Aucune perspective d’amélioration pour éradiquer la pauvreté qui touche le tiers de la population martiniquaise

Un SDF (Sans Domicile Fixe) passe sa nuit sur un trottoir (image d'illustration).
Évoquer la pauvreté, un phénomène social bien ancré de tout temps chez nous, revient aussi à ébaucher des solutions pour la juguler. Mais lesquelles ?

Quelle que soit la proportion réelle de personnes pauvres en Martinique, il est intolérable que le phénomène persiste depuis autant de temps. Le quart ou le tiers de la population, qu’importe ? Les chiffres fluctuent selon la fiabilité du recensement. Arrêtons-nous à la barre symbolique des 100 000 personnes directement concernées. C’est l’équivalent des habitants de Fort-de-France et de Schoelcher.

Les statistiques ne révèlent que la surface de la tristesse de la réalité subie par des personnes que nous connaissons ou que nous croisons sans parfois les voir. Le seuil de pauvreté monétaire de 1 120 euros par mois ne donne qu’une indication, celle de l’incapacité financière d’une personne à assurer ses besoins de base, l’alimentation et le logement.

La pauvreté englobe une réalité plus large que ces seuls éléments. Elle consiste aussi à ne pas pouvoir accéder aisément aux services de soins pour disposer d’une bonne santé, au transport pour être autonome dans ses déplacements, aux activités sportives, culturelles et artistiques pour s’épanouir. La pauvreté consiste à être empêché de vivre sereinement.

Des usagers en attente de bus...

Un phénomène ancien et bien ancré

Vu son acuité et son ancienneté, elle ne peut plus être jugulée par des aides financières et matérielles ponctuelles, ni par l’insertion dans des dispositifs administratifs. Preuve en est, la sous-préfète déléguée à la cohésion sociale a publiquement reconnu, la semaine dernière, que le phénomène ne pourra reculer que par la création d’emplois et la construction de logements.

Emplois et logements vont-ils devenir enfin les deux piliers des politiques publiques à déployer d’urgence ? Il est permis d’en douter. La création d’emplois dépend de la dynamique du tissu productif, particulièrement morose ces temps-ci. Avec des importations qui nous étouffent, le manque de soutien à notre agriculture nourricière et les faibles marges de manœuvre de notre industrie, il est compliqué de créer des entreprises innovantes et des emplois bien rémunérés.

Quant au logement, cela fait des décennies que le secteur est en crise. Malgré les incitations fiscales et les besoins exprimés, trop de personnes restent sans logis décent. Les faibles ressources ne permettent pas forcément de bénéficier d’un logement décent même à faible loyer.

Chantier de logements collectifs en cours (image d'illustration).

En toute honnêteté, nous devons admettre que nous n’avons pas les moyens de lutter contre la pauvreté. Le système s’effondrerait, sinon. Notre dépendance justifie le maintien dans la précarité d’un volume important d’agents économiques. Ils consomment des produits importés de bas de gamme. Ils sont souvent au chômage ou à la retraite et ne sont pas organisés au sein d’associations ou de syndicats pour les défendre.

La logique de l’appauvrissement planifié a prévalu jusqu’à ce jour, en dépit des combats menés par nos aînés depuis l’abolition de l’esclavage.

Plus près dans le temps, la loi de mars 1946 créant le département n’a pas pu faire supprimer les inégalités sociales structurelles qui remontent à loin dans le temps. Pas plus que la loi sur l’égalité réelle outre-mer de février 2017. Est-ce à dire que nous sommes condamnés à la pauvreté perpétuelle ?