Législatives 2024. Les réactions politiques après l’élection d’Emmanuel Tjibaou et Nicolas Metzdorf comme députés de la Nouvelle-Calédonie

Après le second tour des législatives, Laurie Humini, Philippe Gomès, Nina Julié, Roch Wamytan, Milakulo Tukumuli et Virginie Ruffenach.
Après des élections législatives exceptionnelles, aussi bien dans la forme que dans le fond, une partie de l'échiquier politique calédonien retient l'avance des candidats indépendantistes en nombre total de voix. Une autre pointe que le scrutin a eu lieu dans des conditions dégradées. Et à peu près tout le monde souligne le taux remarquable de participation.

Inattendues et porteuses de surprise. Les élections législatives dont le second tour s'est tenu dimanche provoquent réactions et analyses. Tour d'horizon les jours suivant le scrutin.

D'abord, dans ce résumé de Brigitte Whaap et Claude Lindor. Avec Gil Brial, Philippe Gomès, Alcide Ponga, Milakulo Tukumuli et Daniel Goa. 

©nouvellecaledonie

La CCAT de Maré "soupire de soulagement"

"Enfin!" Dans un communiqué diffusé le 10 juillet, la CCAT Nengone évoque "un grand soupir de soulagement pour le peuple kanak", avec l'élection d'Emmanuel Tjibaou. "À chaque étape électorale, l’opinion populaire dédramatise les candidatures indépendantistes en faisant progresser systématiquement leurs scores, la notion de souveraineté ne fait certainement plus peur comme d’aucuns pouvaient le présager", analyse la Cellule de coordination des actions de terrain à Maré.

 

Le Palika évoque "un tournant historique et politique majeur "

Le bureau politique du Palika s'exprime par communiqué, le 10 juillet. Le Parti de libération kanak voit dans ces législatives "un tournant historique et politique majeur". Face aux résultats, il "réaffirme que la perspective d’un avenir commun, durable et définitif en Kanaky Nouvelle-Calédonie ne peut éluder la nécessité de donner une réponse à la revendication indépendantiste (…). Considérant que "la pleine souveraineté en partenariat avec la France constitue le seul nouveau contrat social qui permettra de répondre, à la fois, à cette revendication politique, aux préoccupations que soulève l’indépendance, à la volonté de vivre ensemble et au besoin de redéfinir nos liens avec le peuple français."

Les attentes de l'UPM 

Réaction par communiqué, déjà, pour l’Union progressiste en Mélanésie, autre composante du FLNKS. Le 9 juillet, elle "se réjouit de la forte participation au second tour de ces élections législatives anticipées dans les deux circonscriptions électorales, qui aura permis à l’électorat indépendantiste de devancer de près de 10 000 voix celle des non-indépendantistes", écrit son président, Victor Tutugoro. "Les exclus du corps électoral, pour lesquels le combat pour le dégel aura longtemps crispé les négociations sur l’avenir institutionnel, n’auront finalement pas pesé sur cette élection", observe-t-il.

Du député Tjibaou, "l’UPM attend qu’il soit fidèle à son discours développé durant la campagne, qu’il apporte au Parlement français cette vision de ce destin commun qui se construit en additionnant toutes les bonnes volontés et dans le respect de chacun." Et de conclure : "La construction du pays et la relance de son économie pour une souveraineté désormais acceptée doivent mobiliser toutes nos énergies pour les périodes à venir."

Daniel Goa, Union calédonienne : "La colère transformée en modalité démocratique de vote"

Le président de l'Union calédonienne salue les deux candidats indépendantistes qui étaient en lice, leurs suppléantes et la jeunesse qui s'est impliquée dans leur campagne. "Je pense que c'est grâce à cette jeunesse que les CCAT se sont lancées pour aller voter", analyse Daniel Goa, joint par Brigitte Whaap. "La colère a été transformée en modalité démocratique de vote." Des candidats dont il dit apprécier les discours à la fois "inflexibles" et "très ouverts". "Ça nous sort des rapports conflictuels qu'on a l'habitude de s'envoyer les uns les autres. Il y a beaucoup d'espoir à attendre de ce résultat."  

Autre observation, incontournable : "Les voix indépendantistes dans les deux circonscriptions, avec des élections générales, ont été largement au-dessus des non indépendantistes", apprécie Daniel Goa. "Les choses sont en train de bouger."



Milakulo Tukumuli, Eveil océanien : "Le moins mauvais résultat"

Après avoir relevé la "très forte participation", le président de l'Eveil océanien retient que c'est "le moins mauvais résultat, pour le pays. De sorte qu’il y ait un candidat des deux blocs traditionnels", précise le défenseur d'une troisième voie qui n'a pas semblé entendue au premier tour.

