Le dernier ouvrage de Raphaël Confiant, Professeur des Universités, est une traduction en créole de l’Etranger d’Albert Camus. Nous nous sommes interrogés sur les motivations du créoliste martiniquais. Rencontre.
•
Pourquoi avoir voulu traduire L’Etranger de Camus en créole ? Ce texte revêt-il une connotation particulière pour vous ?
Raphaël Confiant : Tout d’abord, c’est un roman qui m’avait beaucoup marqué lorsque j’étais lycéen. Ensuite, j’ai vécu un an en Algérie après mes études de Sciences Po en France. C’est dans ce pays que se déroule l’histoire que raconte Camus. Enfin, c’est le roman français le plus traduit à travers le monde. "L'ETRANGER" est, en effet, traduit en 49 langues.
Avez-vous en projet d’autres traductions de grands textes de la littérature française ?
Oui, je travaille à la traduction du roman de Flaubert qui a pour titre "UN COEUR SIMPLE". Toute langue qui veut accéder à la souveraineté scripturale se doit de passer par la traduction. Ce fut le cas de la plupart des langues européennes, y compris les plus prestigieuses d’aujourd’hui tel l’allemand. Il a fallu attendre que Luther traduise la Bible en allemand pour que ce dernier devienne une langue littéraire. Le créole a déjà produit des textes poétiques, romanesques, scientifiques mêmes et l’ultime étape est celle de la traduction. Le grand intérêt de la traduction est qu’elle oblige le créole à sortir de l’univers créole, celui donc qu’il est habitué à exprimer, pour se coltiner à des réalités totalement étrangères. Le créole doit donc se dépasser lorsqu’il veut rendre Camus ou Flaubert, ce qu’il n’est pas obligé de faire dans un roman créole qui décrit la réalité créole.
En ce qui concerne la littérature régionale, certains écrits ont déjà été traduits. Quelques-uns de vos romans, ont par exemple été traduits par Gerry L’Etang du créole au français. Les deux langues occupent une place bien particulière dans votre création. Comment concevez-vous leur articulation ?
En effet, mon roman "KOD YANM" a été traduit par Gerry L’Etang sous le titre de "COMMANDEUR DES DES" aux éditions Stock à Paris dans une collection prestigieuse, "La Cosmopolite", rassemblant des auteurs traduits d’une trentaine de langues dont une douzaine de Prix Nobel. Le fait pour le créole de se trouver là est quelque chose de tout à fait unique. Sinon, à mon niveau, j’ai une langue "matricielle", celle de mes tripes, à savoir le créole et deux langues "maternelles", le créole et le français. C’est ce qui explique que mes 5 premiers livres ont été écrits en créole.
Je fais partie des très rares écrivains antillais comme Monchoachi ou Hector Poullet à avoir d’abord commencé par l’écriture en créole. Mon sixième livre, "LE NEGRE ET L’AMIRAL" a été écrit en français et j’ai continué par la suite dans cette langue, mais j’ai continué à travailler sur le créole au plan universitaire en publiant par exemple le tout premier "DICTIONNAIRE DU CREOLE MARTINIQUAIS" chez Ibis Rouge : 2 tomes, 1.400 pages, 16.000 entrées.
Vos débuts en littérature ont été marqués par la publication de 5 ouvrages en créole -je faisais allusion à la traduction de certains d’entre eux, dans ma question précédente-, ensuite, vous avez publié en français. Y a-t-il, selon vous, plus de lecteurs en créole aujourd’hui, qu’à vos débuts en littérature ?
J’étais complètement fou d’avoir publié ces livres en créole il y a maintenant 30 ans c’est-à-dire à une époque où presque personne ne savait lire le créole. Auourd’hui, un lectorat créole s’est constitué grâce au fait qu’il existe une licence et un master de créole sur le campus de Schoelcher en Martinique et aussi au fait que le créole soit désormais enseigné, certes à doses homéopathiques, dans le primaire et le secondaire. Il y a, par exemple, de plus en plus de lycéens qui prennent l’option "Créole" au baccalauréat.
Du coup, je réédite mes livres en créole chez Caraibéditions. Mon pari fou s’est finalement révélé gagnant, mais il faudrait évidemment faire plus pour consolider ce lectorat. En instaurant par exemple 2H de créole obligatoires par semaine à compter du Cours Préparatoire. Nos décideurs en auront-ils le courage ? Je n’en sais rien...
Vous dirigez une collection chez Caraibéditions. Vous êtes ainsi le lien nécessaire entre les auteurs et les lecteurs. Quels types de textes souhaitez-vous publier ?
Cette collection a pour titre "Université" et est destinée à recevoir des manuscrits correspondants aux critères universitaires habituels, cela dans des disciplines aussi diverses que l’anthropologie, la créolistique, la littérature, les études anglophones, les études hispanophones, l’histoire etc...Nous disposons d’un comité de lecture qui examine les manuscrits afin de juger de leur publiabilité. Nous pouvons publier aussi des thèses de doctorat remaniées.
