"Le journalisme sous l’emprise du numérique" a été retenu pour thème de l’édition 2022 de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Une conférence internationale se tient durant toute cette semaine sous l’égide de l’UNESCO à Montevideo, la capitale de l’Uruguay.
Experts et acteurs des médias souhaitent confronter leurs points de vue sur l’avenir des moyens d’information de masse à l’ère du numérique. Il est vain de ressasser que l’informatique a pris le pas sur nos vies, dans le monde entier. Le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur grâce aux progrès technologiques, ou à cause d’eux. Citons notamment le développement de l’intelligence artificielle, la généralisation des algorithmes par les plateformes virtuelles, le piratage informatique, la surveillance par des logiciels espions ou encore les cyber-attaques.
La toute-puissance du numérique est telle que nous sommes incapables de prévenir et contrôler ses redoutables effets pervers. Les menaces sur la stabilité politique d’un pays ne sont plus du domaine de la fiction. Le gouvernement russe est passé maître dans cet art, l’ayant expérimenté avec succès lors des campagnes présidentielles aux Etats-Unis en 2016 et en France en 2017.
La guerre se déroule aussi sur le champ numérique
La guerre en Ukraine constitue un terrain de jeu pour les cybercriminels de Moscou. Leur objectif est d’intoxiquer l’opinion publique. Laquelle se révèle d’autant plus malléable que les filtres sont devenus inefficaces. En l’occurrence, la presse, qui éprouve le plus grand mal à continuer de diffuser une information de qualité, c’est-à-dire vérifiée et contrôlable.
Les fausses nouvelles ne cessent de pulluler par les réseaux dits sociaux. Du reste ces canaux de diffusion de canulars et de thèses farfelues n’ont de sociaux que le nom, tant ils se révèlent précisément de puissants vecteurs de la fragmentation sociale. Nous l’avons vécu durant la pandémie. Elle s’est accompagnée d’une véritable épidémie parallèle, celle des fausses informations, pour reprendre une phrase du secrétaire général de l’ONU.
Au début de la pandémie, en février 2020, Antonio Gutteres insistait sur la nécessité de disposer d'une presse libre afin de contrer les fausses nouvelles. Certaines se sont révélées dangereuses, mettant des vies en danger, leurs consommateurs leur ayant accordé un crédit immérité.
Désormais, sur toute la planète, le défi lancé aux moyens d’information se révèle colossal. Le progrès technologique favorise plus que jamais la compréhension et les échanges entre peuples différents, indéniablement. La numérisation abolit le temps et la distance, certainement. En revanche, elle créé de nouveaux clivages, des oppositions durables et alimente la défiance des citoyens envers les institutions. Chacun étant libre de commenter les faits, voire même d’en inventer, la confusion s’installe et le chaos devient la norme sociale.
La presse face à un défi colossal
Dans ce climat, la mission du journaliste s’avère éminemment complexe. Alors que son métier consiste à témoigner lucidement et à rendre compte honnêtement de la réalité en diffusant une information de qualité, il est tenu désormais de démentir les rumeurs. Quitte, pour cela, à se mettre le public à dos et à irriter les propagateurs d’informations tronquées.
Peu importe, l’essentiel pour le journaliste est d’être au service des gouvernés, et non des gouvernants. Son métier ne consiste pas à relayer les discours des pouvoirs. Son devoir est de poser des questions et de se poser des questions, au risque d’agacer ou de déplaire à son public.
Le journalisme est un métier de conscience, encore plus en temps de crise, comme durant la pandémie, et aussi en temps de guerre, comme celle qui menace la planète entière.