonne Mornet, l’envie d’écrire sur l’esclavage est partie d’un constat personnel. En visitant régulièrement sa fille et ses deux petits enfants qui résident également à Paris, elle se rend compte de leur totale méconnaissance de cette histoire.
Un constat qui ne se limite pas à sa seule famille. Simonne Mornet réalise de la même façon que de nombreux enfants d’origine antillaise ne connaissent pas leur histoire. C’est le cas dans l’Hexagone mais aussi en Martinique et en Guadeloupe.
J’ai pris conscience de l’ignorance de cette histoire par beaucoup d’entre nous, de leur manque de repères mais surtout de cette colère, de ce feu qui nous consumait sans que nous en comprenions la cause. Il devenait donc important pour moi de m’adresser aux enfants et de leur raconter leur histoire, pour faire renaître en eux fierté et confiance "en pays dominé".
Dans le cadre des actions du Comité Devoir de Mémoire, Simonne Mornet songe à écrire un livre sur l’esclavage à l’attention spécifiquement des jeunes. Ça s’appellera "L’esclavage, une histoire de héros : une grand-mère à ses petits-enfants".
L’originalité de l’ouvrage de Simonne Mornet résidera dans le choix d’un angle insolite : le dialogue entre une mamie et ses petits-enfants. Ce ne sera ni une fiction ni un roman mais un récit basé sur l’authenticité d’une transmission.
J’ai voulu dans ce livre m’adresser à tous les enfants du monde pas seulement à ceux dont les arrière-arrières grands parents sont descendants d’esclaves ou descendants de ceux qui ont subi la colonisation, car il s’agit de l’histoire de notre humanité.
Représentante du Comité Devoir de Mémoire à Paris, Simonne Mornet quitte la Gazette du Palais en 2007 et rejoint définitivement la Martinique. Effacée comme à son habitude, elle prend néanmoins sur l’île toute sa place dans le combat pour la mémoire.
D’ailleurs dès son retour Simonne Mornet s’attaque à son manuscrit. Elle écrit, efface, corrige, continue. La grand-mère, c’est elle. Les enfants auxquels s’adressera le livre, ce sont les filles et garçons de tous milieux qu’elle rencontre en tous lieux au quotidien.
Quatre ans plus tard, alors que le projet est sur le point d’aboutir, Simonne Mornet est rattrapée par l’autre facette de son nom. Le lundi 15 février 2021, la jeune femme s’éteint sans bruit, non sans avoir bouclé les 164 pages de son ouvrage.
Ses proches reprennent le flambeau. "L’esclavage, une histoire de héros : une grand-mère à ses petits-enfants" sort quelques semaines plus tard. Simonne Mornet n’est plus là mais son rêve est exhaussé. Elle laisse aux enfants d’ici et d’ailleurs un livre qui fait œuvre utile, un livre d’histoire pour la postérité.