Raphaël Confiant : Tout d’abord, c’est un roman qui m’avait beaucoup marqué lorsque j’étais lycéen. Ensuite, j’ai vécu un an en Algérie après mes études de Sciences Po en France. C’est dans ce pays que se déroule l’histoire que raconte Camus. Enfin, c’est le roman français le plus traduit à travers le monde. "L'ETRANGER" est, en effet, traduit en 49 langues.
Avez-vous en projet d’autres traductions de grands textes de la littérature française ?
Oui, je travaille à la traduction du roman de Flaubert qui a pour titre "UN COEUR SIMPLE". Toute langue qui veut accéder à la souveraineté scripturale se doit de passer par la traduction. Ce fut le cas de la plupart des langues européennes, y compris les plus prestigieuses d’aujourd’hui tel l’allemand. Il a fallu attendre que Luther traduise la Bible en allemand pour que ce dernier devienne une langue littéraire. Le créole a déjà produit des textes poétiques, romanesques, scientifiques mêmes et l’ultime étape est celle de la traduction. Le grand intérêt de la traduction est qu’elle oblige le créole à sortir de l’univers créole, celui donc qu’il est habitué à exprimer, pour se coltiner à des réalités totalement étrangères. Le créole doit donc se dépasser lorsqu’il veut rendre Camus ou Flaubert, ce qu’il n’est pas obligé de faire dans un roman créole qui décrit la réalité créole.
En ce qui concerne la littérature régionale, certains écrits ont déjà été traduits. Quelques-uns de vos romans, ont par exemple été traduits par Gerry L’Etang du créole au français. Les deux langues occupent une place bien particulière dans votre création. Comment concevez-vous leur articulation ?
En effet, mon roman "KOD YANM" a été traduit par Gerry L’Etang sous le titre de "COMMANDEUR DES DES" aux éditions Stock à Paris dans une collection prestigieuse, "La Cosmopolite", rassemblant des auteurs traduits d’une trentaine de langues dont une douzaine de Prix Nobel. Le fait pour le créole de se trouver là est quelque chose de tout à fait unique. Sinon, à mon niveau, j’ai une langue "matricielle", celle de mes tripes, à savoir le créole et deux langues "maternelles", le créole et le français. C’est ce qui explique que mes 5 premiers livres ont été écrits en créole.
Je fais partie des très rares écrivains antillais comme Monchoachi ou Hector Poullet à avoir d’abord commencé par l’écriture en créole. Mon sixième livre, "LE NEGRE ET L’AMIRAL" a été écrit en français et j’ai continué par la suite dans cette langue, mais j’ai continué à travailler sur le créole au plan universitaire en publiant par exemple le tout premier "DICTIONNAIRE DU CREOLE MARTINIQUAIS" chez Ibis Rouge : 2 tomes, 1.400 pages, 16.000 entrées.
Vos débuts en littérature ont été marqués par la publication de 5 ouvrages en créole -je faisais allusion à la traduction de certains d’entre eux, dans ma question précédente-, ensuite, vous avez publié en français. Y a-t-il, selon vous, plus de lecteurs en créole aujourd’hui, qu’à vos débuts en littérature ?
J’étais complètement fou d’avoir publié ces livres en créole il y a maintenant 30 ans c’est-à-dire à une époque où presque personne ne savait lire le créole. Auourd’hui, un lectorat créole s’est constitué grâce au fait qu’il existe une licence et un master de créole sur le campus de Schoelcher en Martinique et aussi au fait que le créole soit désormais enseigné, certes à doses homéopathiques, dans le primaire et le secondaire. Il y a, par exemple, de plus en plus de lycéens qui prennent l’option "Créole" au baccalauréat.
Du coup, je réédite mes livres en créole chez Caraibéditions. Mon pari fou s’est finalement révélé gagnant, mais il faudrait évidemment faire plus pour consolider ce lectorat. En instaurant par exemple 2H de créole obligatoires par semaine à compter du Cours Préparatoire. Nos décideurs en auront-ils le courage ? Je n’en sais rien...
Vous dirigez une collection chez Caraibéditions. Vous êtes ainsi le lien nécessaire entre les auteurs et les lecteurs. Quels types de textes souhaitez-vous publier ?
Cette collection a pour titre "Université" et est destinée à recevoir des manuscrits correspondants aux critères universitaires habituels, cela dans des disciplines aussi diverses que l’anthropologie, la créolistique, la littérature, les études anglophones, les études hispanophones, l’histoire etc...Nous disposons d’un comité de lecture qui examine les manuscrits afin de juger de leur publiabilité. Nous pouvons publier aussi des thèses de doctorat remaniées.