Législatives 2024 : Comment gouverner ? Au lendemain des élections, les députés réunionnais en pleine réflexion

Assemblée nationale
Au lendemain du second tour des législatives, les députés réunionnais notamment de gauche, bien que satisfaits d'avoir été réélus, se questionnent sur la manière de gouverner avec une Assemblée nationale sans majorité absolue. Avec la crainte de se retrouver face à une France que beaucoup qualifient déjà d'"ingouvernable".

Ils ont été élus dimanche soir, mais le plus dur reste peut-être à faire : s'organiser entre forces politiques en présence à l'Assemblée nationale pour pouvoir gouverner le pays sans blocage. 

Pour rappel, la majorité relative était, jusqu'à la dissolution du 9 juin 2024, détenue par le camp présidentiel Ensemble. Bloc politique qui se retrouve ce lundi avec 163 sièges seulement.

A gauche de ce bloc, le Nouveau Front populaire (180 sièges), mêlant la France Insoumise, le parti socialiste, les écologistes, le parti communiste, fait figure de première force politique en présence. Et à l'extrême droite se trouve le Rassemblement national et ses alliés ex-LR (143 sièges). A droite encore, Les Républicains eux, détiennent au lendemain du second tour 66 sièges. 

Quelle coalition ? Quel Premier ministre ? 

En outre, pour disposer d'une majorité absolue, il faudrait une coalition réunissant a minima 289 députés. Qui pour en faire partie ? Qui pour remplacer Gabriel Attal au poste de Premier ministre ?Dès dimanche soir, plusieurs voix de gauche se sont signalées. A Paris, les tractations allaient bon train ce lundi 8 juillet au sein de la gauche.  

A La Réunion, les six députés Nouveau Front populaire fraîchement élus, ou plutôt réélus, devront choisir sous peu dans quel groupe politique siéger. 

Dans quel groupe siéger ?

Ces groupes, pour rappel, rassemblent les députés selon leurs affinités politiques, et permettent notamment de composer de façon équilibrée les différentes commissions à l'Assemblée, ou de déterminer les temps de parole en séances publiques. 

"Tout dépendra des négociations", pour Karine Lebon

Mais pour savoir où se placer, encore faudrait-il "que je sache quels groupes politiques vont composer la nouvelle Assemblée nationale", soulevait Karine Lebon, réélue sur la 2ème circonscription. Le Nouveau Front populaire gouvernera-t-il en tant que groupe unique ou sera-t-il éclaté ? "Tout dépendra des négociations qui sont en train d'être menées aujourd'hui", suppute Karine Lebon, invitée du JT de Réunion La 1ère ce lundi midi.

Ecouter Karine Lebon, députée de la 2ème circonscription, sur Réunion La 1ère :

Législatives 2024 : réaction de Karine Lebon
 

Elle reconnaît malgré tout que la gouvernance s'annonce ardue.

"Ca va être une difficulté. Quand on n'a pas de majorité absolue, on ne peut pas se taper sur le ventre et dire c'est formidable. Mais il nous faut trouver un chemin, parce qu'aujourd'hui on a des concitoyens qui ont des urgences auxquelles il nous faut répondre" 

Karine Lebon, députée NFP de la 2ème circonscription

La possibilité d'un groupe ultramarin, pour Frédéric Maillot

Frédéric Maillot, réélu dans la 6ème circonscription sous la bannière NFP également, se veut davantage proactif, souhaitant voir les députés ultramarins peser davantage dans la politique du pays. Il évoque la possiblité pour ces derniers de former leur propre groupe, "dans une forme d'autodétermination", et d'ensuite y rallier des députés hexagonaux qui partageraient leurs idées "pour former un groupe outre-mer plus fort", et qui porterait "de vrais sujets" pour les ultramarins. L'ambition ? "Ne pas être à la merci d'un groupe qui vient consulte a nou en fin de manche", est convaincu Frédéric Maillot. 

"Mi pense que jusqu'à aujourd'hui, les pays d'outremer, nou la toujours été les 20 centimes qui vient fait 2 euros dans un groupe. Et si la tendance s'inversait aujourd'hui ?"

Frédéric Maillot, député NFP de la 6ème circonscription

"Ce sont des choix de société"

Sans coalition cohérente, le député Maillot, qui siégeait jusqu'ici au sein du groupe "Gauche démocrate et républicaine - NUPES", s'inquiète de ne pas pouvoir faire adopter les projets sociaux qui étaient au centre du programme du Nouveau Front populaire, tels que le SMIC à 1 600 euros, ou encore un gel des prix de l'électricité ou de l'alimentation. "Ce sont des choix de société. Ce sera ingouvernable si on refuse les projets sociaux que la population demande. Ce sont les deux blocs d'en face qui doivent se demander quel projet de société zot i veu. Nou nou koné, nou lé pour le progrès social", achèvait Frédéric Maillot sur Réunion La 1ère ce lundi midi.

Ecouter Frédéric Maillot, député de la 6ème circonscription, sur Réunion La 1ère : 

Législatives 2024 : réaction de Frédéric maillot

Une partie de la gauche locale réunie ce lundi 

La plupart des députés élus du Nouveau Front populaire (Perceval Gaillard, Frédéric Maillot, Jean-Hugues Ratenon, Karine Lebon) ainsi que plusieurs autres élus de gauche (Evelyne Corbière, Céline Sitouze, Patrick Lebreton, Joé Bédier, Emmanuel Séraphin, et la présidente de Région Huguette Bello), étaient réunis ce lundi après-midi pour évoquer les résultats de la veille et les enjeux des prochains jours, lord d'une conférence de presse. 

