Chlodécone : après le non-lieu, le combat politique se poursuit pour la vérité

Elus de la CTM et parlementaires préparent la riposte politique.
Le non lieu prononcé le 2 janvier 2023 dans la procédure visant à traduire en justice les responsables de l’utilisation illicite du pesticide à base de chlordécone suscitent de nombreuses réactions. Parmi celles-ci, plusieurs émanent du personnel politique. Résumé de quelques unes de ces prises de position.

Décision scandaleuse, déni de justice, indemnisation des victimes : ce sont les trois idées revenant le plus plus souvent dans les propos ou les écrits de quelques responsables politiques sollicités par notre rédaction.

Le député (Nupes) Marcellin Nadeau, coprésident de Péyi’a, souhaite médiatiser ce scandale auprès de l’opinion publique française et sensibiliser l’Assemblée nationale. Les responsables de l’empoisonnement doivent être condamnés, et non les militants qui les dénoncent, ajoute l’ancien maire du Prêcheur.

Son collègue Jiovanny William estime qu’il faut continuer le combat pour la vérité et adoptant une nouvelle stratégie sur le plan judiciaire. Sur le plan politique, "nous devons être soudés contre l’Etat car c’est l’Etat qui a autorisé l’utilisation de ce pesticide, en dépit des nombreuses alertes" ajoute le député.

Il exige l’indemnisation de toutes les victimes de l’exposition au pesticide. Il y inclut les professionnels de l’agriculture et de la pêche qui ne peuvent plus travailler sereinement à cause de la pollution causée par ce produit phytosanitaire hautement toxique.

L’indemnisation des victimes est réclamée

Daniel Marie-Sainte, chef de file du Gran sanblé pou Matinik à l’Assemblée de Martinique est sur une postion voisine. Il rappelle la position exprimée dans une motion par les élus de son groupe.

Ils demandent la création d’un fonds d’indemnisation pour dédommager tous ceux dont la santé a été altérée par l’exposition au pesticide, et aussi pour les professionnels empêchés de vivre de leur métier. Ce fonds serait identique à ceux créés pour indemniser les victimes du sang contaminé, de l’amiante et des essais nucléaires dans le Pacifique.

L’indemnisation est due par les pouvoirs publics "eu égard à la responsabilité de l'État qui a interdit l'utilisation du chlordécone dès 1990 dans l’hexagone, tout en accordant des dérogations successives en Martinique et en Guadeloupe ce jusqu'en 1993 et en tolérant son utilisation jusqu'en 2002".

La motion du GSPM ajoute que cette faute est "particulièrement grave alors que dès 1968, la commission d’études de la toxicité des produits phytosanitaires, des matières fertilisantes et des supports de cultures avait conseillé l’interdiction du produit en raison de ses dangers potentiels pour la santé humaine et animale".

Rassemblement des chefs de groupes autour du président de l'Assemblée et du Conseil exécutif.

Une décision qui pèsera sur nos relations avec la France

Pour Francis Carole, président du Parti pour la libération de la Martinique (Palima), conseiller à l’Assemblée de Martinique, le non lieu est "d’une rare gravité qui pèsera lourdement et durablement sur nos relations avec la France". Il estime que le combat pour la justice et la réparation ne fait que commencer. Il conclut : "Nous devons être à la hauteur du défi en combinant toutes les formes d’actions possibles, dans l’unité la plus totale".

Robert Saé, porte-parole du Conseil national des comités populaires (CNCP) proche du Comité des ouvriers agricoles empoisonnés par les pesticides présidé par Yvon Sérénus estime que "le pouvoir colonial français a prouvé que nous sommes dans une colonie qui n’a pas droit à la justice".

Il rappelle que lors de la grève de janvier-février 1974, les ouvriers agricoles qui réclamaient la suppression des produits toxiques n’ont pour réponse que la répression. Robert Saé ajoute : "Il n’est pas normal que ce soit le criminel qui prononce la sentence. Le peuple martiniquais se mobilisera et ira jusqu’aux instances internationales et la France sera obligée de payer pour son crime."

Serge Letchimy, président du conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique a déjà mandaté l’avocat de l’institution, Maître Alex Ursulet, pour interjeter appel du non lieu. Ce vendreid 6 janvier 2023, à l’issue d’une réunion exceptionnelle du conseil exécutif, du bureau de l’assemblée et des chefs de file de cette instance de la CTM, il a déclaré : " la bataille juridique n’est pas perdue".

 Il est souhaitable de la doubler d’une "bataille politique  pour exprimer notre colère à l’Etat et au secteur privé pour rendre justice au peuple martiniquais". Un appel à l’unité qui semble être parti pour être entendu.