"La troisième chose qui me paraît importante", souligne Milakulo Tukumuli, "c’est que sur un corps électoral totalement dégelé, le bloc indépendantiste arrive devant le bloc non indépendantiste avec 10 000 voix d’écart. Cela signifie peut-être que le débat sur le dégel du corps électoral était inutile et par conséquent, que le pays est brûlé pour rien du tout, dès lors que l’électorat indépendantiste et nationaliste se mobilise." À l’inverse, l'élu du Congrès s'interroge sur le grand nombre d'abstentionnistes à Nouméa. 

L'Eveil océanien a transmis un communiqué le 10 juillet, qui approfondit cette analyse. 

 

Philippe Gomès, Calédonie ensemble : "Une triple rupture"

L’ancien député, et leader de Calédonie ensemble, s'est d'abord exprimé sur les réseaux sociaux. "Cinq années après les élections provinciales de 2019", perdues par son parti, "le dernier clou du cercueil de la Calédonie française vient d'être planté", a asséné Philippe Gomès dimanche soir. Évoquant ce lundi "une triple rupture", l’élu du Congrès s’attarde sur ce constat : "quand on additionne les résultats des indépendantistes et des non indépendantistes dans les deux circonscriptions, les indépendantistes ont dix mille voix d’avance".

Il évoque une "mobilisation indépendantiste exceptionnelle", mais "pas si importante que celle du référendum de 2020". Philippe Gomès s'étonne aussi de cette "absence de mobilisation de Nouméa", tout en pointant la "radicalité des discours".
Son analyse recueillie par Claudette Trupit.

Alcide Ponga, Rassemblement : "Pas un découpage à l'avantage des non indépendantistes"

Dans la seconde circonscription, Emmanuel Tjibaou l'a emporté haut la main mais le camp non indépendantiste a fait son meilleur score depuis plusieurs mandatures : plus de 38 000 voix. Pour Alcide Ponga, ces résultats prouvent que le découpage électoral est en faveur des indépendantistes. "L'électorat indépendantiste s'est mobilisé à fond", décrit le président du Rassemblement, candidat défait dimanche dernier. "Contrairement à avant. L'idée que c'était un découpage à l'avantage des non indépendantistes ? Je crois que non. Je crois que c'était le fait qu'il n'y avait pas de mobilisation dans les élections précédentes."

Gil Brial, Loyalistes : "Jamais fait autant de voix" dans la seconde circonscription

L'analyse de Gil Brial ? "Satisfait de la réélection de Nicolas Metzdorf. Déçu pour Alcide Ponga, qui n'a pas démérité. Il y a dans les deux circonscriptions un certain nombre d'irrégularités dans les bureaux de vote", énumère l'élu Loyalistes. "Des électeurs qui n'ont pas pu accéder ou des assesseurs qui n'ont pas pu [s'y] rendre. Féliciter malgré tout l'élection d'Emmanuel Tjibaou. Et souhaiter que nos deux députés soient actifs à Paris, [afin de] redresser la Nouvelle-Calédonie, pour le bien de l'ensemble des Calédoniens."

Dans la première circonscription, "une grosse mobilisation des indépendantistes réduit l'écart" entre les candidats, estime-t-il. "Mais on constate que sur certains bureaux, le résultat est digne de l'Azerbaïdjan, quasiment de la dictature", formule Gil Brial. "Il nous manque des voix et le fait de ne pas avoir eu d'assesseur pour contrôler pénalise ce résultat." Dans la seconde circonscription, "jamais aucun candidat loyaliste n'avait fait autant de voix", dit-il. "Il nous manque, clairement, des voix sur la côte Est, pour les mêmes raisons que sur les îles", continue-t-il. "Et comme on le constate à chaque élection provinciale dans le Nord, des électeurs non indépendantistes ont choisi Emmanuel Tjibaou comme ils choisissent Paul Néaoutyine. Cela fait qu'Alcide fait un gros score mais ne gagne pas."

Loyalistes et Rassemblement ont adressé un communiqué commun, le 10 juillet, évoquant "un retour au calme pour un retour au dialogue".

Sonia Backès, Loyalistes : pas "de manière démocratique et transparente"

La cheffe de file des Loyalistes a fait certaines de ces observations, au soir du second tour. "J’ai mal à la République", a écrit Sonia Backès sur les réseaux sociaux. "L’Etat n’a pas permis que cette élection se passe de manière démocratique et transparente. Dans la grande majorité des bureaux de vote de la côte Est, aucun assesseur n’a pu être présent faute de pouvoir s’y rendre et encore moins d’y être en sécurité", dit-elle aussi. "Sur le Mont-Dore, le blocage de la route et les violences qui ont eu lieu pour les personnes qui ont essayé de passer fragilisent le résultat de cette élection."