Regarder le reportage de Réunion La 1ère : 

Conférence de presse du Nouveau Front populaire au lendemain des élections

Jean-Hugues Ratenon fait "confiance à l'intelligence humaine" 

Jean-Hugues Ratenon, député NFP réélu dans la 5ème circonscription, dit pour sa part simplement "faire confiance" à ses camarades pour ce travail en ce lendemain de scrutin. 

Il ne cache pas pour autant son inquiétude.

"On attend pour voir comment les différents états-major vont avancer. Et de voir si les autres groupes vont respecter le fait que le Nouveau front populaire est arrivé en tête et que c'est son programme qui doit être appliqué. (...) Je fais confiance à l'intelligence humaine pour trouver une issue à cette situation politique"

Jean-Hugues Ratenon, député NFP de la 5ème circonscription

"Aucun gouvernement ne peut sortir de cette réalité politique", pour Perceval Gaillard

Perceval Gaillard, lui aussi réélu en tant que candidat NFP, dans la 7ème circonscription, fait état d'une "situation tripartite à l'état pur", et constate qu'il manque à son camp "107 sièges pour gouverner", même s'il compte le plus de députés. 

Lui se veut très lucide sur la situation, et explique la stratégie qu'il juge la meilleure, misant sur le fait que son camp est arrivé en tête. 

"Il n'y a très clairement aucun gouvernement qui ne peut sortir de cette réalité politique là, parce qu'aucun gouvernement n'aura la majorité et tout Premier ministre qui va se proposer aura une motion de censure. Nous on va mettre sur la table très vite un nom pour gouverner le pays, notre programme, et ce sera aux autres forces politiques de se décider vis-à-vis de nos propositions. Pendant un an, on va être obligé de trouver une solution pour voter un budget et faire tourner le pays"

Perceval Gaillard, député NFP de la 7ème circonscription

Au-delà des enjeux immédiats, Perceval Gaillard appelle aussi à une réflexion autour de la vétusté des institutions de la Vème République qui ne sont "plus adaptées à la réalité politique du pays" et de la nécessité éventuelle d'une VIème République. 

Le programme commun comme "ciment" selon Patrick Lebreton

Patrick Lebreton, maire de Saint-Joseph et du Progrès974, impute cette situation de "pays ingouvernable" au président Emmanuel Macron "gros ker" qui a dissout l'Assemblée nationale. Désormais, il s'agit de faire face aux conséquences, et de se rassembler autour du programme qui "cimente" les différents partis de gauche du NFP. 

"Nous sommes dans une période d'instabilité institutionnelle. (...) Comme les Françaises et Français ont voté, notamment sur ces mesures sociales, nous disons qu'il faut les mettre en place, et nous sommes pour qu'on pousse dans ce sens et qu'on aboutisse au résultat"

Patrick Lebreton, maire de Saint-Joseph, Progrès 974

"Une situation très difficile", selon Huguette Bello

Huguette Bello, invitée au JT de Réunion La 1ère ce lundi soir, fait part elle aussi de la difficulté de gouverner qui découle de ces élections législatives anticipées. "C'est une situation qui est très difficile, et les Français et les Réunionnais aimeraient que leurs préoccupations soient prises en compte", note-t-elle. 

Huguette Bello, présidente de la Région Réunion et cheffe de file du PLR, invitée au JT de Réunion La 1ère : 

Invitée plateau Huguette Bello

Peu importe qui sera nommé Premier ministre, il sera compliqué pour ce dernier de gouverner la France, dans un contexte où la France a vu l'article 49.3 être déclenché de nombreuses fois par le gouvernement ces dernières années pour faire adopter des lois. "Nous ne pouvons plus revenir aux 49.3", considère Huguette Bello.

  

Trouver une solution, pour ne pas "faire le nid du RN" selon Ericka Bareigts

Il faudra bien trouver une solution, estime pour sa part Ericka Bareigts sur Réunion La 1ère ce lundi midi.

"La France pourra et devra être gouvernée, sinon on fait le nid d'une vague RN qui ne pourra plus être freinée" 

Ericka Bareigts, maire PS de Saint-Denis

Tous y verront probablement plus clair une fois nommé le nouveau chef du gouvernement. Car outre les groupes politiques qui seront formés à l'Assemblée nationale, l'autre grande incertitude est le nom de celui qui prendra la place de Gabriel Attal à Matignon. 

Choisir un Premier ministre 

Ericka Bareigts évoque les critères qui auraient été établis par le Nouveau Front populaire pour le choisir : porter les mesures sociales du programme, être une personnalité qui apaise, être rassembleur, et avoir sur son CV une compétence à diriger une grosse collectivité, et/ou une expérience politique à l'échelle nationale. 

La maire de Saint-Denis voit d'ailleurs d'un bon oeil la proposition d'Olivier Faure d'organiser un vote interne pour déterminer le prochain Premier ministre. Ou la prochaine, même. "Une femme ce ne serait pas mal, ça nous changerait, mais pas une femme comme la Première ministre qu'on a eu, mais une femme de gauche qui fait une politique de gauche avec un contrat bien établi avec les Français", dit-elle, citant la patronne des écologistes Marine Tondelier ou encore la socialiste Carole Delga. 

Les groupes politiques de la précédente législature

Pour rappel, lors de la précédente législature de l'Assemblée nationale, Perceval Gaillard et Jean-Hugues Ratenon siégeaient au sein du groupe "La France Insoumise, Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES)" ; Philippe Naillet siégeait au sein du groupe "Socialistes et apparentés (intergroupe NUPES)", Emeline K/bidi, Karine Lebon et Frédéric Maillot siégeaient au sein du groupe de la "Gauche démocrate et républicaine - NUPES"; enfin, Nathalie Bassire, candidate divers droite, avait choisi de siéger au sein du groupe "Libertés, indépendants, outre-mer et territoires" (LIOT).