Quels résultats pourraient donc bien recueillir les candidats de gauche en Martinique ce samedi ? Qu’est-ce qui pourrait empêcher à ce courant politique de totaliser la majorité de nos suffrages ? Ceci s’est toujours produit aux élections présidentielles ces trente dernières années.
Depuis 1988 et la réélection du président socialiste François Mitterrand pour un second septennat, la gauche a toujours emporté la majorité des suffrages des électeurs de Martinique au premier tour de scrutin. Soit son candidat unique sort en tête, soit l’ensemble de ses représentants devance les concurrents des autres courants politiques.
Cette année-là, François Mitterrand obtient 59% des voix au premier tour. Sept ans plus tôt, en 1981, il ne recueille que 12%, loin derrière les 72% du président sortant de droite Valéry Giscard d’Estaing. La Martinique vote à l’inverse de l’hexagone, Mitterrand étant élu cette fois, à sa troisième tentative.
À partir de cette date, qu’elle soit unie ou plurielle, la gauche a les faveurs des électeurs de Martinique. Même en 2002. Le candidat de droite, le président sortant Jacques Chirac sort en tête ici avec 32,9% des voix. Or, les cinq candidats de gauche totalisent deux fois plus de voix que lui.
La gauche a les faveurs des électeurs au premier tour
Lionel Jospin sort en seconde position avec 29,1% devant Christiane Taubira avec 27,8%. Ils devancent nettement le socialiste dissident Jean-Pierre Chevènement (2,3%), l’écologiste Noël Mamère (1,0%) et le communiste Robert Hue (0,48%).
En 2007, scénario identique. Avec quatre candidats, la gauche dépasse la barre de la majorité absolue. La socialiste Ségolène Royal (48,5%) distance Nicolas Sarkozy de 15 points, qui la devance sur toute la France avant d’être élu. Un nouveau pic est atteint par les deux candidats de gauche en 2012 avec 58% des voix. Jean-Luc Mélenchon obtient 6% et François Hollande 52% Il est élu président contre Nicolas Sarkozy.
Cinq ans plus tard, en 2017, alors qu’il termine quatrième pour la France entière, Jean-Luc Mélenchon sort en tête en Martinique avec 27%. Avec près de 10% pour le socialiste Benoît Hamon, la gauche totalise 12 points de plus qu’Emmanuel Macron, devenu président.
Une tradition ancienne du vote de gauche
Ces résultats montrent qu’il existe une tradition ancienne du vote de gauche. Elle s’illustre dans les combats menés par le camp progressiste ces deux derniers siècles pour l’égalité des droits. L’abolition de l’esclavage, la départementalisation, le vote des femmes et la quasi-totalité des conquêtes sociales sont le fruit de l’engagement de la gauche martiniquaise.
Plus récemment, l’anticolonialisme des décennies 1960 et 1970 a forgé une culture politique vivace dont les réminiscences s’étendent jusqu’à présent. Au point que la gauche dispose encore de bastions historiques : Trinité, Lamentin, Fort-de-France. Les maires, conseillers généraux, parlementaires issus de ces communes ont tous été de gauche depuis l’après-guerre.
Cette tradition du vote pour toutes les nuances de la gauche, du socialisme modéré à l’autonomisme militant, se retrouve dans une moindre mesure dans plusieurs autres zones : Nord-Caraïbe, Nord-Atlantique, Saint-Esprit, Marin, Vauclin, François, Robert, Gros-Morne, entre autres.
À chaque année électorale sa dynamique. Ce qui était vrai hier ne le sera pas obligatoirement demain. Ceci étant, la gauche a suffisamment labouré le terrain depuis les débuts de la Cinquième République pour que les candidats qu’elle soutient en 2022 réalisent de bons scores une fois de plus.