Échec aux mondiaux : "la politique française en athlétisme est nulle" s'insurge l'entraîneur martiniquais Roger Grangenois

La déception domine dans le camp français.
Roger Grangenois, entraîneur martiniquais de renom, dresse un bilan négatif des résultats de l'équipe de France aux championnats du monde d'athlétisme en Hongrie. La France n'a obtenu aucune médaille pour l'instant. Il répond à nos 3 questions.

Roger Grangenois, découvreur de talents, qui a accompagné nos meilleurs athlètes dans les compétitions les plus prestigieuses, est aussi le président de l'un des plus anciens clubs d'athlétisme de Martinique, l'Ascoia (Association Sportive Cité Ozanam Inter Atlas). Il est déçu de la prestation de l'équipe de France aux mondiaux de Budapest (Hongrie).

Il est pessimiste pour les Jeux Olympiques prévus dans moins d'un an à Paris. Dans un certain sens, "il espère une déconvenue" afin de revoir entièrement la politique en matière d'athlétisme en France et par conséquent en Martinique.

Que pensez-vous du niveau des athlètes français, pendant ces mondiaux ?

Je regarde tous les jours la compétition. Quand je ne peux pas la voir en direct, je regarde en replay. La France est dans une espèce de marasme total depuis des années. Ce sera une grosse gifle l'année prochaine lors des JO. Je ne vois pas comment en un an, on peut brusquement sortir des champions. La politique sportive mais plus particulièrement en athlétisme est nulle, tout le monde le sait. Les anciens comme Stéphane Diagana le disent. Les Antillais de l'équipe de France sont à leur niveau. Le problème c'est qu'aujourd'hui, la fédération française n’effectue plus le travail qu'elle accomplissait à l'époque. Avant, nous avions beaucoup d'athlètes antillais qui étaient des leaders comme Roger Bambuck en 1968, Lucien Sainte-Rose, Hermann Panzo, Marie-José Perec...

Roger Grangenois, président de l'Ascoia, entraîneur

Il y avait une sorte de politique fédérale qui consistait à venir voir ce qu'il se faisait aux Antilles, comme le traditionnel meeting à Paques en Guadeloupe. On essayait de faire remonter ces jeunes talents sur Paris ou à l'INSEP pour des stages ou des formations. Aujourd'hui, la donne est complètement différente. La fédération, quand elle a des stages à effectuer, va en Afrique du Sud ou au Maroc. Au lieu d'investir sur un centre, comme en Guadeloupe avec le CREPS ou sur la Martinique. Elle va payer ailleurs. Personne ne vient chercher nos talents. Désormais, on se contente de récupérer les Antillais de Paris, ça colore l'équipe de France.

Roger Grangenois, président de l'Ascoia.

Qu'est ce qui fait la différence avec les autres pays ? (Caraïbe, USA, Afrique...)

Ils ont une politique de recrutement complètement différente de la nôtre. Déjà, à l'époque, la force de leur athlétisme venait des scolaires, de l'UNSS. Chez nous, ainsi que sur le plan national, cette structure marche de moins en moins, cela n'intéresse plus. La Jamaïque par exemple, a un des plus grands championnats caribéens mais aussi dans le monde sur le plan scolaire qui s'appelle "Boys and Girls Championships", qui se déroule juste avant les vacances de Pâques. C'est une compétition qui réunit 12 à 15 000 spectateurs pendant cinq jours dans le stade. En France, on n'en a pas autant. Ils s'entraînent dans différents endroits, ils vont parfois aux États-Unis, pour d'autres disciplines, ils vont à Cuba. Ces voyages sont financés par le ministère des sports. Il y a de grandes écoles comme celle de l'entraîneur de Bolt, en concurrence les unes avec les autres. Il y a de grandes rivalités entre elles, ce qui fait encore monter le niveau. Désormais, ils sont complets. Autrefois, on ne parlait de la Jamaïque que pour les courses, désormais ils sont aussi présents partout, en courses, en lancer, en saut... C'est une autre politique comparée à la France, ça n'a strictement rien à voir. De plus, la masse est beaucoup plus importante.

Roger Grangenois

J’ai fait partie de la première délégation qui a participé aux Carifta Games en 1977 à Barbade, on était devant les Jamaïquains. On obtient la médaille d'or sur 100 mètres en moins de 20 ans et en moins 17 ans grâce entre autres à Hermann Panzo, situation identique chez les filles. Mais petit à petit, on a fini par dégringoler. Désormais quand on arrive en finale c'est presque un exploit.

Quelle est la priorité pour préparer les JO à Paris ?

Qu'est-ce que l'on peut faire à un an près ? Déjà, il y a quatre ans, enfin trois ans, les JO ont été déplacés en 2021 à Tokyo à cause de la Covid, on n'a rien fait... Juste une médaille en décathlon et pas en or.

L'année suivante aux championnats du Monde, on avait déjà senti venir les choses, ça s'est accentué. Cette année, c'est la même chose, toujours zéro médaille. On est derniers au classement. Je ne vois pas comment ni ou cela peut s'améliorer. C'est triste de dire cela mais je me demande si ce n'est pas la meilleure solution, qu'il se produise une grosse déconvenue pour qu'enfin, on se dise qu'il faut tout revoir.

Roger Grangenois