Législatives 2024 en Polynésie : les temps forts du débat entre les candidats de la circonscription 2

Nicole Sanquer, Tutu Tetuanui, Tati Salmon et Steve Chailloux ont échangé autour de la table en amont des élections législatives 2024, le 25 juin.
Plus affirmés sur la question des alliances politiques à l'Assemblée nationale, les candidats de la deuxième circonscription se sont aussi exprimés, parfois avec agacement, sur le sujet du clivage autonomiste-indépendantiste et des fonctionnaires d'État. Des échanges houleux ont rythmé le débat, mardi 25 juin.

1. Tutu Tetuanui VS. Nicole Sanquer sur les alliances nationales

Tutu Tetuanui montre les crocs dès les premières minutes de débat. Le candidat Te Nati, qui assume sans complexe son association au Rassemblement National, profite de la question posée sur les alliances nationales pour lancer des piques à la présidente du A Here Ia Porinetia. Il critique l'union autonomiste baptisée Amui Tatou, et le manque de cohérence par rapport au discours tenu la veille par sa partenaire autonomiste Pascale Haïti, qui n'a pas immédiatement exclu une potentielle alliance avec les extrêmes. Mardi soir, Nicole Sanquer a assuré que le Amui Tatou "ne siégera pas dans les extrêmes." 

Plus calmement, Steve Chailloux a reconfirmé la position du Tavini Huiraatira au côté du front populaire en cas de victoire, après le passage de Mereana Reid-Arbelot sur le plateau lundi. "Nous restons droits dans nos bottes" avec "le groupe GDR" indique le député sortant, prêt à faire front au RN. "Selon les derniers sondages, le RN a 280 sièges à l'Assemblée nationale, et pour avoir la majorité absolue il faut 289 sièges. On se dirige vers une cohabitation... L'ancienne majorité présidentielle ne semble pas être en capacité de tirer son épingle du jeu." 

Heiura-Les-Verts, par la voix de Tati Salmon, se positionne à gauche, pour ses valeurs "sociales" et "culturelles."

La confusion s'invite dans la discussion quant au rôle du député. Si Tutu Tetuanui semble décidé mardi soir à faire entendre sa voix face aux autres candidats, l'emploi est son argument principal. Or, l'emploi local n'appartient pas au champ d'action du parlementaire. "Je pourrai jouer le rôle de facilitateur et défendrai les intérêts de la Polynésie à l’AN avec convictions" s'entête-t-il, considérant qu'il ne pourra le faire qu'au côté du RN "bientôt au pouvoir". 

Problème soulevé par les autres candidats : où se place le Pacifique dans les préoccupations du parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella ? "On parle de Mayotte mais je n’ai pas vu la Polynésie écrite" s'inquiète Nicole Sanquer, qui a elle-même été députée de 2017 à 2022.   

Remettre la Polynésie au cœur de la législation française, c'est aussi l'objectif de Steve Chailloux. L'élu indépendantiste considère que, même dans un parti minoritaire, il est possible de faire avancer les choses à force de "pugnacité" et de "courage". "J’ai réussi à faire voter la loi sur la langue. Le courage d’aller affronter l’Etat. Ils ne connaissent, ils confondent les territoires. Nous faisons ce travail de pédagogie, c’est un comble ! (...) Le gouvernement français n'a pas le réflexe Outre-mer" s'insurge-t-il.

Et ce n'est pas en maintenant des "guerres fratricides" entre autonomistes et indépendantistes que la Polynésie fera entendre sa voix. C'est un clivage qu'il faut mettre de côté pour Tati Salmon, qui préfère parler de valeurs écologiques plutôt que de querelles politiques.

Mais Tutu Tetuanui n'en reste pas là. Il blâme haut et fort la gestion autonomiste des quarante dernières années, avec des exemples récents. "Lorsque la crise sanitaire est arrivée, c'était la pagaille. On n'avait même plus de papier toilettes. Qu’est-ce que le gouvernement autonomiste a fait aujourd’hui ? Rien n’est prêt ! Il faut arrêter à un moment donné. Il faut donner à manger à nos enfants". Nicole Sanquer ne peut s'empêcher de rétorquer : "l'autonomie, c‘est le pays dans lequel vous vivez, un gouvernement avec 90% des compétences. Je suis agacée d’entendre 'après 40 ans d’autonomie où on en est ?' C'est ce qui a donné la Polynésie française !"

2. Les relations avec les communes

Porter la voix de la Polynésie passe aussi par la reconnaissance des communes polynésiennes à leur juste valeur. "Nous n’avons pas les mêmes contraintes que les communes hexagonales" souligne Steve Chailloux. "Nous prônons un code polynésien des communes, taillé sur mesure en prenant en compte les spécificités insulaires, culturelles, sociologiques. On ne peut gérer une commune de Hikueru comme on gère une commune de Paris. L’argent, il y en a toujours : quand on veut, on peut" argumente le député sortant, évoquant pour illustrer ses propos le budget, le milliard d'euros débloqué par Paris -"de manière inutile"- pour nettoyer la Seine.

"Les communes manquent d’accompagnement, beaucoup de personnel n'est pas formé. On compte sur des CDD, des CAE…" soulève aussi Tati Salmon. Même si ce champ d'action ne relève pas directement du député, le candidat des Verts voit en l'Assemblée nationale un moyen législatif puissant pour résoudre ces problèmes. 

3. Les fonctionnaires d'État

Les 10 000 fonctionnaires d'État polynésiens subissent les dommages collatéraux de cet "oubli" de la part du gouvernement. L'exemple des militaires en témoigne. En 2021, Nicole Sanquer n'avait pas réussi à faire voter sa loi sur le CIMM à l'Assemblée mais son texte avait permis, quelque temps plus tard, aux engagés Polynésiens, Calédoniens et Mahorais de bénéficier de la prime d'installation des militaires ultramarins.

Le débat redevient houleux. Tutu Tetuanui ne comprend pas que l'on évoque le sujet des fonctionnaires alors que "des gens crèvent la dalle en ville. Le petit Teiki Pupuni est oublié !", "On perd du temps à parler des fonctionnaires", s'agace le candidat RN. 

Pourtant, "ces sujets doivent nous réunir" lui répond Steve Chailloux, puisqu'il concerne 10 000 Polynésiens. Exemple avec l'ITR (rebaptisée pension civile). "Aujourd'hui, un fonctionnaire d'État qui prend sa retraite en France métropolitaine a un taux de substitution de 75% donc s'il avait un salaire de 1000F, il toucherait 750F à sa retraite. En Polynésie, le taux de substitution est de 40%, ça veut dire qu'il va toucher 400F sur 1000F. Dans un contexte de vie beaucoup plus cher, c'est insupportable" déplore-t-il. Le député sortant ressort la carte de la citoyenneté Maohi comme éventuelle solution.

Cinq candidats sont en lice dans cette deuxième circonscription qui englobe les communes rurales de Tahiti, de Mahina à Paea en passant par la presqu'île et les Australes. Les débats se referment mercredi 26 juin, avec les candidats de la première circonscription.

Le premier tour, c'est le 29 juin.