En janvier 2024, une première mondiale a été réalisée par l’équipe du Pr Guillaume Lebreton de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière - AP-HP, Sorbonne Université, Inserm et IHU ICAN - dans le cadre de l’étude pilote PEGASE. Cette première transplantation a fait l’objet d’une lettre publiée dans la revue scientifique "The Lancet" le 28 février 2024. L'équipe médicale du CHU de Guadeloupe participe à cette étude qui regroupe 20 patients.
Ainsi, en début d'année, une transplantation cardiaque a été effectuée après une préservation du greffon pendant 12 heures. Le mois suivant, la même opération a été réalisée. Deux patients ont bénéficié de ce système, explique le Pr Pascal Blanchet, président de la commission médicale du CHU régional, "un de la Guadeloupe" et "un de la Martinique".
Un défi pour les patients d'Outre-mer
Jusqu’à présent, les patients des Antilles et de la Guyane en attente de greffe devaient se déplacer dans l'Hexagone pour recevoir une transplantation.
Les greffons cardiaques de ces régions n’étaient pas utilisés en raison de la durée de transport, jugée trop longue pour maintenir le cœur en état optimal. En effet, la conservation d’un greffon cardiaque était traditionnellement limitée à 4 heures. Cette contrainte logistique privait les patients d’Outre-mer d’un accès équitable aux transplantations cardiaques.
Une logistique étudiée
La réussite de cette première transplantation a nécessité une coordination étroite entre les équipes de prélèvement et de greffe, ainsi que les régulateurs de l’Agence de la biomédecine, les CHU de Guadeloupe et de Martinique. Le greffon a été transporté par avion commercial, via un vol Air France, défiant ainsi les contraintes géographiques et temporelles habituelles.
Une véritable innovation technologique
L’étude PEGASE, menée par l’AP-HP et l’Innovation en Cardiométabolisme et Nutrition de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, en collaboration avec les CHU de Martinique et de Guadeloupe, évalue l’utilisation d’un dispositif de préservation de la société XVIVO. Ce dispositif utilise une perfusion hypothermique oxygénée pour prolonger la viabilité du cœur. Pour cette première transplantation, le cœur du donneur a été prélevé selon les procédures habituelles et, seulement 16 minutes après le clampage aortique, il a été installé dans le dispositif de préservation. Le cœur a ensuite été transporté jusqu’à Paris, où il a été transplanté avec succès après plus de 12 heures de conservation.
"C'est magique"déclare dans un sourire le Professeur Blanchet, "cela ne s'était jamais fait avant".
De nouvelles perspectives pour la transplantation cardiaque aux Antilles-Guyane
Le premier receveur, un homme de 70 ans, volontaire, souffrant de cardiomyopathie ischémique terminale et d’insuffisance rénale chronique, a quitté l’hôpital 30 jours après l’opération, en bonne santé. Cette première transplantation marque une avancée significative, ouvrant de nouvelles perspectives pour la transplantation cardiaque, notamment pour les centres isolés ou distants comme les Antilles, et augmente potentiellement le nombre de greffons disponibles.
Jusqu'ici, pour être candidat à la transplantation, les patients de Guadeloupe devaient résider dans l'Hexagone.
Étude porteuse d'espoir
L’étude PEGASE se poursuit avec l’objectif d’inclure une vingtaine de patients afin de confirmer ces résultats prometteurs et d’établir un programme durable de dons de cœurs dans les Antilles françaises. Mais pour le Pr Blanchet, dès le 7e patient, "si le succès est au rendez-vous, le protocole sera analysé et ensuite, on peut s'engager dans une généralisation, une pratique plus commune".
La possibilité de transporter des cœurs sur de longues distances sans compromettre leur viabilité pourrait transformer les pratiques de transplantation, permettant une meilleure organisation des opérations et une utilisation accrue des greffons disponibles.
Si cette technique se généralise, elle pourrait redéfinir le paysage de la transplantation cardiaque, offrant des chances de survie accrues à de nombreux patients à travers le monde.
Trois à cinq patients guadeloupéens sont greffés du cœur par an. En France, ce sont 384 greffes du cœur qui sont réalisées chaque année. 500 patients sont sur liste d'attente.