168 ans que les esclaves martiniquais se défaisaient de leurs chaînes

Les esclaves gagnent leur liberté le 22 mai 1848 en Martinique.
Le 22 mai 1848 à Saint-Pierre, l'impatience des esclaves de jouir d'une liberté qui leur avait été annoncée, aboutit à la révolte qui contraint le gouverneur de la colonie à proclamer l'abolition immédiate le 23 mai, sans attendre l'arrivée des décrets du 27 avril.
"Le 22 mai 1848, près de 60 000 esclaves de la Martinique", rapportent les documents de l'époque, se sont défaits de leurs chaînes, et de la servitude. En mai 1848, la révolte gagne du terrain sur toutes les habitations de l'île. Le matin du 22 mai, suite à l’intervention de Pory Papy, adjoint au maire de Saint-Pierre, l’insurrection reprend de plus belle après une fusillade au Prêcheur. Émission spéciale sur radio Martinique 1ère https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/radio/direct

Un groupe d’esclaves de retour de Saint-Pierre s’est retrouvé face à face avec des gendarmes qui tirent. Le bilan est lourd : Plusieurs dizaines de morts et de blessés. L’insurrection est très importante notamment sur toute la côte caraïbe, du Prêcheur au Carbet. Le soir du 22 mai, les esclaves armés, contrôlent la ville de saint-Pierre.

Les esclaves ont accéléré le mouvement

En souvenir, le 22 mai est devenu à la Martinique le jour de la commémoration de l'abolition de l'esclavage. Cette date commémorative est fériée suite à la promulgation de la "loi commémorant l'abolition de l'esclavage dans les DOM ", du 30 juin 1983.

Le décret qui prévoit l'abolition dans un délai de deux mois, arrive dans les colonies quatre à cinq semaines plus tard. Mais sur place, "le gouverneur de la colonie et les planteurs ont pris les devants", selon d'autres récits de l'époque. La plupart des Blancs ont compris depuis longtemps que l'abolition était devenue inéluctable et s'y étaient préparés en multipliant les affranchissements...À leur manière, les esclaves ont aussi accéléré le mouvement. 

En compensation de la perte de leurs esclaves, les planteurs reçoivent du gouvernement français une indemnité forfaitaire. Ils contournent aussi l'interdiction de l'esclavage en faisant venir des "travailleurs sous contrat" de la Chine du sud ou d'Inde du Sud. Il s'agit d'un nouvel esclavage qui ne dit pas son nom.

L’événement déclencheur de l’insurrection du 22 mai
"Le 20 mai au soir à l’habitation Duchamp, le maître a interdit le tambour pendant la soirée de la grage du manioc ; pourtant c’est la coutume et Romain, le tanbouyé, refuse d’obéir ; il en résulte un "charivari". Duchamp appelle les gendarmes qui arrêtent Romain et le conduisent à la geôle à Saint-Pierre.
Une foule de plus en plus nombreuse d’esclaves et de "libres" venant du Prêcheur mais aussi du Morne-Rouge, du Carbet, des quartiers de Saint-Pierre se dirigent vers la ville et réclament à grands cris la libération de Romain. Pory-Papy, un mulâtre adjoint au maire de Saint-Pierre prend sur lui de faire libérer Romain. Les esclaves regagnent joyeusement les habitations : ils ont gagné !

Tout aurait pu en rester là si Huc n’avait pas fait tirer sur eux – trois morts et dix blessés. On fait demi-tour, on se dirige vers Saint-Pierre emportant morts et blessés. On tue au passage le beau-fils de Huc qui fait de la provocation. Il s’en suit une véritable bataille qui fera vingt morts dans les rangs des révoltés. Mais ils l’emporteront. Huc et quelques familles békés sont contraints de fuir par la mer et quitteront définitivement la Martinique pour Cuba, Puerto-Rico ou mieux le sud des Etats-Unis où l’esclavage a encore de belles années devant lui…

Le 22 mai, le peuple envahit les rues de Saint-Pierre. Des familles békés se réfugient dans la maison des Sanois. Les insurgés entourent la maison. Un coup de feu est tiré de l’intérieur et tue un manifestant ; la maison est alors incendiée ; on dénombrera trente-trois morts.
Nous sommes le soir du 22 mai, une grande partie de Saint-Pierre est en flammes. Le peuple en armes s’est soulevé et réclame l’abolition immédiate de l’esclavage.

Le conseil municipal de Saint-Pierre appelle en urgence le gouverneur Rostoland et lui demande de décréter l’abolition même si pour ce faire il outrepasse ses pouvoirs. L’émancipation n’a pas été octroyée, nous savons que nos ancêtres l’ont conquise. Le soir du 22 mai, Saint-Pierre est en flammes. Le 23 au matin le gouverneur Rostoland , pressé par le conseil municipal de la ville, signe le décret d’abolition"...


Marie-Christine Permal :
Intervention du 22 mai 2009 à l’Anse Cafard (Diamant)