Les années 60 et 70, les temps de l'élégance à Saint-Pierre et Miquelon

Il fut un temps à Saint-Pierre et Miquelon où aller au bal faisait partie des habitudes de l’archipel. Un rendez-vous, souvent hebdomadaire, pour lequel les Saint-Pierrais et Miquelonnais s’apprêtaient particulièrement. Retour à une époque où l’élégance primait.

Sur le pas de sa porte en ce mardi matin, Arlette est comme à son habitude, bien apprêtée. Vêtue d’un chemisier à fleurs et d'un pantalon à pince noir, qu’importe si le programme de la journée nécessite de rester à la maison, pour elle la tenue n’est jamais de circonstance. "À vrai dire, je ne suis pas trop coutumière des survêtements", rit-elle. "Même quand je ne fais pas grand-chose, je m’habille."

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Une habitude qu’elle a gardée de sa jeunesse. Un héritage qu'elle a préservé de son époque. Notamment quand elle se rendait quotidiennement aux différents bals de Saint-Pierre.

J’adorais danser avec mon mari. On pouvait danser au Joinville, à la salle de fête, ou alors au Savoyard. Généralement, on s’apprête bien quand on va au bal. On veut être à son avantage. Moi j'aimais bien les jupes et les chemisiers pour sortir.

Arlette Folquet Hacala

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On est dans les années 60-70, et pour être à son avantage, la jeune femme commandait grâce aux différents catalogues de prêt-à-porter. Être original, c'était son souhait. Et quelle ne fut pas sa surprise quand elle vit que d'autres jeunes dames portaient les mêmes tenues lors des différentes soirées dansantes de l'époque. "Vous savez ce n'est jamais trop agréable quand on voit quelqu'un porter les mêmes habits que vous. Ça m'est arrivé une fois, je voulais rentrer me changer !"

"Je dis souvent que l'habit ne fait pas le moine, mais l'arrange bien"

Nostalgique, Arlette l'est sans doute un peu. C'est en tout cas ce que son regard dit quand elle montre cette photo d'elle prise par un journaliste du National Géographic en 1966. Pour l'occasion, elle se tient face à une devanture de magasin et porte un tailleur noir. "C'était la tenue habillée classique. Les femmes en portaient régulièrement. Maintenant les gens s'habillent moins, c'est un fait." Une image témoin d'une époque où l'élégance faisait partie intégrante de la vie des gens autrefois. Pas par goût de la mode, ça non. Mais parce que c'était ainsi. "Au bal par exemple, les hommes portaient toujours des costumes. Vous savez, je dis souvent que l'habit ne fait pas le moine, mais l'arrange bien."

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Marjolaine Poulet, ancienne gérante de chez Grizzli Fourrure, approuve ce constat. Pour elle aussi, les anciennes générations présentaient mieux. Pour elle aussi, la nostalgie est présente. Il faut dire qu'elle a œuvré dans la mode à Saint-Pierre et Miquelon. Par ses magasins qu'elle a longtemps tenus dans l'archipel, mais pas que. Événements, défilés... La Saint-Pierraise a largement contribué à la mise en avant de l'élégance dans l'archipel. 

"Je faisais les défilés de Grizzli Fourrure dans les années 80 au Joinville. Souvent c'était des clientes du magasin que je démarchais. Ce sont des bons souvenirs. Ça marchait fort à l'époque."

Marjolaine Poulet

Une époque révolue ?

Les deux femmes, relativement du même âge, ont pour point commun d'avoir travaillé dans le prêt-à-porter. Elles ont toutes deux vu le comportement des clients de l'archipel évoluer au fil des années. "Je pense que le moratoire nous a fait du mal", explique Marjolaine. "Les gens n'avaient plus de pouvoir d'achat."

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Arlette, quant à elle, est plus mesurée. Elle pense simplement que ce sont les habitudes qui ont changé. "À un moment, on ne vendait plus de costumes pour homme chez Bagatelle, le magasin où je travaillais. Les gens n'en portent que pour les grandes occasions maintenant. Les gens avaient moins de sous c'est vrai. Mais il y a eu un vrai changement dans la façon de s'habiller."

Alors forcément, ce contexte et ces évolutions ont conduit à quelques décisions inévitables. En 1996, Bagatelle ferme ses portes. Suivie par Grizzli Fourrure quelques années plus tard. Mais pour se souvenir des smokings feutrés, des pièces en soie, heureusement il y a les souvenirs. Pour se remémorer. Mais aussi pour pourquoi pas, s'en inspirer.