“Les communes calédoniennes vont dans l’ensemble mieux que leurs homologues d’Outre-mer, voire de l’Hexagone, mais leur situation se dégrade peu à peu.” Le constat, plusieurs fois posé par l’Agence française de développement, reste vrai en 2022. Mais l’inquiétude grandit. Les communes ont perdu leur place de leader de la commande publique. Leurs investissements ont représenté moins d’un tiers de l’investissement total des collectivités locales de Nouvelle-Calédonie. Contre 43% en 2018-2019.
L'inflation entraîne une baisse du pouvoir d'action
Leurs recettes de fonctionnement ont pourtant augmenté de 3,7%. Mais cette hausse a principalement bénéficié à la capitale. Hors Nouméa, elle est de 1,3%. Surtout, en prenant en compte l’inflation, l’AFD constate une baisse du pouvoir d’achat ou du pouvoir d'action des communes depuis 2014, “les obligeant à faire des choix de plus en plus difficiles en matière de services publics et d’investissements locaux, avec des conséquences potentielles sur la qualité́ de vie de leurs habitants.”
Les plus fragilisées semblent être les villes de plus de 10 000 habitants, hors Nouméa. Leur niveau d’épargne brute est passé en dessous des 15% recommandés. “Pour nous, investisseurs, c’est un peu préoccupant une épargne faible. L’épargne, c’est le premier levier pour investir, auto-financer l’investissement, lever de la dette, de l’emprunt”, explique Arnaud Lataste, chargé de mission à l’AFD. “Un point d’attention est notamment porté sur les communes du Grand Nouméa, qui sont en plus des communes en croissance démographique et qui ont donc le besoin d’investir le plus fort de toutes les communes de Calédonie.”
Des effets se font déjà sentir. Sur l’investissement et sur l’endettement notamment. En 2022, l’investissement a été un peu plus important qu’en 2021 mais il est resté en-deçà des attentes suscitées par la sortie de la crise sanitaire. Dans les communes de 5 000 à 10 000 habitants, l’effort d’équipement est inférieur à 2019 mais il progresse un peu. Dans les plus grandes communes, en revanche, il a continué à diminuer, affichant même son plus bas niveau depuis 2019.
Côté endettement, le taux global est stable (67%) et raisonnable par rapport aux statistiques nationales et aux ratios observés dans les départements d’Outre-mer. Un chiffre qui cache lui aussi d’importantes disparités. L’endettement des communes de moins de 10 000 habitants, compris entre 45% et 59% des recettes, est considéré comme “soutenable”.
Celui des collectivités de plus de 10 000 habitants, hors Nouméa, approche du seuil d’alerte (90% des recettes), “à partir duquel la dette devient difficilement soutenable et pèse lourdement sur l’équilibre du budget. Ces hauts niveaux sont en partie la conséquence d’une stratégie d’endettement qui, dans une période où les taux d’intérêt étaient bas, privilégiait l’emprunt pour mener à bien les projets communaux”, précise l’AFD.
Il est impératif que les communes soient dotées de plus de compétences et de moyens pour agir efficacement. C’est ce à quoi le gouvernement du pays doit s’attacher dans les éventuelles réformes à venir.
Le sénateur Robert Xowié
Autre ratio inquiétant : depuis 2020, leur capacité de désendettement dépasse les 7 années recommandées par l’AFD. Elle est de 4,2 ans pour l’ensemble des communes, contre 3,8 ans en 2021.
Une réforme institutionnelle pourrait-elle changer la donne ? La question de la création d’une fiscalité propre reste en tout cas d’actualité. Les sénateurs plaident pour dans la préface du rapport de l’AFD. Robert Xowié par exemple estime que “les communes doivent continuer à jouer le rôle de principal investisseur public de proximité́ car elles contribuent à développer une forme de vie locale, facteur de cohésion sociale, économique et culturelle".
Le reportage d'Angela Palmiéri et Cédric Michaut :