Aux origines du carnaval, entre traditions européennes et africaines

Au fil des ans, ces festivités se répandent, sur plusieurs grandes habitations, les jours précédents le mardi gras...
En cette période de jours gras nous vous proposons de revenir sur les origines du carnaval. Cette tradition européenne remonte au moyen-âge; mais c’est en Martinique qu’a pris naissance le tout premier carnaval de la Caraïbe et des Amériques.

La rencontre de deux mondes


Il faut remonter aux premières décennies de la colonisation pour trouver la source de notre carnaval. En 1651, le gouverneur Jacques Dyel du Parquet achète la Martinique, Sainte-Lucie, Grenade et les Grenadines à une Compagnie des îles d’Amérique totalement ruinée.
Le gouverneur Jacques Dyel du Parquet (1651).
Pour faire plaisir à son épouse Marie du Parquet, dite Marie Galante, ce neveu de Pierre Belain D’Esnambuc -habitué aux somptueuses réceptions données par la cour royale, décide d’organiser, au château de l’habitation La Montagne, des cavalcades et des fêtes burlesques, dans lesquels les convives sont invités à arriver masqués. Au fil des ans, ces festivités se répandent, sur plusieurs grandes habitations, les jours précédents le mardi gras, qui marque alors le début du carême.
Cavalcades et fêtes burlesques au château.

Une parenthèse de "liberté"


Les esclaves domestiques participent aux préparatifs et assurent le service pendant les réceptions, tandis que les "nègres à talents" animent les fêtes et jouent des morceaux de musique pour faire danser les invités. Durant ces soirées très alcoolisées, qui virent souvent à l’orgie, l’autorité a tendance à se relâcher et la fête "déborde" les rues cases nègres des habitations.
Les esclaves inventent un autre carnaval...
Un autre carnaval y prend naissance ; tambours, ti bwa, toutoune bambou et conques de lambis remplacent les clavecins, violons et violoncelles. Les esclaves défilent organisés en convois, parfois déguisé en maître, sans risquer de représailles. Ce moment est vécu comme une parenthèse, un répit de quelques jours par an, jusqu’à la libération de 1848.

(Re)voir notre reportage.

Explosion carnavalesque à Saint-Pierre


Désormais libres de circuler, les anciens esclaves transportent leur tradition de convois (l’ancêtre du vidé) dans les rues de Saint-Pierre. Les dimanches précédant mardi gras, des foules en liesse envahissent les rues du Petit Paris des Antilles, tandis que les riches défilent à cheval. Ce comptoir colonial est alors un port incontournable de la région, dans lesquels se produisent des troupes de théâtre ou de cirque venues du monde entier.

La créativité des carnavaliers y semble sans limite. C’est dans ses rues, et à l’occasion des bals organisés en soirée, que vont naître les principaux personnages du carnaval, comme Mariann La Po Fig, Caroline Zié Loli, les Nèg Gwo Siwo et autres Touloulous.
Les principaux personnages du carnaval martiniquais naîssent à Saint-Pierre.
La créativité s’exprime également à travers les chansons de carnaval, coquines ou sarcastiques. Des satires qui tournent en dérision les événements précédant les jours gras. Elles deviennent des chroniques de la vie sociétale et politique de la cité. Les notables et personnalités qui s’illustrent un peu trop entre l’épiphanie et le carnaval, savent qu’ils ont de grandes chances de se retrouver caricaturés lors des défilés carnavalesques.
 

Premières heures du Carnaval Foyal


En 1902, l’éruption de la Pelée aurait pu avoir raison du carnaval ; mais il va finalement renaître de ses cendres quatre ans plus tard avec les premiers défilés organisés sur la place de la savane à Fort-de-France. On est encore très loin de la liesse Pierrotine ; mais il existe déjà un vidé plus populaire, du côté des Terre Sainvilles.

Il faut attendre la seconde moitié du 20e siècle pour voir les festivités s’organiser réellement à Fort-de-France, avec la création d’un Comité Actif du Carnaval. Les participants sont de plus en plus nombreux et la place de la savane ne suffit plus à les contenir. Le tracé du circuit s’élargit jusqu’au boulevard de la Levée (actuel Boulevard Général de Gaulle).
Les orchestres défilent sur des chars et tous les personnages emblématiques du carnaval de Saint Pierre sont de retour dans le vidé.
Fort-de-France fait renaître le carnaval en 1906, 4 ans après l'éruption de la montagne Pelée à Saint-Pierre

Les groupes à pied débarquent dans le vidé


La dernière grande "innovation" de notre carnaval sera l’arrivée des groupes à pied. Le premier à sortir est le Kanaval Bo Kannal (ancien nom de Tanbou Bo Kannal) en 1973. L’idée est alors de "casser" l’image folklorique du carnaval en renforçant son apport africain, grâce au retour en force du tambour. C’est ainsi qu’est créé le Kalenbwa, mélange de rythme traditionnel Kalenda et de musique Chouval Bwa. Un rythme qui enchante toujours le vidé à Fort de France en 2020.
Char du carnaval des années 1970 à Fort-de-France.