"Alé’w sé ta’w…" ou le retour des dinosaures

Le retour aux avant-postes d’Alfred Marie-Jeanne et de Clause Lise confirment le principe de l’immortalité des leaders politiques.
Les responsables politiques ne meurent jamais, c’est bien connu, hors les limites biologiques de l’être humain. Année après année, les élus d’un jour, défaits ou humiliés, résistent au mauvais sort en attendant l’heure de la revanche ou le moment propice pour rebondir. Une éclatante démonstration nous en a été fournie à l’occasion des élections territoriales. Alfred Marie-Jeanne à la tête du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale et Clause Lise à la présidence de l’Assemblée de Martinique signent un retour fracassant sur le devant de la scène politique, qu’ils n’avaient d’ailleurs pas quitté.
 
Battu aux élections régionales de mars 2010 par Serge Letchimy, chef de file de la première mouture de la coalition "Ensemble pour une Martinique Nouvelle", le président-fondateur du Mouvement Indépendantiste Martiniquais était supposé disparaître progressivement du champ politique. Or, il inflige un cinglant démenti aux imprudentes cassandres en étant brillamment élu, deux ans plus tard, député de la toute nouvelle circonscription dite du Centre-Atlantique, en juin 2012. Et d’aucuns de se poser la question de son étonnant rebondissement face à la présumée invincible armada EPMN menée par le député sortant du Nord-Atlantique Louis-Joseph Manscour.
 

Résilience et patience

Au lieu de s’alarmer de la faculté de résilience du chef du MIM, ses adversaires et nombre de ses amis et camarades sont persuadés qu’il effectue son dernier tour de piste avant de saluer l’assistance médusée devant une telle longévité. Alfred Marie-Jeanne a été élu en 1971 maire de Rivière-Pilote, à l’âge de 35 ans. Que nenni ! Le voilà à l’assaut de la forteresse de Plateau Roy, conquise de haute lutte 25 ans plus tôt : 7 sièges sur 41 pour le MIM en 1990 (16,5 % des voix), puis 9 en 1992 (16 %), 13 en 1998 (24,6 %), ce qui lui vaut de devenir président, 28 en 2004 (37,3 % au 1er tour et 53,8 % au 2nd tour). La défaite en 2010 (32,2 % au 1er tour et 41 % au 2nd tour) se solde par l’attribution de 12 sièges. Alfred Marie-Jeanne se retrouve alors sans aucun mandat électif local, ayant abandonné celui de maire et de conseiller général au fil des succès engrangés. Comme quoi, un revers électoral ne signe pas forcément une mise à la retraite.
 
Ce principe a patiemment été appliqué par Claude Lise après son annus horribilis de 2011, battu à la présidence du Conseil général par Josette Manin en mars, puis défait aux sénatoriales en septembre. De quoi décourager l’un des plus titrés de nos chefs politiques. C’est mal connaître cet aïkidoka qui, fidèle au principe de cet art martial, utilise la force de son adversaire pour la retourner contre lui. Bénéficiant d’un stage de longue durée dans l’opposition départementale, il met à profit ces cinq années pour prendre du recul et de la hauteur, préparant une hypothétique résurrection.
 
Durant sa semi-retraite, il a dû souvent se remémorer ses premiers combats menés au Marigot contre le chef tout-puissant de la droite d’alors, Michel Renard, qu’il tente de battre aux cantonales de 1973 puis aux municipales de 1977. Claude Lise a dû se souvenir de ces longues heures de discussions au sein du PPM (Parti Progressiste Martiniquais) pour faire entendre sa voix dissonante. Et aussi les gémonies auxquels il a été voué quand il a fondé son RDM (Rassemblement Démocratique Martiniquais). Et le coup de balai rageur au sortir de la préfecture, ayant perdu son mandat de parlementaire.
 
Pour paraphraser La Fontaine (Jean, bien sûr), les rats Marie-Jeanne et Lise ont probablement appris par cœur la chute d’une fameuse fable : "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage". Des vers à faire réciter au Lion Letchimy ?