Coronavirus : au troisième jour de confinement les Martiniquais font le plein de médicaments

Les pharmacies de Martinique sont prises d'assaut
C’est le produit star du moment. Le Doliprane est très demandé sur l’île. Beaucoup de monde encore aujourd’hui dans les pharmacies, qui ont par ailleurs obtenu le feu vert de la Sécurité sociale pour renouveler les ordonnances des patients privés de médecins.
C’est le paradoxe de ce troisième jour de confinement. En ce jeudi 19 mars 2020, les cabinets médicaux sont moins remplis que les pharmacies.

À Schoelcher, par exemple, un médecin ne cache pas sa satisfaction :

"Chez moi, il n’y a pas d’angoisse. Mes patients sont confinés comme tout le monde et ils restent à la maison. S’ils ont un problème, ils m’appellent. Je travaille beaucoup par téléphone".


Dans les pharmacies, ça ne désemplit pas en revanche, même si l’affluence n’est pas la même qu’en début de semaine.

"On a eu beaucoup de monde lundi et mardi. Les gens achetaient du Doliprane, deux ou trois boites d’un coup. Ils prenaient également des stimulants et des remontants. Maintenant, ça s’est calmé",

raconte une pharmacienne.
Aujourd’hui, entre 7h30 et 13h, pas moins de quatre-vingts personnes sont tout de même passées dans son officine à Fort-de-France. Les trois quart d’entre elles disposaient d’une ordonnance, récente ou datant de quelques semaines.

"Sur présentation de l’ordonnance, la Sécurité sociale nous autorise exceptionnellement à renouveler le médicament, même si ce n’est pas spécifié sur le document. Cette dérogation est valable jusqu’au 31 mai 2020

souligne la pharmacienne. 

La ruée dans les pharmacies a néanmoins fait réagir l'Agence nationale du médicament à Paris. Depuis hier, elle a restreint la vente de paracétamol : une seule boite par personne en l'absence de symptômes et deux en cas de fièvre ou de douleurs. 

Au hit-parade des médicaments les plus vendus en pharmacie, le Doliprane (1 gramme, boite de 8 comprimés) se classe largement en tête.
La demande est tellement forte, que Ubipharm, l’un des deux grossistes répartiteurs en produits pharmaceutiques de la Martinique, a du mal à la satisfaire.

"Le mois dernier, nous avons livré aux pharmacies deux-mille cinq-cents boites de Doliprane. Depuis le début du mois de mars, depuis dix-neuf jours donc, nous sommes déjà à quatre-mille boites. On est sur la même courbe que pour l’épidémie de chikungunya où on tournait autour de dix-mille boites",

indique-t-on chez Ubipharm. 

Si le paracétamol est très demandé, les Martiniquais ne lésinent pas non plus sur les compléments alimentaires. L’extrait de pépin de pamplemousse est par exemple en rupture de stock chez Sodima, un grossiste en produits paramédicaux

"On a vendu cinq-cents boites depuis le 1er mars. À titre de comparaison, l’an dernier, pour toute la durée du mois de mars 2019, nous avions vendu 152 boites. L’extrait de pépin de pamplemousse renforce les défenses immunitaires",

explique-t-on chez Sodima.
La ruée sur le paracétamol, les stimulants, les remontants et les compléments alimentaires, en pharmacie et dans les magasins, traduit une profonde inquiétude en Martinique, face à la propagation redoutée du coronavirus ; une peur que résume en quelques mots, lourds de sens, un médecin foyalais aujourd’hui à la retraite. 

"En cinquante ans de carrière, c’est la première fois que je suis confronté à un tel scénario catastrophe. C’est pire que nos cyclones ou tremblements de terre. Si nous ne sommes pas raisonnables, si nous ne respectons pas le confinement, qui, seul, peut ralentir ou stopper la pandémie, dans quinze jours, nous aurons un pic à la Martinique qu’on aura du mal à gérer. Nous avons certes un service de réanimation et de cardiologie de grande qualité, mais aurons-nous assez de respirateurs, assez de machines à oxygène, si les choses venaient à empirer ?",

s’interroge ce médecin retraité.

Quoi qu’il en soit, en ce troisième jour de confinement, les Martiniquais continuent de sortir pour acheter des médicaments, sans parler de ceux qui vont encore dans les supermarchés. Il reste visiblement beaucoup d’efforts encore à faire pour que chacune et chacun s’applique la formule au quotidien : "Rété a kay zot".