18e jour de confinement, en Martinique, le personnel des urgences du CHU tient bon dans la tempête

Intérieur de l'hôpital (illustration).
Le service des urgences est la principale porte d'entrée du CHU de Fort-de-France. Aujourd’hui, plus que jamais, il tourne à plein régime pour accueillir les patients qui craignent d’être infectés par le coronavirus. Une deuxième unité assure la prise en charge habituelle.
D’ordinaire, aux urgences de l’hôpital Pierre-Zobda Quitman, les patients viennent pour tout et n'importe quoi. Il y a des cas sérieux de fractures ou d’infarctus, mais aussi beaucoup de cas bénins, entre celle qui a du mal à dormir et celui qui se plaint d’une piqûre d’abeille. 

D’ordinaire, il faut attendre, dans le couloir ou sur un brancard, entre 1h et 4h avant d’être pris en charge. L’engorgement du service rend difficile le travail des équipes constituées d’une vingtaine d’aides-soignants, infirmières et médecins, qui se relaient trois fois par jour.
 

Les patients viennent désormais pour de vraies urgences.


Depuis le confinement, les choses ont radicalement changé. Un agent raconte : "On a peu de bobologie aujourd’hui, ça fait environ 20% de gens en moins. Les patients viennent désormais pour de vraies urgences. Et comme en plus, la circulation routière a baissé, il y a moins d’accidents et donc moins de blessés à prendre à charge, sans parler des personnes alcoolisées et agressives que les pompiers nous ramenaient constamment".

Avec la crise sanitaire, les urgences ont été en fait dédoublées. Les anciens locaux, fermés il y a 4 ans, ont été rouverts, nettoyés et rééquipés avec une arrivée d’oxygène, pour accueillir les patients ordinaires. L’actuel service, installé dans le nouveau plateau technique, est, quant à lui, entièrement dédié au Covid-19.

Les patients qui arrivent dans l’actuel service des urgences viennent généralement, d’eux-mêmes, parce qu'ils ont de la fièvre ou du mal à respirer. En attendant d’être reçus par un médecin infectiologue, ils subissent les tests de base : prise de température ou examen de la saturation à l’aide d’un tensiomètre et d’une petite pince que l’on accroche au bout du doigt. Un agent explique comment ça marche :

Le tensiomètre est gradué jusqu’à 100. Si le patient est en dessous de 95, ça veut dire qu’il y a un manque d’oxygène dans le sang, donc un problème respiratoire. Si, en plus de cela, il présente une toux sèche, c’est un élément que l’infectiologue prendra également en compte dans son diagnostic.


Des services ont été réaménagés pour dégager des lits pour les malades du Covid-19


La prise en charge des malades du coronavirus a chamboulé l’organisation des urgences et plus généralement du CHU de Fort-de-France. Le bloc opératoire n’assure plus que les interventions indispensables. Des services ont été réaménagés pour dégager des lits pour les malades du Covid-19. Les personnels soignants ont été également redéployés.

Mais pour tous, les premières semaines ont été particulièrement difficiles. D’abord parce qu’ils découvraient la maladie et les symptômes à prendre en compte pour être certain que le patient était concerné par le coronavirus. Au début, la procédure ne mentionnait que les syndromes grippaux, comme la fièvre, la toux et les éternuements. Puis se sont ajoutés les vomissements, la diarrhée, la perte de goût et de l’odorat.
 

Tu me donnes une paire de gants, je te donne du gel hydroalcoolique.


Les premières semaines ont été difficiles également parce que les soignants eux-mêmes se sentaient en danger, face à la pénurie nationale de masques notamment. Au CHU, des infirmières des urgences en venaient même à faire du troc avec celles des autres services, dans le genre : Tu me donnes une paire de gants, je te donne du gel hydroalcoolique".

Fort heureusement, dans cette période trouble, la solidarité extérieure a joué à fond, comme le reconnaît un agent des urgences : "On réussissait à tenir grâce aux dons. Des coiffeurs nous ont offert des tabliers, des esthéticiennes nous ont apporté des masques et des charlottes. La clinique Saint-Paul nous a aidés aussi.


Personne, aux urgences, n’a oublié l’épisode du 15 mars dernier !


Si le climat est "moins conflictuel" et "plus apaisé" aujourd’hui, personne, aux urgences, n’a oublié l’épisode du 15 mars dernier. Ce dimanche-là, une patiente de 86 ans, admise dans ce service pour une suspicion de grippe, décède en réanimation du coronavirus.

Triste issue, à laquelle s’ajoute également la contamination d’un infirmier qui avait été en contact avec la patiente. Depuis, cet homme, âgé d’une quarantaine d’années, a été placé en confinement. Mais la nouvelle de son infection a créé un choc dans le service.

Nous avons des collègues qui sont fragiles et qui vivent très mal tout ce qu’il passe en ce moment. Ils n’arrivent plus à se projeter dans l’avenir. Ils ont peur d’être contaminés et de contaminer leurs familles. Le CHU a mis en place une cellule d’écoute avec des psychologues et psychiatres, raconte un agent.


Au dix-huitième jour de confinement, le personnel des urgences de l’hôpital Pierre-Zobda Quitman tient bon, malgré les difficultés. Médecins, aides-soignants, infirmières, ils sont un maillon essentiel dans la prise en charge des patients et des malades. Eux aussi rappellent à chacune et chacun que la meilleure façon de les aider à sauver des vies, c’est de s’appliquer la formule : "Rété a kay zot".