L’extrême droite est-elle en mesure de réaliser un bon score en Martinique ? Combien d’électeurs pourraient choisir l’un des quatre candidats classés à la droite de la droite ? Le choix est de plus en plus vaste, à chaque année électorale. Cette fois, se présente pour sa troisième tentative Marine Le Pen. Elle est fortement concurrencée par un ancien journaliste politique, Eric Zemmour.
Loin derrière dans les intentions de vote, nous trouvons Florian Philippot, un ancien du Front national et Nicolas Dupont-Aignan, venu de l’ancienne UMP. Ces candidats ont en commun de se réclamer du nationalisme ou du patriotisme et du conservatisme en matière sociale et/ou politique. En dépit de leurs divergences, ils se situent tous à la droite de la droite dite de gouvernement.
Force est de constater que l’extrême droite, toutes nuances confondues, ne cesse d’engranger des suffrages depuis une vingtaine d’années en Martinique et dans l’Outre-mer en général. À l’élection présidentielle de 2002, Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, n’obtenait que 1,75% des voix en Martinique. Qualifié pour le second tour face au président sortant de droite Jacques Chirac, il recueillait 3,85% des voix ici, à comparer avec son score global de 17,8%.
L’extrémisme de droite séduit ici aussi
Ses résultats progressent légèrement en 2007, avec 2,1% contre 10,4% à l’échelle de la France entière. En 2012, le flambeau est repris par sa fille. Elle est largement ignorée chez nous, avec 4,8% des suffrages pour un score global de 17,9%. Cinq ans plus tard, en 2017, la nouvelle figure de proue de l’extrême droite tutoie les 11% des voix, moitié moins que son résultat total. Au second tour, elle ne rassemble que 22% des électeurs de Martinique, mais 34% des Français en général.
Un autre chiffre révèle néanmoins la lente progression du vote de l’extrême droite chez nous. Aux élections européennes, 16% des électeurs martiniquais choisissent le Rassemblement national. Sa liste se classe en seconde position derrière la liste soutenue par le président Macron.
Cette progression constante montre que ici aussi, nous avons des nostalgiques de la grandeur passée de la France, qui se prétendait porteuse d’un message d’une soi-disant civilisation. Ils se recrutent aussi bien chez ceux qui sont récemment arrivés que chez nos natifs. Ceux-là sont persuadés que la France a perdu son rang à cause des politiques menées depuis trente ans par la droite et par la gauche.
Un discours fantasmatique mais convaincant
Nous avons, ici aussi, des citoyens sincèrement alarmés, prenant pour argent comptant les contre-vérités énoncées par les candidats partisans du repli sur soi de la France. Que ce soit sur la naturalisation des étrangers, sur leur nombre précis, sur leur activité économique, sur le radicalisme islamiste, sur l’impact culturel des immigrés, les discours de l’extrême-droite fourmillent d’approximations. Pourtant, il séduit et convainc.
Nous avons aussi une catégorie d’électeurs bien présente chez nous, les xénophobes, ceux qui ont peur des étrangers ou qui les haïssent. Le cultivateur haïtien, le coupeur de canne sainte-lucien, fort utiles à notre économie délabrée, sont les principales cibles de cette vindicte. Nous entendons même une petite musique selon laquelle la drogue et les armes sont importées par des étrangers, sans distinction. Comme si nos criminels étaient innocents dans ces trafics.
N’oublions pas les électeurs voulant exprimer un ras-le-bol face à l’amoncellement de leurs difficultés, du chômage à l’insécurité, en passant par un sentiment de déclassement personnel ou encore d’appauvrissement de la France. L’extrême droite est coutumière de la captation de ces citoyens se sentant ignorés par les autres courants politiques.
Les électeurs potentiels de la droite nationaliste et conservatrice en Martinique sont probablement plus nombreux que certains le supposent, ou que d’autres le craignent.