Si l’on situe mieux aujourd’hui le rôle joué par Félix Éboue en 39/45, on connaît moins en revanche celui de Camille Mortenol durant la Première Guerre mondiale. L’homme figure sur la liste des personnalités auxquelles le gouvernement souhaite rendre hommage.
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En avril 1917, après plus de deux ans et demi de combats, les États-Unis mettent fin à leur neutralité et entrent en guerre aux côtés des pays de l'Entente. Satisfaction en France, où l’opinion salue le changement d’attitude du président Wilson. En juin, les Américains débarquent et sont fêtés par la population.
C’est un tournant, mais pour les Allemands rien n’est joué. Même si leurs troupes au sol marquent le pas, ils savent que le conflit se gagne aussi dans les airs. Leur cible principale, c’est le Camp retranché de Paris, comme on désigne alors l’ensemble des 94 bastions et 18 forts militaires qui ceinturent la capitale et assurent sa défense à l’aide de batteries antiaériennes.
Du 1er janvier au 11 novembre 1918, pas moins de 485 avions allemands déferlent sur la ville et lâchent l’équivalent de 12 tonnes de bombes. Ces raids obéissent à une logique simple, d’ordre psychologique. Il faut toucher l'adversaire au cœur et casser le moral de la population.
A Paris, confrontés à la peur et aux privations, beaucoup se terrent dans les stations de métro pour se mettre à l’abri. Les raids allemands sont toutefois contenus, grâce à un plan mis en place par le général Galliéni, le gouverneur militaire de Paris. Il s’appuie notamment sur un système de surveillance, assuré par des postes de guet dans les campagnes. Ensuite, dès que l’alerte est donnée, les autorités ordonnent l’extinction immédiate des lumières de la ville.
La mise en œuvre de ce plan, crucial pour l’issue de la guerre, est confiée à un homme hors du commun, un officier de marine, plus habitué pourtant à déjouer les attaques des bateaux que des avions. Il est guadeloupéen et se nomme Camille Mortenol.
L’histoire de Camille Mortenol est à tout point de vue exceptionnelle. Né à Pointe à Pitre en novembre 1859, il grandit dans une famille qui émerge à peine de l’esclavage, à l’image de son père qui a tout connu de ce drame. Il a vu le jour en Afrique, a été razzié, enchaîné, déporté, mis en servitude, puis s'est battu pour racheter sa liberté.
Poussé par ce père exigeant, Camille Mortenol excelle à l’école. Fort en maths, il intègre le lycée Montaigne à Bordeaux, puis entre à Polytechnique, devenant ainsi, comme on dit à l’époque, le premier étudiant "de couleur" à être de nouveau accepté dans l’établissement, après l’exclusion des Noirs décidé par Napoléon en 1802.
A sa sortie, Mortenol s'engage dans la marine nationale et sert sur toutes les mers du monde. Il participe, en tant qu’officier, aux conquêtes coloniales de la France à Madagascar, au Gabon, au Congo. Il prend part également à la guerre de Chine, en assurant le commandement d’une flottille de torpilleurs.
Mortenol se montre à chaque fois à la hauteur des missions délicates qui lui sont confiées. Mais sa carrière est freinée par les préjugés que nourrissent ses supérieurs à son égard.
"Monsieur Mortenol appartient à la race africaine noire, absolument noire. Il est, dit-on, intelligent et instruit, mais son physique constitue souvent une gêne dans le commandement et dans les relations avec les étrangers. Le choix qu'il a fait de la Marine, dans ces conditions, ne me paraît pas heureux", écrit l’un d’eux.
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Mortenol réclame le commandement d’un cuirassé. Mais, malgré ses 32 ans de métier et ses états de service, il essuie un refus. Qu'à cela ne tienne, le général Galliéni, sous les ordres duquel il a servi dans l'Océan indien, l'appelle à ses côtés et lui confie la direction de la Défense contre aéronefs (DCA) du Camp retranché de Paris.
C’est à cet "officier noir", doté "d’une rare culture et d’une intelligence exceptionnelle", comme le qualifie Galliéni, qu’il revient de repousser les avions allemands. Mortenol s’acquitte de sa tâche avec "un rare dévouement et une compétence éclairée", en s’appuyant sur un service de renseignement performant et en utilisant d’énormes projecteurs pour aveugler les pilotes ennemis et déjouer leurs attaques nocturnes. Sur les 485 avions allemands qui déferlent sur Paris, 35 seulement réussissent à survoler et bombarder la capitale.
En septembre 1918, alors que les armées allemandes battent en retraite, Clemenceau exprime, dans une lettre, "sa satisfaction pour les résultats remarquables obtenus par la défense contre les raids des avions ennemis sur la capitale et les villes de l’intérieur".