La présidente de l'assemblée provinciale Sud félicite par ailleurs les députés élus, Nicolas Metzdorf mais aussi Emmanuel Tjibaou. Enfin, elle "remercie Alcide Ponga", l'allié Rassemblement, "d’avoir porté nos valeurs dans cette élection. Il a défendu notre union et la Nouvelle-Calédonie plurielle qu’on aime avec force et conviction."

Nina Julié, Générations NC, adresse un "cri du cœur" au député indépendantiste

Plusieurs élus se sont exprimés durant la soirée électorale de NC la 1ère.

Au nom de Générations NC, le parti de Nicolas Metzdorf, Nina Julié a également pointé des problèmes de sécurité et d'accès. "La mobilisation aurait pu être encore plus importante si les gens n'avaient pas eu peur de se déplacer", a déclaré la membre des Loyalistes, "et je regrette que nous n'ayions pas pu faire une vraie campagne même si elle était courte."

Elle a surtout adressé un "cri du cœur" au député indépendantiste nouvellement élu. "J'espère, M. Tjibaou, que vous allez réussir à rétablir l'ordre en Nouvelle-Calédonie. Les Calédoniens en ont marre, les Calédoniens sont tristes et beaucoup se sentent trahis. Votre responsabilité avec Nicolas Metzdorf, c'est d'abord de ramener l'ordre. Et ensuite réussir ensemble à faire en sorte qu'on puisse se parler de nouveau."

Virginie Ruffenach, Rassemblement : "Un vote totalement dégradé"

"Ces résultats, nous les acceptons", a déclaré la présidente du groupe Rassemblement au Congrès après la défaite d'Alcide Ponga face à Emmanuel Tjibaou. Virginie Ruffenach a toutefois questionné "le cadre légal" du second tour. "Nous respecterons toujours le résultat. Mais nous considérons que nous avons eu un vote, pour ces législatives, totalement dégradé, où l'Etat n'a pas assuré la sécurité des Calédoniens et des votants". Elle a cité des bureaux "où on a 100% pour le même candidat", les exactions au Mont-Dore, mais aussi "la publicité faite hors délai par le candidat adverse pour des navettes de transport."

Roch Wamytan, UC : "Quand les Kanak sont concernés, ils s'impliquent"

Sur le même plateau, le président du Congrès et membre de l'Union calédonienne a commenté le succès d'Emmanuel Tjibaou. "Outre la victoire du candidat", il dit y voir "la victoire de la jeunesse et de tous les progressistes qui veulent le changement". Mais aussi un revers au découpage électoral datant de l'époque Pasqua. "On est portés par une vague de fond", a décrit Roch Wamytan, qui note "cet attachement à l'expression démocratique par le bulletin de vote. Quand les Kanak sont concernés, ils s'impliquent. Un peu à notre surprise, mais ils se sont impliqués et on ne peut que s'en féliciter." 

Laurie Humini, RDO : "Renouvellement des visages et des discours"

Membre du Rassemblement démocratique océanien, la suppléante d'Omayra Naisseline a réagi sur NC la 1ère à la forte participation. "Il y a eu un renouvellement au niveau des visages et peut-être un renouvellement des discours", avance Laurie Humini. "Peut-être que ça a convaincu certains électeurs et certains jeunes également".

La double réaction de Simon Loueckhote, Rassemblement national

Réaction en deux temps du candidat malheureux dans la première circonscription. Au soir du second tour, Simon Loueckhote commence par un regret face à la division au bipartisme des résultats. "Il y avait plusieurs pays qui vivaient en harmonie sur ce Caillou, la Nouvelle-Calédonie, ce soir il n’en existe plus que deux", écrit-il sur les réseaux sociaux. Puis il a félicité les députés élus, mais aussi salué "l’excellent résultat de leurs adversaires Omayra Naisseline et Alcide Ponga".

Pour le MNIS, le candidat Tjibaou "a su rassembler"

"Emmanuel Tjibaou a su rassembler au-delà de la mouvance indépendantiste", apprécie le Mouvement nationaliste indépendantiste souverainiste, dont les candidats n'ont pas passé le premier tour. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, écrit le MNIS sur Facebook : "plus de 82 000 voix en faveur des candidats indépendantistes et nationalistes, avec un corps électoral général, soit dégelé à 100 %, et un taux de participation de plus de 70 %. Cette forte mobilisation démocratique en faveur de notre accession à la souveraineté est indéniable, bien que nous étions ici sur un scrutin pour élire nos députés." Autre avis, "cette élection met également en lumière la nécessité de renouveler la classe politique actuelle".