La droite martiniquaise au rendez-vous de son histoire

Yan Monplaisir, Diane Montrose et Karine Mousseau ( 23 juin 2019).
La séquence électorale dans laquelle nous entrons progressivement devrait être l’occasion pour les formations se réclamant de la droite d’opérer une recomposition et un renouvellement de leur projet.
 
A quoi sert la droite ? Qu’a-t-elle encore à dire ? Si cette notion a encore un sens en cette époque de recomposition du paysage politique, il convient de se montrer prudent quant à la délimitation de ses contours. Traditionnellement, la droite martiniquaise est conservatrice. Elle ne souhaite aucune évolution des institutions susceptible de relâcher les liens de la Martinique avec la France.

L’histoire a montré qu’elle a toujours su s’adapter à la nouvelle donne, quel que soit le régime ou la coloration politique du gouvernement. Esclavagiste, elle freine comme elle le peut la dynamique abolitionniste en 1848, en pure perte. Elle parvient à se reconstituer contre le camp républicain.
Opposée à la transformation de la colonie en département en 1946, elle se mue une décennie plus tard en farouche porte-parole du système. Hostile à la décentralisation en 1982, elle se coule avec délectation dans le costume de l’exécutif local.

Son légendaire conservatisme se teinte de pragmatisme lors des grands moments de notre histoire. Mais depuis l’arrivée de la gauche française aux affaires en 1981, elle n’a cessé d’être marginalisée. Elle est désormais éparpillée entre plusieurs formations et courants, plus ou moins actifs.
 

La droite a toujours su s’adapter à la nouvelle donne


Son socle de base, le mouvement gaulliste, désormais incarné par Les Républicains, a perdu des positions fortes au fil des trente dernières années. La création, en 1994, d’Osons Oser a considérablement amoindri l’influence de cette fraction, la plus conservatrice. Venu du mouvement gaulliste, l’ancien député et maire du Morne-Rouge Pierre Petit, a proposé une autre lecture de nos relations avec l’Etat. Il plaide pour l’accroissement des responsabilités des collectivités territoriales.

Nouvelle fracture au sein de ce courant en 1998 avec la mise sur rails des Forces martiniquaises de progrès. André Lesieur et Miguel Laventure, entre autres, accueillent les militants et les électeurs de l’ex-UDF de l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing. Son positionnement gêne les gaullistes et Osons oser. Les FMP recrutent aussi bien chez les conservateurs que chez les modernistes.

Last but not least, les premières élections territoriales de décembre 2015 offrent à la droite endormie l’occasion de rebattre ses cartes. Une coalition électorale est montée en vue d’emporter la future Collectivité Territoriale de Martinique. Cette institution née de la fusion du département et de la région modifie la donne politique.C’est ainsi que la liste "Ba péyi-a an chans" (Donnes sa chance au pays) impulsée par les deux frères ennemis Miguel Laventure et Yan Monplaisir parvient à intégrer les sphères dirigeantes de la CTM. Et ce, au prix d’une alliance de gestion avec la liste menée par Alfred Marie-Jeanne l’indépendantiste. Paradoxe parmi d’autres, les deux bords de l’échiquier politique se rejoignent le temps du premier mandat de la CTM.
 

Un courant politique éparpillé à la recherche d’un second souffle


Deux autres formations, à l’influence limitée, surnagent dans notre paysage politique bien fourni. Le Modem, classé au centre mais qui penche à droite, reste confidentiel. Son président local, Max Orville, est en passe d’intégrer le Parlement européen. Il était à la 24e place de la liste soutenue par le président Macron qui a obtenu 23 sièges. A la faveur de démissions de colistiers, il deviendra sous peu eurodéputé.

Quant au Parti régionaliste martiniquais (PRM), issu d’une dissidence de la fédération gaulliste de l’UMP, il devient transparent et inaudible. Les quelques personnalités qui le composaient se retrouvent, peu ou prou, dans la dynamique macronienne d’En Marche.

Au-delà de l’idéal de base de la droite, le maintien de la Martinique dans l’ensemble français et européen, il devient impératif qu’elle renouvelle sa doctrine, ses dirigeants, ses pratiques et sa stratégie. La gauche et les indépendantistes ont bénéficié partiellement de son déclin relatif. D’où la question : est-il encore possible de se dire de droite ?