La CTM est-elle correctement dotée en juristes spécialisés en droit des collectivités ? C’est à se le demander, vu le pataquès créé par une initiative mal comprise et malvenue de la majorité de notre collectivité majeure. Une maladresse qui a lui a attiré une volée de bois vert de deux groupes de l’opposition de l’assemblée, Jean-Philippe Nilor et Daniel Marie-Sainte en tête.
L’objet de leur colère : un amendement défendu à l’Assemblée nationale par la députée Josette Manin, le 7 décembre 2021. Il s’agissait de modifier l’appellation "président du conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique" en "président de la Collectivité Territoriale de Martinique".
Manière de dire que la collectivité n’a qu’un seul président, et non deux, comme le dit clairement la loi du 27 juillet 2011 instaurant la CTM et son homologue de Guyane. Laquelle loi a été le fruit d’âpres discussions au Parlement, un an et demi après la consultation du 24 janvier 2010 validant le principe de la fusion de la région et du département en une collectivité unique.
Deux présidents sur le même niveau
Le Parti progressiste martiniquais, désormais aux commandes de la CTM avec son président Serge Letchimy, a toujours défendu la prééminence du président du conseil exécutif sur le président de l’assemblée. Et pour cause, ses élus étaient les plus influents lors de la préparation de la nouvelle architecture institutionnelle auprès des émissaires du gouvernement de Nicolas Sarkozy.
Hier comme aujourd’hui, le PPM s’en tient à l’esprit de la loi, à savoir ce que l’on veut mettre dans un texte sans l’écrire. En l’espèce, donner au chef de l’exécutif des pouvoirs aussi étendus que ceux dont disposaient le président de la région et du département. Or, la lettre de la loi, à savoir ce qui y est clairement mentionné, dit que les présidents des deux organes sont placés sur le même niveau hiérarchique.
Letchimy et Marie-Jeanne, même combat ?
La réaction courroucée de Daniel Marie-Sainte, le chef du groupe du Gran sanblé pou Matinik à l’assemblée, est légitime. Elle montre aussi qu’il a de l’humour, ou la mémoire qui flanche. Car l’exercice du pouvoir par Alfred Marie-Jeanne durant la première gouvernance de la CTM s’est résumé en une de ces phrases lapidaires dont il a le secret : "Il ne faut pas confondre exécutif et exécutant" avait-il déclaré au cœur de la polémique provoquée par son refus d’appliquer la décision de l’assemblée d’acheter la parcelle jouxtant l’usine de production d’eau de Séguineau. On se souvient qu’il avait dit de son homologue Claude Lise qu’il n’est qu’un distributeur de parole.
Ceci dit, rien n’interdit de modifier une loi, surtout celle-ci. Ses imperfections ont alimenté plusieurs passes d’armes entre les deux présidents précédents. Au sein du personnel politique, un consensus existe quant au toilettage du texte. Là où l’initiative étonne, c’est qu’elle a été prise sans concertation préalable. Et qu’elle ne concerne que le périmètre du président de l’exécutif.
Il eût été hautement préférable que les modifications souhaitées par les élus de tous les bords politiques fussent adoptées lors d’un débat au sein de l’assemblée. Il eût été également notoirement souhaitable que d’autres dispositions contestées du texte fussent révisées. Les débats entre les élus de l’organe délibérant auraient pu montrer aussi que la collectivité peut s’administrer librement et qu’elle peut trouver des aménagements internes sans qu’il soit nécessaire d’en référer au Parlement. Nos partisans de l’autonomie politique l’aurait-il oublié ?