ANALYSE. Pourquoi pas un congrès du peuple martiniquais pour sortir de la crise ?

"Marche populaire pacifique" contre la vie chère organisée dimanche 3 novembre 2024.
La fin de la crise sociétale que nous vivons douloureusement est-elle proche ? C’est l’ambition affichée par le président du conseil exécutif. Il a invité pour ce lundi 4 novembre des élus et des socioprofessionnels à une conférence spéciale pour trouver des pistes afin de sortir du marasme.

Trouver une solution politique pour sortir de la crise dans laquelle la Martinique est engluée depuis deux mois, tel est l’objectif de la réunion convoquée par le président du conseil exécutif.

Il s’agit d’agir "face à la crise sociale que traverse la Martinique depuis maintenant deux mois, dont les enjeux relèvent tant de la vie chère que du mal développement qui obère les perspectives de progrès", selon son communiqué.

Serge Letchimy doit recevoir des élus de la collectivité territoriale, les parlementaires, les présidents des trois communautés d’agglomération, les 34 maires, le président du Comité économique, social, culturel et environnemental, ainsi que les présidents des chambres consulaires.

Le format de cette réunion est presque identique à celui de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP), prévue par les textes régissant nos institutions, mais peu usitée. Cette rencontre constitue pour Serge Letchimy une tentative de reprendre la main. Le premier personnage politique du pays a le devoir de se hisser au-dessus de la mêlée pour rassembler les forces vives. Mais rien n’indique qu’il saura indiquer le bon cap.

Comment sortir par le haut de la crise ?

Cette première initiative pourrait déboucher sur un autre rassemblement plus large et plus représentatif : un congrès du peuple. Ce serait une sorte de congrès extraordinaire des élus, élargi aux indispensables corps intermédiaires : syndicats de salariés ; organisations socioprofessionnelles de l’agriculture, de la pêche, de l‘artisanat, de la santé, des services à la personne, de l’industrie ; associations de consommateurs ; associations familiales ; organisations caritatives. Le RPPRAC, à l’origine de la mobilisation, y a sa place, bien sûr. Des experts en économie, en sociologie, en droit, en science politique seraient bienvenus. Sans oublier la totalité des formations politiques.

Serge Letchimy avait employé cette expression de "congrès du peuple" en novembre 2023. C’était à la clôture du congrès des élus, terminé en fiasco, faute d'une proposition crédible d’évolution des institutions. Ce rassemblement original pourrait s’étaler sur plusieurs mois pour préparer des décisions consensuelles, réalistes et ambitieuses.

Vers un nouveau projet de société ?

Il pourrait être l’occasion de commencer à dessiner un nouveau projet de société dans lequel notre communauté dans toute sa diversité pourrait se reconnaître. Aucune force ne peut s’opposer au génie martiniquais dès lors que nous dépassons nos divergences et désaccords.

Du reste, le préfet l’a bien compris. Dans une interview au magazine Antilla du 26 octobre 2024, Jean-Christophe Bouvier déclare : "Ce sont les élus martiniquais, en collaboration avec les acteurs locaux, qui détiennent les clés d’une solution de long terme". Il lui semble évident que, "la sortie de crise nécessite une approche inclusive qui reconnaisse les spécificités martiniquaises et encourage une véritable autodétermination dans les décisions locales."

Le représentant de l’État nous enjoint à sortir nous-mêmes de la crise. Lui, il sait que, comme le disait le Docteur Pierre Aliker aux obsèques d’Aimé Césaire en avril 2008 : "les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises, ce sont les Martiniquais eux-mêmes."