Peut-on parler d'un double langage du gouvernement et singulièrement de la ministre de la Santé ? Agnès Buzyn a affirmé vendredi 2 février au Sénat que les études menées sur les relations entre chlordécone et la santé ne sont pas concluantes. Une affirmation controversée à plus d’un titre.
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Peut-on à la fois refuser de faire le plein, et déplorer ensuite de tomber en panne d’essence ? C’est un peu ce qu’a fait la ministre de la Santé Agnès Buzyn vendredi 2 février au Sénat.
La discussion portait sur une proposition de loi d'indemnisation des victimes de l'exposition aux pesticides. Le sénateur socialiste de Guadeloupe Victorin Lurel insistait sur la nécessité d'inclure dans la liste de ces produits toxiques le chlordécone et le paraquat. La ministre lui a répondu qu'il n'existe pas de lien de cause à effet entre l'utilisation du chlordécone et la prévalence des cancers.
Voir l'extrait.Mais ce qu’a oublié de dire Agnès Buzin, c’est que si elle a en effet, en tant que directrice de l’institut national contre le cancer, financé le démarrage des études, c’est également elle qui leur a retiré ce financement.
En 2010, la première étude du genre, Karuprostate, est publiée par l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) en Guadeloupe. Les équipes scientifiques suivent pendant trois ans 700 hommes diagnostiqués avec un cancer de la prostate.
Les résultats sont sans appel. "Dès qu'apparaît une élévation du chlordécone dans le sang, vous élevez votre risque. Si on admet que quand vous n'avez pas de chlordécone dans le sang vous avez un risque 1 d'avoir un cancer de la prostate, eh bien dès que le chlordécone commence à pouvoir être mesuré dans le sang, vous élevez légèrement votre risque et ça commence à être quelque chose de très significatif, de passer d'un risque 1 à un risque 2 de voir survenir quelque chose, c'est un événement très important", précise le professeur Pascal Blanchet, chef du service urologie au CHU de Pointe-à-Pitre, dans le magazine de la santé.
Deux ans plus tard, une autre équipe à Angers, parvient à expliquer le mécanisme par lequel le chlordécone favorise le développement de la tumeur. "On a pu cibler une des nombreuses étapes du développement tumoral et comprendre comment cette toxique favorisait la croissance tumorale en agissant directement sur la formation de nouveaux vaisseaux" explique Nicolas Cléré, enseignant-chercheur à l'université d'Angers en 2012.
L’équipe de l’INSERM souhaite aller plus loin. Il n’y a qu’un seul pays avec les mêmes conditions d’exposition et c'est la Martinique. L'étude Madiprostate est donc lancée en 2013, mais ses financements lui sont retirés en 2014 par l’INCA (Institut national du cancer) dirigé alors par Agnès Buzyn.
Ce retrait foudroie en plein vol la seule étude au monde capable de répondre aux interrogations de la première, comme le note son chef de file, le professeur Luc Multigner "l'étude Madipostate aurait pu confirmer ou infirmer en Martinique ce que nous avions observé en Guadeloupe. Malheureusement cette étude n'ayant pu se dérouler jusqu'au bout par arrêt des financements, il devient très facile de critiquer Karuprostate. On aurait voulu empêcher de conclure de manière consistante on n’aurait pas mieux fait", selon lui.
Ainsi, déplorer aujourd'hui le manque de données mettant en évidence un lien entre cancer et chlordécone est donc paradoxal.
Si l'on voulait lancer de nouvelles études, il y a en tout cas matière. En Martinique, 600 nouveaux cancers de la prostate sont recensés chaque année, et sur des hommes de plus en plus jeunes.
La discussion portait sur une proposition de loi d'indemnisation des victimes de l'exposition aux pesticides. Le sénateur socialiste de Guadeloupe Victorin Lurel insistait sur la nécessité d'inclure dans la liste de ces produits toxiques le chlordécone et le paraquat. La ministre lui a répondu qu'il n'existe pas de lien de cause à effet entre l'utilisation du chlordécone et la prévalence des cancers.
Voir l'extrait.Mais ce qu’a oublié de dire Agnès Buzin, c’est que si elle a en effet, en tant que directrice de l’institut national contre le cancer, financé le démarrage des études, c’est également elle qui leur a retiré ce financement.
Retour dans le passé
En 2010, la première étude du genre, Karuprostate, est publiée par l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) en Guadeloupe. Les équipes scientifiques suivent pendant trois ans 700 hommes diagnostiqués avec un cancer de la prostate.
Les résultats sont sans appel. "Dès qu'apparaît une élévation du chlordécone dans le sang, vous élevez votre risque. Si on admet que quand vous n'avez pas de chlordécone dans le sang vous avez un risque 1 d'avoir un cancer de la prostate, eh bien dès que le chlordécone commence à pouvoir être mesuré dans le sang, vous élevez légèrement votre risque et ça commence à être quelque chose de très significatif, de passer d'un risque 1 à un risque 2 de voir survenir quelque chose, c'est un événement très important", précise le professeur Pascal Blanchet, chef du service urologie au CHU de Pointe-à-Pitre, dans le magazine de la santé.
Deux ans plus tard, une autre équipe à Angers, parvient à expliquer le mécanisme par lequel le chlordécone favorise le développement de la tumeur. "On a pu cibler une des nombreuses étapes du développement tumoral et comprendre comment cette toxique favorisait la croissance tumorale en agissant directement sur la formation de nouveaux vaisseaux" explique Nicolas Cléré, enseignant-chercheur à l'université d'Angers en 2012.
L’équipe de l’INSERM souhaite aller plus loin. Il n’y a qu’un seul pays avec les mêmes conditions d’exposition et c'est la Martinique. L'étude Madiprostate est donc lancée en 2013, mais ses financements lui sont retirés en 2014 par l’INCA (Institut national du cancer) dirigé alors par Agnès Buzyn.
Ce retrait foudroie en plein vol la seule étude au monde capable de répondre aux interrogations de la première, comme le note son chef de file, le professeur Luc Multigner "l'étude Madipostate aurait pu confirmer ou infirmer en Martinique ce que nous avions observé en Guadeloupe. Malheureusement cette étude n'ayant pu se dérouler jusqu'au bout par arrêt des financements, il devient très facile de critiquer Karuprostate. On aurait voulu empêcher de conclure de manière consistante on n’aurait pas mieux fait", selon lui.
Ainsi, déplorer aujourd'hui le manque de données mettant en évidence un lien entre cancer et chlordécone est donc paradoxal.
Si l'on voulait lancer de nouvelles études, il y a en tout cas matière. En Martinique, 600 nouveaux cancers de la prostate sont recensés chaque année, et sur des hommes de plus en plus jeunes.