Deux ans plus tard, Camille Mortenol est félicité pour sa contribution à la victoire. Il reçoit la légion d’honneur avec la citation suivante : "Officier supérieur du plus grand mérite, à son poste jour et nuit pour veiller sur Paris, assure ses fonctions avec un rare dévouement et une compétence éclairée".
C’est un tournant, mais pour les Allemands rien n’est joué. Même si leurs troupes au sol marquent le pas, ils savent que le conflit se gagne aussi dans les airs. Leur cible principale, c’est le Camp retranché de Paris, comme on désigne alors l’ensemble des 94 bastions et 18 forts militaires qui ceinturent la capitale et assurent sa défense à l’aide de batteries antiaériennes.
Du 1er janvier au 11 novembre 1918, pas moins de 485 avions allemands déferlent sur la ville et lâchent l’équivalent de 12 tonnes de bombes. Ces raids obéissent à une logique simple, d’ordre psychologique. Il faut toucher l'adversaire au cœur et casser le moral de la population.
A Paris, confrontés à la peur et aux privations, beaucoup se terrent dans les stations de métro pour se mettre à l’abri. Les raids allemands sont toutefois contenus, grâce à un plan mis en place par le général Galliéni, le gouverneur militaire de Paris. Il s’appuie notamment sur un système de surveillance, assuré par des postes de guet dans les campagnes. Ensuite, dès que l’alerte est donnée, les autorités ordonnent l’extinction immédiate des lumières de la ville.
Camille Mortenol est au coeur de la défense de la capitale
La mise en œuvre de ce plan, crucial pour l’issue de la guerre, est confiée à un homme hors du commun, un officier de marine, plus habitué pourtant à déjouer les attaques des bateaux que des avions. Il est guadeloupéen et se nomme Camille Mortenol.
L’histoire de Camille Mortenol est à tout point de vue exceptionnelle. Né à Pointe à Pitre en novembre 1859, il grandit dans une famille qui émerge à peine de l’esclavage, à l’image de son père qui a tout connu de ce drame. Il a vu le jour en Afrique, a été razzié, enchaîné, déporté, mis en servitude, puis s'est battu pour racheter sa liberté.
Poussé par ce père exigeant, Camille Mortenol excelle à l’école. Fort en maths, il intègre le lycée Montaigne à Bordeaux, puis entre à Polytechnique, devenant ainsi, comme on dit à l’époque, le premier étudiant "de couleur" à être de nouveau accepté dans l’établissement, après l’exclusion des Noirs décidé par Napoléon en 1802.
A sa sortie, Mortenol s'engage dans la marine nationale et sert sur toutes les mers du monde. Il participe, en tant qu’officier, aux conquêtes coloniales de la France à Madagascar, au Gabon, au Congo. Il prend part également à la guerre de Chine, en assurant le commandement d’une flottille de torpilleurs.
Mortenol se montre à chaque fois à la hauteur des missions délicates qui lui sont confiées. Mais sa carrière est freinée par les préjugés que nourrissent ses supérieurs à son égard.
"Monsieur Mortenol appartient à la race africaine noire, absolument noire. Il est, dit-on, intelligent et instruit, mais son physique constitue souvent une gêne dans le commandement et dans les relations avec les étrangers. Le choix qu'il a fait de la Marine, dans ces conditions, ne me paraît pas heureux", écrit l’un d’eux.
L'hommage de Clémenceau à Mortenol
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Mortenol réclame le commandement d’un cuirassé. Mais, malgré ses 32 ans de métier et ses états de service, il essuie un refus. Qu'à cela ne tienne, le général Galliéni, sous les ordres duquel il a servi dans l'Océan indien, l'appelle à ses côtés et lui confie la direction de la Défense contre aéronefs (DCA) du Camp retranché de Paris.
C’est à cet "officier noir", doté "d’une rare culture et d’une intelligence exceptionnelle", comme le qualifie Galliéni, qu’il revient de repousser les avions allemands. Mortenol s’acquitte de sa tâche avec "un rare dévouement et une compétence éclairée", en s’appuyant sur un service de renseignement performant et en utilisant d’énormes projecteurs pour aveugler les pilotes ennemis et déjouer leurs attaques nocturnes. Sur les 485 avions allemands qui déferlent sur Paris, 35 seulement réussissent à survoler et bombarder la capitale.
En septembre 1918, alors que les armées allemandes battent en retraite, Clemenceau exprime, dans une lettre, "sa satisfaction pour les résultats remarquables obtenus par la défense contre les raids des avions ennemis sur la capitale et les villes de l’intérieur".
Deux ans plus tard, Camille Mortenol est félicité pour sa contribution à la victoire. Il reçoit la légion d’honneur avec la citation suivante : "Officier supérieur du plus grand mérite, à son poste jour et nuit pour veiller sur Paris, assure ses fonctions avec un rare dévouement et une compétence éclairée".