Les associations et les usagers déplorent le manque d'infrastructures cyclables et piétonnières à Saint-Pierre et Miquelon

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Le président de l'association Roue Libre SPM interpelle le préfet de l'archipel dans un courrier. Il dénonce l'absence d'avancée concrète sur le dossier des pistes cyclables. Un manque d'infrastructures qui pose des problèmes de sécurité ressentis par certains usagers.

Le sujet n'est pas nouveau, mais Michel Le Carduner tient à le remettre sur la table. Le président de l'association Roue Libre SPM, créée en avril dernier, a envoyé un courrier au préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon le 18 novembre. 

Il y souligne notamment "l'inaction de l'État" à travers plusieurs exemples. À commencer par le trottoir longeant les salines, boulevard Constant-Colmay, qui a bénéficié de travaux l'an dernier : "On aurait pu peut-être en profiter pour l'élargir à des dimensions permettant aux piétons et cyclistes de cohabiter", écrit-il. Même exemple avec la route de la Cléopâtre qui a été en partie refaite l'année dernière et plus récemment encore. Une occasion ratée pour aménager des bas-côtés pour la sécurité des piétons et cyclistes selon lui. Idem pour la Digue aux moules et la chaussée près de l'ancienne aérogare. Il dénonce "une véritable dictature de l'automobile, où le non-respect des règles élémentaires du Code de la route sont légion et quotidiennes". À ce jour, le président de Roue Libre SPM n'a pas eu de réponse.

Une obligation de l'État

La loi est un argument bien connu des associations de cyclistes en France. La Fédération française des Usagers de la Bicyclette (FUB), dont est membre l'association Roue Libre SPM, rappelle sur son site que les collectivités territoriales, au même titre que l'État, se doivent de respecter la loi LAURE et la loi LOM de 2019.

La Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie (LAURE), a posé en 1996 les fondements des politiques de déplacement en faveur du vélo et des modes doux en général. Depuis, son texte le plus connu a évolué et été codifié dans le code de l'environnement sous l'article L.228-2. La Loi d'Orientation des Mobilités (LOM) était l'occasion de le revisiter.

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Ainsi, l'article stipule "À l'occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines [...], doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d'aménagements prenant la forme de pistes, de bandes cyclables, de voies vertes, de zones de rencontre ou, pour les chaussées à sens unique à une seule file, de marquages au sol, en fonction des besoins et contraintes de la circulation."

L'association Roue Libre SPM estime donc que l'État, à travers la préfecture de l'archipel, ne répond pas à ses obligations.

"C'est trop dangereux."

Cette absence d'aménagements pour les vélos est remarquée à Saint-Pierre. Cela revient souvent à rouler en cohabitation avec les voitures, ce qui représente un frein pour certains usagers. "Amener les enfants à l'école à vélo n'est absolument pas une option pour les parents" déplore la représentante de l'association des parents d'élèves (APE), Marion Letournel.

La circulation parfois dense, la conduite agressive de certains automobilistes, l'état de la chaussée, la signalisation... les facteurs sont divers. Pourtant, la pratique du vélo a bien des avantages. "Pour l'autonomie des enfants c'est très positif, c'est aussi un moyen de transport plus écologique et économique", estime Marion Letournel. Elle est persuadée que si les conditions étaient réunies, "cela réveillerait l'envie du vélo pour les parents et les enfants. Mais pour l'instant, c'est trop dangereux". D'autant plus pour les enfants en provenance de Savoyard qui ne bénéficient pas du ramassage scolaire.

Le quartier des Graves peu accessible à pieds et à vélo

Le besoin d'aménagements cyclables et piétonniers est davantage nécessaire dans les périphéries du centre-ville, comme au quartier des Graves. Au Centre Hospitalier François-Dunan (CHFD), les employés sont incités à se déplacer à vélo, et bon nombre d'entre eux en utilisent quotidiennement pour rejoindre le centre de Saint-Pierre.

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C'est le cas de Mathilde, infirmière de 26 ans : "c'est plus pratique, plus facile, et plus rapide". Sur la route, elle dit ne pas être stressée, porter un casque et se serrer le plus à droite possible, voire sur les places de parking vides ou les trottoirs. Mais elle admet que le boulevard est dangereux : "les voitures roulent vite, et ce n'est pas rare de se faire doubler dangereusement dans le rond-point". Elle regrette le manque d'espaces dédiés au vélo comme des arceaux ou des abris.

Cet été les enfants d'une famille en vacances ont failli avoir un accident à cause des voitures et du manque d'aménagements piétons. C'est une vraie problématique pour les touristes l'été.

Andréa Hélène, présidente du complexe des Terrasses du Port

À quelques mètres du CHFD se situe le complexe hôtelier Les Terrasses du Port. "C'est assez difficile pour nos clients de nous atteindre à pied depuis les ferries, ils nous le disent souvent", déplore Andréa Hélène, la directrice. Il faut dire que les gravillons de la chaussée ne sont pas pratiques pour les poussettes, vélos ou personnes à mobilité réduite, quand ce n'est pas la vitesse des voitures qui préoccupe.

Andréa avait déjà envoyé un courrier en juillet à la DTAM (Direction des Territoires, de l’Alimentation et de la Mer) pour alerter sur l'état de la chaussée avec des photos à l'appui. Elle dit n'avoir toujours pas de réponse.

"Une question de respect mutuel et de vivre ensemble"

Que ce soit l'été ou l'hiver, Henri Laffite avale les kilomètres avec son vélo, 10 000 depuis 2020. Il ne se passe presque pas une journée sans que ce retraité sorte pédaler. Alors la route, il la connaît bien. Sur son deux-roues électrique, il dit ne jamais s'être senti en danger, même sur les grands axes : "j'utilise mes deux rétroviseurs et je m'adapte aux autres véhicules."

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Selon Henri, la solution ne réside pas tant dans des travaux d'aménagements de pistes cyclables, mais plutôt sur la sensibilisation aux fondamentaux du partage de la route. Tout véhicule se doit de respecter le Code de la route, les piétons et les cyclistes. Inversement, cela vaut de même pour les usagers du vélo, car "c'est avant tout une question de respect mutuel et de vivre ensemble". Il admet que certaines zones devraient être mieux aménagées tant pour les piétons que pour les cyclistes, mais il estime que le plus pertinent serait de sensibiliser tous les usagers au respect du Code de la route.

Un appel d’offres publié

Le sujet est complexe et il reste encore beaucoup à faire. Selon Michel Le Carduner, Laureen Tréguier de la DTAM avait suivi en 2023 une formation dans l'hexagone sur les pistes cyclables. À son retour, elle aurait annoncé que 200 000 € avaient été débloqués pour mener une étude dans l'archipel. Aujourd'hui, on peut trouver sur un site spécialisé dans les marchés publics un appel d’offres publié fin octobre et terminé le 19 novembre. Son objet : "élaborer un schéma directeur cyclable territorial permettant d'établir un diagnostic [...] ainsi qu'un plan d’action composé de propositions concrètes."

Contactée, la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon n'a pas souhaité nous répondre, invoquant la période de réserve électorale qui court jusqu'au soir du scrutin des élections sénatoriales partielles du 8 décembre.