Comment allons-nous vivre avec ce maudit chlordécone ?

Ouvrière agricole dans une bananeraie
L'État est responsable ! Conclusion de la commission d’enquête parlementaire sur l’utilisation du chlordécone et du paraquat aux Antilles, dans l'épandage de pesticides dans les bananeraies, en dépit du principe de précaution. Vivre avec ses effets, est désormais un défi collectif.
 
Les conclusions de la commission d’enquête présidée par le député de Martinique Serge Letchimy n’ont rien de surprenant. L’État a déjà reconnu sa responsabilité, partielle, dans la survenue et la persistance du scandale du chlordécone. D’abord par le président Emmanuel Macron, lors de son déplacement aux Antilles, en septembre 2018. Puis par quatre ministres auditionnés par la commission d’enquête, en octobre 2019.

Il convient désormais de se demander, collectivement, comment sortir de cette crise sans précédent affectant deux territoires. Les scandales sanitaires de l’amiante, de la vache folle, du sang contaminé, du médiator concernent une population limitée et dispersée dans toute la France.
 

Des conclusions sans surprise


Or, l’imprégnation de notre environnement naturel, de nos produits alimentaires et de nos corps par la molécule maudite est totale, définitive et irréversible. Totale : l’intégralité des 800 000 habitants de Guadeloupe et de Martinique en subissent les conséquences. Sans compter ceux qui y vivaient et qui sont partis ailleurs.

En définitive, nous en avons pour six à sept siècles avant que les traces de la molécule disparaissent. Irréversible : aucun d’entre nous ne verra de son vivant la disparition des effets du chlordécone. Hormis aux Antilles françaises, le système économique ayant générer cette intoxication généralisée n’existe.

Nous ne disposons donc d’aucune référence sur laquelle nous appuyer. Nulle part ailleurs sur la planète, la population totale d’un territoire ne vit avec une menace permanente pour elle et pour ses descendants.
 

Le scandale n'appartient pas au passé


Nous devons donc redoubler d’imagination pour nous alimenter différemment, pour développer une agriculture nourricière saine. Nous devons donc inventer des astuces pour éviter la surexposition aux autres pesticides. Et nous habituer à côtoyer des malades du cancer, ou à en souffrir personnellement. Et aussi affronter les malformations congénitales de nos bébés, les retards de développement de nos enfants, les décès soudains de nos jeunes en pleine fleur de l’âge.

Nous ne le savons peut-être pas encore, mais le chlordécone nous oblige à inventer, sinon une autre société, au moins d’autres façons de vivre.