ANALYSE. Vie chère : la logique civique se heurte à la logique économique

Le président du RPPRAC, Rodrigue Petitot, fait le point lors d'une suspension de séance.
La revendication du RPPRAC d’annuler l’octroi de mer et la TVA sur la totalité des produits alimentaires importés est-elle cohérente et réaliste ? La réponse n’est pas si simple.

Annuler toutes les taxes sur tous les produits alimentaires et d’hygiène : la position du RPPRAC part d’un bon principe. À savoir que tous les consommateurs doivent avoir accès à toutes les gammes de produits de consommation courante.

En filigrane, se profile l’idée selon laquelle en tant que citoyens français, nous avons le droit de disposer d’une alimentation variée, saine, et bon marché, comme partout en France. Ce qui suppose, si la décision est actée, de donner le temps aux acteurs concernés pour qu’ils se mettent au diapason, du fournisseur au magasin de détail, en passant par les transitaires, les transporteurs et les prestataires sur les ports de départ et d’arrivée des conteneurs.

Il faut donner le temps au temps

Sans oublier les services de l’État et de la CCTM pour la mise à jour des procédures administratives. Pour autant, cette demande est-elle réaliste ? Il se peut que la logique civique se heurte à la logique économique.

Or, l’alignement des prix va impacter durablement les filières de production locale. D’abord, les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs. Comment ces producteurs pourront-ils résister si les consommateurs trouvent en libre-service des produits équivalents meilleur marché ? C’est déjà le cas aujourd’hui.

Nous sommes contraints d’acheter des raisins d’Italie, des oranges de Colombie, des tomates de Saint-Domingue, du poisson surgelé du Vietnam, au lieu des denrées venant de notre terroir et de notre mer, insuffisantes en volume ou trop onéreuses.

La production locale sera fortement impactée

Ensuite, l’industrie sera menacée par la baisse des prix des produits venant d’ailleurs. Ce secteur est littéralement tiré par la filière agro-alimentaire. Comment pourront résister les producteurs de yaourts, de glaces, de jus de fruits, de confitures, de charcuteries, de pâtisseries, de café ou d’eau en bouteilles ? Ils affrontent déjà des produits équivalents souvent plus chers que les leurs, grâce à l’octroi de mer. Sans cette taxe protectionniste, comment survivront-ils ?

Enfin, la troisième source de pertes économiques pour le territoire va concerner les collectivités. L’octroi de mer étant annulé ou abaissé sur tous les produits de consommation courante, les recettes tirées de cette taxe seront moindres. Les communes et la CTM seront obligées de revoir à la baisse leurs dépenses, au détriment de la population.

Parfois, une revendication légitime peut produire l’effet exactement inverse à celui recherché. À moins de remettre à plat notre système frappé d’archaïsme, cette demande n’est pas sur le point d’être satisfaite dans l’immédiat.