Le domaine public maritime redessiné par l’érosion du littoral en Martinique

La plage de Désert à Sainte-Luce.
La controverse sur la destruction des clôtures de trois maisons d’une plage de Sainte-Luce, le 5 mai 2019, pose la question de l’occupation de la zone des 50 pas géométriques. Mais elle masque le problème de fond, l’érosion du littoral par la montée de la mer.
 
La controverse de Sainte-Luce a au moins un aspect positif. Elle met en exergue la problématique de l’occupation de la zone dite des 50 pas géométriques. Elle se résume en une question : vu l’érosion inexorable du littoral par la mer à cause du réchauffement climatique, que faire des sentiers, des routes, des écoles, des mairies implantés sur cette bande de terre ?

Plusieurs maires des communes situées sur la côte réfléchissent à relocaliser les infrastructures, les logements, les services publics et les habitants de leurs communes. La concertation et la réflexion sont plus que jamais impératives pour sensibiliser la population au nécessaire changement de mode de vie provoqué par les métamorphoses du climat.
 

Une problématique peut en cacher une autre


Ainsi, depuis 20 ans, le Professeur Pascal Saffache, géographe à l’Université des Antilles, répète que la mer va déloger des dizaines de milliers de personnes. Les avertissements de ce scientifique de renom international trouvent cependant un faible écho dans son propre pays. Pourtant, le véritable enjeu de la bataille menée par certains contre l’occupation qu’ils estiment illégitime du littoral réside dans les conséquences humaines, sociales et économiques de la montée des eaux.

Le phénomène est ancien. La zone des 50 pas géométriques est un héritage des premiers temps de la colonisation. Le roi Louis XIV voulait une bande libre de toute occupation le long de la mer. Sa profondeur a été mesurée depuis le point le plus haut atteint par la marée durant la nuit d’équinoxe, le 21 juin. Elle s’établit à 81,20 mètres de ce point. C’est l’équivalent de 50 pas effectués par les soldats chargés de ces relevés dans les années 1670.
 

La zone des 50 pas bientôt submergée


Le domaine public maritime ne peut être vendu, ni occupé. Sauf si l’Etat cède des parcelles à des particuliers ou à des communes. Au fil du temps, des marins-pêcheurs y ont installé leur cabane, puis leur maison. Des familles entières, sans le sou, y ont bâti leur logement. Des gens aisés y ont construit leur résidence secondaire. Nombre de ces occupants n’ont pas de titre de propriété, ni de permis de construire.

En revanche, d’autres sont en règle. Soit parce qu’ils ont acheté une parcelle en bonne et due forme. Soit parce qu’ils en ont hérité. Le statut de ces occupants, de fait ou de droit, a été défini dans une loi votée grâce à la pugnacité de l’ancien sénateur de Martinique Roger Lise. Elle risque de devenir caduque, lorsque les occupants des 50 pas seront bientôt chassés de chez eux par la montée des eaux.