Chlordécone : les citoyens exigent que la justice leur témoigne du respect

Une affiche portée par des manifestants

La plus importante mobilisation populaire jamais tenue sur le scandale du chlordécone ouvre un nouveau chapitre dans cette controverse, celui de la confiance érodée des citoyens envers l’autorité judiciaire.

"Chlordécone partout, justice nulle part ": c’était l’un des slogans les plus souvent scandés lors du défilé de rue géant de ce 27 février 2021 à Fort-de-France. Combien étaient présentes et présents dans cette manifestation pacifique, la plus importante jamais tenue sur ce thème ? Les estimations oscillent de 5 000 à 15 000.

la foule massée devant la maison des syndicats

Ce qui montre que la population s’est largement mobilisée pour ce rendez-vous préparé par un collectif d’associations citoyennes, de militants écologistes et de personnalités politiques. Des mobilisations se sont tenues au même moment à Capesterre Belle-Eau et à Paris. Avec une simple demande : justice et respect. Justice pour les victimes de l’exposition au poison des bananeraies. Respect pour la dignité des peuples de Guadeloupe et de Martinique.

Convenons-en : ces manifestations n’auraient jamais dû avoir lieu. Il est totalement anormal que des citoyens en soient réduits à réclamer dans la rue que les tribunaux remplissent leur mission. Il est profondément choquant que l’institution judiciaire annonce, avant d’avoir bouclé son enquête, qu’elle prendra la décision de ne pas poursuivre des coupables connus de tous.

Une situation anormale

 

Il est à espérer que les juges d’instruction du tribunal de Paris ont entendu les cris de colère, les chants et les slogans déclamés lors des rassemblements de ce 27 février 2021. Sont-ils conscients que le Code de procédure pénale, qu’ils invoquent, ne les prémunit pas contre un déni de justice ?

Un déni de justice est un préjudice causé à un justiciable par l’État, comme le définit la loi du 5 juillet 1972. La Cour de cassation a précisé sa portée, en 2001, expliquant dans un arrêt limpide que toute déficience traduisant l’inaptitude de la justice à remplir sa mission est constitutive d’une faute lourde.

La morale au secours du droit

 

Ces magistrats ont-ils compris que la confiance en l’institution judiciaire peut s’éroder lorsqu’elle ignore la demande légitime de désigner les responsables d’un délit et à réparer les dommages causés par ces actes ? Le Code civil l’édicte dans son article 1240 : "Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".

Les juges d’instruction savent-ils que c’est de morale dont il s’agit dans cette affaire, autant que de droit ? S’ils prononcent un non-lieu, ils ne commettraient pas seulement une erreur d’appréciation, mais se rendraient coupables d’une faute, c’est-à-dire d’un manquement à la règle morale, comme le définit le dictionnaire Larousse. Pensent-ils vraiment qu’une quelconque institution peut se dresser contre le peuple quand il réclame vérité, justice et respect ?