Loi fiscale : "il n'y a pas de risque juridique" assure Tevaiti Pomare

Tevaiti Pomare : invité du journal du 11 avril 2024
Après le vote de la deuxième version de la loi fiscale le 11 avril, le ministre de l'économie, Tevaiti Pomare a justifié l'amendement déposé qui instaure une application rétroactive des dispositions de la loi. Pour le ministre de l'économie, "il n'y a pas de risque juridique".

Suliane Favennec : vous avez déposé un amendement pour la rétroactivité de la loi fiscale. L'opposition dénonce la fragilité juridique de cet amendement et annonce vouloir faire un recours au Conseil d'État. Cela représente un risque et donne une atmosphère d'incertitude sur l'économie polynésienne ?


Tevaiti Pomare : Nous avons écouté les conseillers juridiques du gouvernement qui nous disent que la rétroactivité est valide et c'est pour cela que nous avons voté la loi telle quelle, de manière rétroactive. Donc, pour le gouvernement, il n'y a pas de risque juridique. Et puis le Conseil d'État ne s'exprime que s'il y a un recours. Aujourd'hui, il n'y a aucun intérêt collectif à faire un recours sur la rétroactivité de cette loi, puisqu'elle vient à rétablir une visibilité et de la stabilité que réclame la population, les entreprises, les ménages et les communes.

En cas de recours, si le Conseil d'État décide d'annuler à nouveau cette loi, les impacts financiers peuvent être encore plus importants. L'opposition déclare que ce sera la fin de l'économie...

Ce n'est pas du tout la fin de l'économie. Cette loi a été repoussée justement pour avoir de la visibilité, pour que les acteurs puissent investir à nouveau dans notre économie et j'ai pu rassurer les acteurs, notamment les concessionnaires, à ce sujet. Et si la loi tombait, elle serait effective dès le lendemain, à compter de sa promulgation.

Que dites-vous aux autres acteurs économiques qui s'inquiètent ? Comment vous allez faire pour retrouver leur confiance ?

Je dis à l'ensemble des acteurs qu'aujourd'hui la loi a été votée de manière rétroactive et que les effets de l'annulation de la loi prévue le 25 mars n'impactent pas du tout ces acteurs. C'est cette insécurité, cet écosystème anxiogène qui les inquiète. Aujourd'hui, tout est rentré dans l'ordre.

Vous avez eu des discussions avec le Medef (réseau d'entrepreneurs en Polynésie française). Le Medef, néanmoins, dit avoir fait des recommandations que vous n'avez pas prises en compte. Pourquoi ?

Nous vous sommes vus, j'ai reçu le président du Medef la semaine dernière. Nous avons eu de très beaux échanges. Je suis certain que nous pourrions collaborer ensemble. Je revois le bureau du Medef vendredi matin à 8 heures parce que nous allons travailler sur la stratégie de développement économique du pays.

Alors le manque de concertation a souvent été reproché au pays. Moetai Brotherson a annoncé que le lundi, la demi-journée serait consacrée à une consultation des membres de l'Assemblée, des acteurs économiques, des partenaires sociaux et même de la population. Qui allez-vous rencontrer en premier. Quelle est votre feuille de route à ce niveau-là ?

Cette annulation du Conseil des ministres nous permet effectivement de disposer d'une nouvelle journée pour rencontrer les acteurs économiques et la population et de faire le point avec les ministres. Donc moi, j'irai voir soit la population, soit les acteurs économiques

Qui allez-vous rencontrer en premier lundi prochain ?

Je pourrais voir par exemple les importateurs.

Le gouvernement a décidé de libérer l'importation des produits laitiers et encore une fois, il n'y a pas eu de consultation d'après les acteurs locaux. Pour quelle raison ?

Nous avons rencontré en juin 2023 l'ensemble des importateurs et c'est suite à cette discussion que nous avons eu l'idée d'importer des produits laitiers dans la région Pacifique. Donc, nous souhaitons donner une alternative aux Polynésiens, pour avoir des produits laitiers à moindre coût. Il faut savoir que ce ne sont pas des yaourts, donc ce n'est pas la même catégorie. 

J'entends dire que les producteurs de yaourts sont inquiets. On va se rapprocher d'eux dès lundi par l'action et puis on verra s'il y aura un impact sur leur chiffre d'affaires. Mais a priori non, parce qu'il y a déjà des yaourts qui sont importés de métropole.

Le président de l'Assemblée a rappelé que le leitmotiv de la campagne électorale des territoriales était la lutte contre la vie chère. Ce matin, il y a eu une motion de confiance, une entente cordiale. Mais néanmoins la majorité attend toujours des textes. Le président de l'Assemblée demande une réponse claire sur l'harmonisation de la PSG. Moetai Brotherson a assuré que le message était entendu, qu'il y avait un train de mesures en préparation. Alors, quelles sont les premières mesures et quand vont-elles arriver ?

Nous sommes intervenus dès notre arrivée sur la cherté de la vie puisque, à notre arrivée, l'inflation était à 9 %. Aujourd'hui, elle est quasiment nulle. Et donc si nous n'étions pas arrivés, les prix seraient aujourd'hui 10 % plus chers.

Nous avons aussi supprimé la taxe CPS. Par la même, nous avons rendu à la population 9 milliards xpf. Ce sont 9 milliards qui restent dans la poche de la population. C'est soit du pouvoir d'achat, soit de la capacité de financement. Par ailleurs, nous avons doté le Fonds de protection sociale universelle de 3 milliards xpf pour ne pas augmenter les taux de cotisation et donc rendre du pouvoir d'achat à la population.

Nous avons aussi baissé les prix à la pompe tous les jours. En fait, le gouvernement fait en sorte que le prix à la pompe reste moins cher et il était convenu avec le gouvernement précédent que le prix de l'électricité augmente de 7 % tous les six mois. Donc aujourd'hui, si nous n'étions pas intervenus, le prix de l'électricité serait 20 % plus cher. Mais nous allons continuer à travailler sur la cherté de la vie. Nous avons une feuille de route en ce sens.

Alors comment combler les 9 milliards à la CPS suite à la suppression de la TVA sociale ? Cette question est sur toutes les lèvres. Qu'est ce que vous répondez aujourd'hui aux gens ?

J'ai répondu dès juillet dernier que nous n'allions pas aller chercher 9 milliards de fiscalité complémentaire. On a retiré ces 9 milliards. Nous sommes venus ajuster la fiscalité et pour avoir un rendement d'à peu près 1,5 milliard. Mais nous avons dit dès notre arrivée que c'était la croissance économique qui allait porter le financement de nos besoins sociaux.

La transition écologique fait partie de vos ambitions. Pourtant, vous taxez les voitures hybrides, est ce que ce n'est pas contradictoire ?


Il s'avère que les résultats en termes de transition énergétique et écologique ne sont pas satisfaisants. Les véhicules verts ne sont pas moins polluants. Parce que d'une part, les recharges se font à partir de sources d'énergie thermique et puis par ailleurs, nous n'avons toujours pas de cycle de recyclage pour ces voitures et pour les batteries.


Dernière question : une redistribution des portefeuilles est envisagée par le président. Est ce que vous souhaitez rester au sein du gouvernement ou partir ?

C'est une prérogative du gouvernement. Donc je vais laisser le privilège au président de répondre à cette question. Le 15 mai, pour ma part, je reste serein et confiant.