Colbert, auteur du Code noir, personnage méconnu des Français

La statue du ministre des Colonies de Louis XIV située devant l’Assemblée nationale a été partiellement recouverte de peinture rouge, mardi 23 juin 2020. L’inscription "Négrophobie d’État" a été inscrite sur son socle. Un geste qui interpelle, forcément.
 
Une vidéo diffusée sur un réseau social par la Brigade antinégrophobie montre l’auteur de la dégradation de la statue de Colbert en pleine action et son arrestation. Un gendarme lui indique que son acte est interdit. Le jeune homme répond : "Ce qui est interdit, c’est le racisme. Cet homme-là fait l’apologie de la négrophobie". Il explique également : "On le fait à visage découvert parce que le procès qui suivra sera notre tribune". 
La statue de Colbert taguée devant l'assemblée nationale à Paris.
Plusieurs dirigeants politiques de droite et d’extrême droite ont dénoncé cet acte. Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, de La République en marche estime que "revisiter l’histoire ou vouloir la censurer dans ce qu’elle a de paradoxal parfois est absurde". Le député Julien Aubert de Les Républicains estime "purement consternante" l’inscription apposée sur la statue de Colbert, "grand serviteur de l’État et promoteur de notre industrie".
 

Un acte fermement condamné


La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen dit que "juger l’histoire à partir des principes qui sont ceux d’aujourd’hui n’a juste aucun sens". La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye appelle à la retenue et condamne celles et ceux qui ont pour objectif, selon elle, "d’effacer les traits de l’histoire de France". Des réactions compréhensibles, vu la charge symbolique de ce geste. S’attaquer à un pilier de l’État moderne ne peut pas laisser indifférent le monde politique.

Dans la culture politique française, le ministre du roi Louis XIV est le promoteur de la rationalisation de l’administration. Il élabore des lois et des règlements dans tous les domaines d’action de l’État. Pour la politique coloniale aussi.

Colbert souhaite que la France concurrence la Hollande et l’Angleterre. Ce qui passe par l’expansion organisée du domaine colonial, afin que le pays enrichisse son industrie naissante et son commerce florissant. Dans cette optique, Colbert veut que le gouvernement exerce un contrôle direct et étroit sur les possessions lointaines, laissées à des colons durant le demi-siècle précédent.
 

L’initiateur du Code noir


C’est ainsi que Colbert élabore ce qui deviendra le Code noir. Cet ensemble de textes est promulgué deux ans après sa mort, en 1685. Il est finalisé par son fils, le marquis de Seignelay. Le document est supervisé en personne par Louis XIV, notamment pour ce qui concerne les chapitres consacrés à la répression et à la police des Noirs.

Le Code Noir ne créé pas les châtiments corporels, déjà largement utilisés par les colons. Ce texte met un terme à l’impunité dont jouissent les maîtres d’esclaves. Pourtant, il est peu respecté. Les actes de tortures ne cessent pas, sans que les tribunaux ne condamnent les coupables.

L’autre paradoxe du Code noir, c’est qu’il est présenté par ses auteurs comme une tentative d’adoucir la condition des esclaves alors qu’il permet de rendre légitime le régime esclavagiste. La loi française autorise la condition de travailleur servile. Dès lors, l’État introduit le racisme dans son système de gouvernement.

S’attaquer aujourd’hui à Colbert revient à s’interroger sur les pages les plus sombres et les plus méconnues de l’histoire de la France, dans toute la France, dans nos territoires périphériques y compris.

Jean-Baptiste Colbert, l’éminence grise de Louis XIV, n’est pas le seul personnage emblématique dont nous devons découvrir toutes les facettes. Napoléon Bonaparte n’est pas en reste non plus. Mais là, c’est une autre histoire !